Prise en charge de la diarrhée aiguë


Abstract

Dans nos régions, la diarrhée aiguë est le plus souvent d’origine virale, et évolue presque toujours spontanément de manière favorable. La prise en charge consiste surtout à prévenir et traiter la déshydratation, particulièrement dans les groupes à risque (nourrissons et jeunes enfants, personnes âgées, personnes atteintes d’une affection chronique telle le diabète). Les solutions de réhydratation orale occupent une place importante dans le traitement de la déshydratation, et en prévention de celle-ci dans les groupes à risque. En cas de déshydratation grave, une hospitalisation s’impose avec souvent une réhydratation par voie intraveineuse. Les antibiotiques ne sont que très rarement indiqués en pratique ambulatoire. Les patients atteints d’une diarrhée grave (fièvre, altération de l’état général avec des selles sanguinolentes, tableau septique), certainement les enfants, doivent être hospitalisés; les antibiotiques seront alors souvent administrés par voie intraveineuse.

La diarrhée du voyageur est souvent d’origine bactérienne, et nécessite parfois l’administration d’un traitement antibactérien.

La diarrhée aiguë se caractérise par l’apparition brutale de selles plus molles et plus fréquentes, au moins trois fois par jour, pendant plus de 24 heures, et est associée ou non à de la fièvre et/ou des vomissements. Cet article porte sur le traitement de première ligne de la diarrhée aiguë d’origine infectieuse acquise par transmission fécale-orale ou par intoxication alimentaire. La diarrhée du voyageur a déjà été discutée de façon détaillée dans les Folia de mai 2001 ; des informations complémentaires à ce sujet sont mentionnées à la fin de cet article.


Généralités

La gastro-entérite aiguë est une affection qui, dans nos régions, guérit presque toujours spontanément, surtout chez les patients de plus de 5 ans et de moins de 75 ans, et qui s’accompagne d’un faible risque de déshydratation; les jeunes enfants et les personnes âgées ont un risque plus élevé de déshydratation. Dans nos régions, la cause est le plus souvent virale. La prise en charge de la diarrhée aiguë consiste d’abord à prévenir la déshydratation et à éviter la contamination (importance d’une bonne hygiène des mains!). Dans la plupart des cas, une prise en charge ambulatoire est possible. Dans certaines situations (p. ex. en cas de déshydratation grave, tableau septique avec altération de l’état général, chez les nourrissons ou les personnes âgées avec une diarrhée sanguinolente), une hospitalisation s’impose; la prise en charge à l’hôpital n’est pas discutée ici.

Il est important de reconnaître les signes d’une déshydratation: la déshydratation modérée se caractérise entre autres par de l’agitation, un enfoncement des yeux, une sécheresse de la bouche, une sensation de soif, la disparition lente du pli cutané et un temps de remplissage capillaire de 2 à 3 secondes (le temps de remplissage capillaire est évalué en exerçant une légère pression sur le lit capillaire de l’extrémité d’un doigt de la main placée à hauteur du coeur à une température ambiante d’au moins 19° C; dès que le lit capillaire blanchit, la pression est relâchée brusquement, et le temps du remplissage est évalué); une déshydratation grave se caractérise entre autres par un état léthargique, un pli cutané persistant, une tachycardie, un temps de remplissage capillaire > 3 secondes. Chez les personnes âgées, ces signes cliniques sont souvent moins marqués, et la déshydratation est facilement sous-estimée.

Des médicaments comme les antiépileptiques, la digoxine, les contraceptifs oraux peuvent être moins bien résorbés lors d’une gastro-entérite aiguë; les diurétiques seront de préférence arrêtés temporairement.


Conseils diététiques


Nourrissons et petits enfants

L’allaitement peut généralement être poursuivi, même en cas d’administration de solutions orales de réhydratation.

Les nouveau-nés nourris au biberon et qui ne présentent pas de signes de déshydratation peuvent poursuivre leur alimentation artificielle habituelle non diluée; en cas de déshydratation, l’alimentation artificielle sera interrompue 4 à 6 heures durant la période de réhydratation; après correction de la déshydratation, l’alimentation non diluée peut à nouveau être instaurée.


Enfants plus âgés et adultes

Il n’existe aucun argument pour recommander des modifications alimentaires. En cas de vomissements ou de crampes abdominales, il est quand même préférable de prendre plus fréquemment des plus petits repas. Afin de compenser la perte de liquide, il est recommandé de boire davantage. En l’absence de déshydratation, des boissons contenant assez de sucre et de sel (p. ex. thé, boissons rafraîchissantes ou jus de fruits, biscuits salés) sont en principe suffisantes. Chez les personnes déshydratées ou avec un risque élevé de déshydratation, des solutions de réhydratation standardisées sont nécessaires (voir plus loin): les boissons rafraîchissantes ne peuvent pas être considérées comme des moyens de réhydratation [voir Folia de mars 2005 ].


Utilisation de solutions orales de réhydratation

Des solutions orales de réhydratation sont indiquées en cas de diarrhée chez des patients avec un risque élevé de déshydratation (nourrissons et jeunes enfants, personnes âgées, personnes atteintes d’une maladie chronique telle le diabète) et en cas de déshydratation avérée. Des études réalisées chez des enfants atteints de déshydratation modérée ont montré qu’une réhydratation orale était au moins aussi efficace et plus sûre qu’une réhydratation intraveineuse. En présence d’une déshydratation grave, une hospitalisation est indiquée et la réhydratation se fera souvent par voie intraveineuse.

La composition actuelle pour un litre de solution orale de réhydratation, proposée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), est la suivante: 75 mmol de glucose, 75 mEq Na, 20 mEq K, 65 mEq chlorure, 10 mmol de citrate, avec une osmolarité de 245 mOsm/l. [ JAMA 2004; 291: 2628-31 et : 2632-35 ]. La composition actuelle (datant de 2002) contient entre autres moins de sodium par rapport à la solution proposée antérieurement, et correspond mieux à celle des solutions orales de réhydratation commercialisées dans nos régions. Ces solutions standardisées de réhydratation sont à préférer aux solutions préparées soi-même.

En prévention, il est recommandé d’administrer chez des nourrissons avec un risque élevé de déshydratation (poids < 7 kg; diarrhée aqueuse plus de 6 fois par jour, vomissements) une solution orale de réhydratation à raison de 10 ml par kg de poids corporel par épisode de défécation liquide. En cas de déshydratation modérée avérée, il est recommandé d’administrer une solution orale de déshydratation à raison de 50 à 75 ml par kg de poids corporel sur une période de 4 à 6 heures, et ceci par petites quantités (p. ex. cuiller par cuiller ou à l’aide d’une paille pour les enfants un peu plus grands). L’efficacité de la réhydratation sera évaluée après cette période. Si les signes de déshydratation persistent, une hospitalisation et le plus souvent une réhydratation par voie intraveineuse sont indiquées. L’administration d’une solution orale de réhydratation à un enfant demande beaucoup de patience aux parents, et il convient dès lors de leur expliquer qu’une réhydratation orale efficace permet d’éviter une hospitalisation. L’apparition de vomissements lors de l’administration d’une solution orale de réhydratation ne justifie pas l’arrêt de celle-ci; il n’est pas établi dans quelle mesure l’administration d’antiémétiques se justifie dans ce cas.


Médicaments anti-infectieux

Demander systématiquement une coproculture chez tout patient atteint d’une diarrhée aiguë n’a pas de sens. Celle-ci peut toutefois être demandée en cas de suspicion d’une diarrhée du voyageur, en cas de diarrhée sanguinolente associée à de la fièvre et à une altération de l’état général, et chez les jeunes nourrissons (< 6 mois) présentant une diarrhée sanguinolente.

Dans la pratique ambulatoire, la prescription d’antibiotiques en cas de gastro-entérite aiguë ne se justifie que rarement. Dans nos régions, la diarrhée n’est due à une bactérie que chez une minorité de patients. Même lorsqu’il s’agit d’une infection bactérienne et que la bactérie a été identifiée, l’utilité d’une antibiothérapie est limitée: des données suggérant un raccourcissement des plaintes avec certains antibiotiques n’existent que pour les infections à Shigella (rares en Belgique) et pour la diarrhée du voyageur (voir plus loin).

Dans la diarrhée de gravité légère à modérée (c.-à-d. sans fièvre et sans dysenterie), les antibiotiques n’ont pas de place, sauf peut-être chez les patients à risque (p. ex. les immunodéprimés).

Dans la diarrhée grave (fièvre, altération de l’état général avec diarrhée sanguinolente, tableau septique), une hospitalisation avec administration intraveineuse d’antibiotiques s’impose. Ceci est d’autant plus important pour les enfants. Les adultes atteints d’une diarrhée grave peuvent éventuellement être traités par une fluoroquinolone en ambulatoire, mais on ne dispose pas de beaucoup de données à ce sujet. Dans ce cas, une coproculture doit systématiquement être demandée au préalable, avec réajustement éventuel du traitement en fonction des résultats de l’antibiogramme (le plus souvent après 48 heures). Une durée de traitement de 5 jours est proposée, mais à nouveau sans beaucoup de preuves.

Il n’existe aucune preuve quant à l’efficacité des antiseptiques intestinaux tels le nifuroxazide. Il n’est pas démontré que le nifuroxazide ait un effet sur la déshydratation ou le pronostic. Des réactions allergiques graves ont été rarement décrites.


Lopéramide

Des données indiquent que le lopéramide raccourcit la durée de la diarrhée chez l’adulte; une constipation peut toutefois survenir. Il a également été démontré que le lopéramide raccourcit la durée de la diarrhée chez l’enfant, mais les posologies utilisées dans les études étaient parfois plus élevées que celles recommandées dans la notice. Plusieurs recommandations concernant le traitement de la gastro-entérite aiguë chez l’enfant déconseillent l’utilisation d’antidiarrhéiques tels le lopéramide en raison du risque d’effets indésirables graves tels léthargie, iléus, dépression respiratoire, rétention urinaire [voir aussi Folia de mai 2005 ]. D’après la notice, le lopéramide est contre-indiqué chez les enfants de moins de 2 ans, et ne peut être administré à des enfants de 2 à 6 ans sans prescription ou avis médical. La posologie recommandée dans la notice est la suivante: dose initiale de 4 mg chez l’adulte, de 2 mg chez l’enfant de plus de 6 ans; puis 2 mg après chaque défécation liquide (maximum 16 mg p.j. chez l’adulte, maximum 6 mg par 20 kg de poids corporel par jour chez l’enfant de plus de 6 ans).

Le lopéramide est en tout cas contre-indiqué en cas de fièvre ou de diarrhée sanguinolente ou glaireuse.


Adsorbants

On ne dispose pas de données suffisantes quant à l’efficacité de ces médicaments pour encourager leur utilisation.


Probiotiques

[voir aussi Folia de juin 2000]

Pour les probiotiques disponibles comme médicaments en Belgique (souche Bacillus IP5832, Lactobacillus acidophilus, Saccharomyces boulardii), il n’existe pratiquement pas de preuve quant à leur efficacité dans la gastro-entérite aiguë. Pour Saccharomyces boulardii, quelques données indiquent toutefois un effet favorable dans la diarrhée associée à la prise d’antibiotiques et la diarrhée due au Clostridium difficile.


Diarrhée du voyageur]

[voir aussi Folia de mai 2001 ]

Des informations utiles concernant la diarrhée du voyageur sont disponibles sur le site web de l’Institut de Médecine Tropicale (via www.itg.be/itg ).

Contrairement à la gastro-entérite aiguë rencontrée dans nos régions, la diarrhée du voyageur est le plus souvent d’origine bactérienne. La prévention et le traitement de la déshydratation sont ici aussi très importants. En cas de diarrhée de gravité légère à modérée (non sanguinolente, sans fièvre élevée), les antibiotiques ne sont pas indispensables, mais ils peuvent être utiles dans certains cas (p. ex. lors de voyages professionnels, d’activités sportives, de déplacements en bus ou en bateau ). En cas de diarrhée grave, le plus souvent due à une dysenterie bactérienne, la prise d’un antibiotique est indiquée, certainement lorsqu’on ne peut pas recourir à une autre aide médicale fiable. Un (auto)traitement rapide et adéquat peut en effet diminuer la durée de la maladie et, dans certains cas, éviter une hospitalisation dans un pays où les dispositifs médicaux sont parfois moins bons. Chez l’adulte, une fluoroquinolone pendant 3 à 5 jours reste le premier choix (ofloxacine 400 mg p.j. en une prise ou 2 prises, ciprofloxacine 1 g p.j. en 2 prises, norfloxacine 800 mg p.j. en 2 prises). Chez la femme enceinte et en cas de diarrhée grave due à un Campylobacter résistant aux quinolones, l’azithromycine (500 mg p.j. pendant 3 jours ou 1 g en une prise) peut être utilisée. Chez l’enfant, on peut utiliser l’azithromycine (10 mg/kg/jour pendant 3 jours), ou exceptionnellement, en cas de diarrhée sanguinolente grave, une fluoroquinolone (chez l’enfant, la plus grande expérience avec la ciprofloxacine) pendant une courte période.


Principales références

  • Gastro-entérite aiguë. Commission belge de coordination de la politique antibiotique ("Belgian Antibiotic Policy Co-ordination Committee" ou BAPCOC), directive en préparation.
  • Comité d’évaluation des pratiques médicales en matière de médicaments: rapport du jury de la réunion de Consensus du 24 octobre 2001 sur l’usage adéquat des antibiotiques en cas d’entérite aiguë et d’infections urogénitales aiguës dans la pratique ambulatoire. Le rapport peut être consulté via http://inami.fgov.be/drug/fr/pharmanet/consensus/index.htm .
  • Al-Abri SS, Beeching NJ en Nye FJ: Traveller’s diarrhoera. Lancet, Infectious Diseases 2005; 5: 349-60
  • Site web de l’Institut de Médecine Tropicale Prince Léopold: www.itg.be/itg
    • Textes de la réunion de consensus du Groupe d’Etude Scientifique de la Médecine des Voyages (édition 2005-2006).
    • Medasso: Conseils de santé pour voyageurs (édition destinée au corps médical).