Substitution nicotinique pour faciliter l’arrêt du tabagisme

La substitution nicotinique a déjà fait l' objet d' un article dans les Folia de juin 1994. A ce moment-là, la nicotine était disponible sous forme de gomme à mâcher et de système transdermique. Depuis, d’autres formes de substitution nicotinique sont apparues. L' efficacité et l' innocuité de ces différentes formes ont fait l' objet d' un article publié récemment dans Drug and Therapeutics Bulletin.


Formes

Cinq formes sont actuellement disponibles pour la substitution nicotinique: la gomme à mâcher, l' emplâtre transdermique, le spray nasal, l' inhaler et le comprimé sublingual.


Gomme à mâcher

Il existe des gommes à mâcher de deux concentrations différentes en nicotine: 2 mg et 4 mg par gomme. La nicotine est libérée sur une période d' environ 30 minutes de mâchement intermittent, elle est principalement résorbée au niveau de la muqueuse buccale. Il est recommandé de commencer par 8 à 12 gommes à mâcher de 2 mg par jour. La dose maximale journalière est de 15 gommes de 4 mg.


Emplâtre transdermique

Des emplâtres de différentes teneurs en nicotine sont disponibles. [N.d.l.r.: Les emplâtres Nicorette libèrent en fonction de celles-ci 5 mg, 10 mg ou 15 mg de nicotine par 16 heures. Les emplâtres Nicotinell et Niquitin libèrent en fonction de leur teneur 7 mg, 14 mg ou 21 mg de nicotine par 24 heures.]


Spray nasal

Le spray nasal disponible consiste en une solution de 10 mg de nicotine par ml. Une dose libère 0,5 mg de nicotine; celle-ci est rapidement résorbée par la muqueuse nasale. Les pics de concentration plasmatique sont atteints après 10 à 15 minutes. Le schéma suivant est recommandé: 1 dose dans chaque narine si nécessaire; a répéter au maximum deux fois par heure pendant 16 heures sur 24.


Inhaler

L' inhaler est constitué d' un embout buccal et d' une cartouche remplaçable. La quantité de nicotine inhalée est résorbée par la muqueuse buccale. La nicotine n' atteint pratiquement pas les poumons. La charge maximale de nicotine est atteinte après un usage intensif pendant 20 minutes (c' est-à-dire en inhalation continue). [N.d.l.r.: les pics de concentration plasmatique sont atteints dans les 15 minutes qui suivent la fin de l' inhalation. Les concentrations plasmatiques observées après utilisation clinique de l' inhaler correspondent à celles obtenues lors du mâchement d' une gomme de 2 mg par heure, ou après une seule utilisation du spray nasal par heure.]


Comprimé sublingual

Le comprimé sublingual est la forme de substitution nicotinique la plus récente. Maintenu sous la langue pendant 30 minutes, le comprimé libère en se dissolvant 2 mg de nicotine dont 1 mg est résorbé par la muqueuse buccale.


Evidence quant à l' efficacité

Dans les études cliniques, l' efficacité de la substitution nicotinique est classiquement exprimée par le pourcentage de personnes chez qui un sevrage complet est obtenu pendant un an, et ce à partir de deux semaines après le début de la tentative d' arrêt du tabagisme.


Efficacité globale

Les résultats d' une revue systématique de 81 études randomisées suggèrent que la chance d' arrêter de fumer avec succès est plus grande avec une substitution nicotinique (gomme à mâcher, emplâtre, spray nasal ou inhaler) qu' avec un placebo ou sans rien: 18% versus 11%. Dans toutes ces études, l' une ou l' autre forme d' accompagnement était proposée. Un traitement de 8 semaines par un emplâtre fut aussi efficace qu' un traitement plus long, et il n' a pas été démontré qu' une diminution progressive du traitement par emplâtre était préférable à un arrêt brutal. L' application d' un emplâtre pendant la journée (16 heures) était aussi efficace que pendant 24 heures.

La substitution nicotinique diminue les manifestations de sevrage lors de l' arrêt du tabagisme (envie de fumer, angoisse, irritabilité, augmentation de l' appétit et prise de poids, troubles de la concentration), mais elle ne les fait pas complètement disparaître.


Etudes comparatives

Il existe peu de données comparatives sur les différentes formes entre elles, ou sur les différents types de fumeurs. Des données suggèrent toutefois que, chez les fumeurs invétérés (c' est-à-dire 20 cigarettes ou plus par jour), le spray nasal serait plus efficace, et que la gomme à mâcher à 4 mg serait plus efficace que celle à 2 mg.


Association de plusieurs formes

Dans les notices des spécialités proposées pour la substitution nicotinique, il est recommandé de ne pas utiliser simultanément différentes formes. Les résultats de quelques études randomisées suggèrent toutefois que certaines associations augmentent les chances de sevrage complet pendant au moins un an. Tant les effets désirables qu' indésirables des associations doivent faire l' objet d' études supplémentaires.


Effets indésirables

La substitution nicotinique ne semble pas accroître le risque d' affections cardiaques, et ne semble pas non plus aggraver l' état des patients angoreux ou présentant des arythmies. Elle peut toutefois être responsable de vertiges, nausées, céphalées ainsi que de palpitations chez des personnes n' ayant pas développé de tolérance à la nicotine; des troubles du sommeil sont rapportés avec les emplâtres transdermiques appliqués pendant 24 heures. Les différentes formes à base de nicotine diffèrent surtout par l' irritation qu' elles provoquent au site d' application. Les emplâtres peuvent provoquer une rougeur et une irritation de la peau. Le spray nasal peut irriter le nez et la gorge, et causer du larmoiement. L' inhaler peut entraîner de la toux et une irritation de la gorge. Avec les comprimes sublinguaux, une légère irritation de la bouche et de la gorge peut survenir.

La substitution nicotinique n' est en général pas recommandée pendant la grossesse et l' allaitement. La prudence s' impose chez les personnes ayant des antécédents d' ulcère peptique, chez ceux qui ont fait récemment un infarctus du myocarde ou un accident vasculaire cérébral et chez ceux atteints de troubles graves du rythme cardiaque, d' hypertension, d' artériopathie périphérique, d' insuffisance rénale ou hépatique, de diabète sucré, d' hyperthyroïdie ou de phéochromocytome.

Il ressort de certaines données qu' une dépendance à la substitution nicotinique peut survenir. Treize à 38% des personnes qui réussissent à arrêter de fumer grâce à l' utilisation de gommes à mâcher continuent à les utiliser pendant un an. Par ailleurs, les résultats d' une étude de suivi s' étalant sur un an chez 538 personnes qui avaient été traitées par des gommes à mâcher de 2 mg, suggèrent que l' utilisation prolongée de ces gommes est essentielle dans bien des cas pour maintenir l' arrêt du tabagisme. Des cas d' utilisation prolongée sont également rapportés avec le spray nasal; les études existantes ne rapportent cependant pas ce problème avec les emplâtres transdermiques; l' emploi prolongé d' inhalers et de comprimés sublinguaux n' a pas encore fait l' objet d' études.

L' arrêt brusque de l' utilisation des gommes à mâcher peut provoquer des manifestations de sevrage mais on n' en connaît pas l' incidence. On ne sait pas si les autres formes entraînent des manifestations de sevrage.

D' après

  • Nicotine replacement to aid smoking cessation. Drug Ther Bull 37 : 52-54(1999)

Noms de spécialités

Les gommes à mâcher, les emplâtres transdermiques et les comprimés sublinguaux sont de délivrance libre; l' inhaler et le spray nasal sont soumis à prescription.


Nicorette: inhaler (cartouche 10 mg) gomme à mâcher (2 mg et 4 mg) spray nasal (0,5 mg par dose) emplâtre transdermique (libérant 5, 10 ou 15 mg par 16 heures) comprimé sublingual (2 mg Microtab)

Nicotinell: gomme à mâcher (2 mg), emplâtre transdermique (libérant 7, 14 ou 21 mg par 24 heures)

Niquitin: emplâtre transdermique (libérant 7, 14 ou 21 mg par 24 heures)

  • La substitution nicotinique doit être envisagée dans une stratégie globale visant à l' arrêt du tabagisme. Elle doit toujours être associée à des mesures d' accompagnement.
  • Il est en principe contre-indiqué de continuer à fumer lors de l' utilisation d' une substitution nicotinique (voir Folia de janvier 1995).
  • Dans les notices des produits disponibles en Belgique, les durées de traitement suivantes sont recommandées:
    • spray nasal et inhaler: 3 mois, ensuite diminution progressive sur 6 à 8 semaines (ne pas utiliser plus de 6 mois);
    • gomme à mâcher: au moins 3 mois, ensuite diminution progressive (ne pas utiliser plus d' un an);
    • emplâtre transdermique:
      • emplâtres à 5 mg, 10 mg et 15 mg: au moins 3 mois avec l' emplâtre à 15 mg, ensuite diminution progressive avec les emplâtres plus faibles pendant 4 à 6 semaines;
      • emplâtres à 7 mg, 14 mg et 21 mg: durée totale de 3 mois (y compris la période de diminution);
    • comprimé sublingual: pendant au moins 2 à 3 mois, ensuite diminution progressive (en principe, ne pas utiliser plus de 6 mois).

La bupropione, développée à l' origine comme antidépresseur, est utilisée dans certains pays, par exemple aux Etats-Unis, pour faciliter l' arrêt du tabagisme. La bupropione n' est pas enregistrée en Belgique.