Traitement de la fibrillation auriculaire: cardioversion ou contrôle du rythme?


Abstract

Dans le traitement de la fibrillation auriculaire, le choix entre la cardioversion (remise en rythme sinusal) et le ralentissement de la réponse ventriculaire se fait essentiellement en fonction de la durée de la fibrillation auriculaire, de l’importance des symptômes et de l’existence éventuelle d’une affection sous-jacente.

  • En présence d’une fibrillation auriculaire d’apparition récente et/ou symptomatique, une remise en rythme sinusal par cardioversion électrique ou médicamenteuse est recommandée.
  • En cas de fibrillation auriculaire chronique, le ralentissement médicamenteux de la réponse ventriculaire peut être proposé comme traitement de premier choix chez les patients peu ou pas symptomatiques. La cardioversion reste indiquée si les symptômes persistent malgré un contrôle adéquat de la réponse ventriculaire

Cet article discute également de la prévention des complications thrombo-emboliques en cas de cardioversion et des complications thrombo-emboliques à long terme.

La fibrillation auriculaire est l’arythmie cardiaque la plus fréquemment rencontrée en pratique générale; elle affecte 2 à 4% des personnes de plus de 60 ans et sa prévalence augmente encore avec l’âge. Les symptômes sont variables: palpitations, syncope, vertiges, dyspnée, accidents emboliques. Les principaux facteurs de risque de développer une fibrillation auriculaire sont l’âge avancé, les affections cardiaques préexistantes (notamment les valvulopathies, l’insuffisance cardiaque, l’hypertension artérielle, l’infarctus du myocarde) ainsi que le diabète, l’hyperthyroïdie et l’alcoolisme.

On distingue classiquement la fibrillation auriculaire paroxystique (accès de fibrillation auriculaire de courte durée) et la fibrillation auriculaire chronique (arythmie de longue durée, par ex. en cas d’échec de la cardioversion ou lorsque celle-ci n’est pas indiquée).

Le traitement de la fibrillation auriculaire est dirigé contre:

  • les symptômes,
  • les complications thrombo-emboliques,
  • la morbidité et la mortalité liées à d’autres complications de la fibrillation auriculaire, telles l’insuffisance cardiaque, l’infarctus du myocarde, les troubles cognitifs.

Dans la prise en charge de la fibrillation auriculaire, la cause sous-jacente (voir plus haut) doit être traitée dans la mesure du possible.


Cardioversion (remise en rythme sinusal)

La cardioversion (remise en rythme sinusal) est le traitement de premier choix dans les situations suivantes.

  • Fibrillation auriculaire d’apparition récente et/ou symptomatique.
  • Fibrillation auriculaire chronique, en présence de symptômes malgré un contrôle adéquat de la réponse ventriculaire.

La remise en rythme sinusal peut se faire par choc électrique ou par cardioversion médicamenteuse. Les chances de réussite de la cardioversion sont d’autant plus grandes que la fibrillation auriculaire est apparue récemment. Des antiarythmiques tels le flécaïnide, le propafénone, l’amiodarone, ou la quinidine paraissent efficaces à cette fin, mais les traitements ayant le meilleur rapport bénéfices-risques semblent être l’amiodarone par voie orale, et le choc électrique. Le risque thrombo-embolique est comparable avec la cardioversion médicamenteuse ou électrique, mais avec la cardioversion médicamenteuse, il existe un risque d’effets indésirables liés aux antiarythmiques: entre autres effets arythmogènes, surtout avec le sotalol, et troubles thyroïdiens et pulmonaires avec l’amiodarone.

Après une cardioversion réussie, 20 à 30% seulement des patients ne prenant pas d’antiarythmiques restent en rythme sinusal. Afin de limiter ce risque de récidive, un traitement d’entretien est dès lors recommandé, notamment en présence de facteurs de risque (voir plus haut). Dans plusieurs études, l’amiodarone est apparue comme le traitement de premier choix.


Ralentissement de la réponse ventriculaire

Deux grandes études randomisées récentes, l’étude AFFIRM et l’étude RACE, ont comparé la cardioversion (médicamenteuse ou électrique) et le ralentissement de la réponse ventriculaire. Ces études ont été réalisées chez des patients âgés peu ou pas symptomatiques, mais avec un risque élevé de récidives, et qui étaient traités par des anticoagulants oraux. Ces études montrent que, par rapport au ralentissement de la réponse ventriculaire, la remise en rythme sinusal n’apporte aucun avantage en terme de mortalité et de morbidité. Sur base de ces résultats, le ralentissement de la réponse ventriculaire sans cardioversion peut être proposé comme traitement de premier choix chez des patients peu ou pas symptomatiques avec un risque élevé de récidives, par ex. chez les personnes âgées hypertendues. L’administration d’anticoagulants oraux doit dans ce cas être poursuivie indéfiniment (voir plus loin).

Le ralentissement de la réponse ventriculaire peut être obtenu en ralentissant la conduction auriculo-ventriculaire, avec par ex. la digoxine, les β-bloquants ou certains antagonistes du calcium tels le vérapamil ou le diltiazem. Etant donné son début d’action lent et sa toxicité, la digoxine n’est plus un premier choix, sauf en présence d’un dysfonctionnement systolique ventriculaire gauche ou d’une insuffisance cardiaque. Les antagonistes du calcium et les β-bloquants sont utilisés par voie intraveineuse si l’on souhaite diminuer rapidement la réponse ventriculaire en cas de fibrillation auriculaire d’apparition récente, ou par voie orale en cas de fibrillation auriculaire chronique.


Prévention des complications thrombo-emboliques en cas de cardioversion

Etant donné le risque de complications thrombo-emboliques, un traitement anticoagulant doit être administré avant et après une cardioversion (médicamenteuse ou électrique).

  • Avant la cardioversion:
    • En présence d’une fibrillation auriculaire récente (< 48 à 72 heures), une anticoagulation au moyen d’une héparine de faible poids moléculaire ou d’héparine non fractionnée sera instaurée 24 heures environ avant la cardioversion.
    • Lorsque la fibrillation auriculaire est apparue plus de 48 heures auparavant ou que la durée n’est pas connue, une anticoagulation orale est recommandée pendant 3 à 4 semaines avant la cardioversion (avec un INR entre 2,0 et 3,0). Attention: l’amiodarone augmente l’effet des anticoagulants oraux. La cardioversion peut être réalisée plus rapidement si une échographie transoesophagienne (TEE) ne met pas en évidence de thrombus auriculaire, et que la cardioversion est réalisée après une anticoagulation de 24 heures environ par l’héparine [voir aussi Folia de février 2002 ].
  • Après une cardioversion réussie:
    • L’anticoagulation sera poursuivie pendant au moins 4 semaines, c.-à-d. jusqu’à normalisation de la contractilité auriculaire.


Prévention des complications thrombo-emboliques à long terme

En présence d’une fibrillation chronique, un traitement antithrombotique de longue durée doit être envisagé, surtout en prévention d’un accident cérébro-vasculaire [voir aussi Folia de juillet 2001 et Folia de juin 2003 ].

  • En prévention primaire, c’est-à-dire chez des patients n’ayant jamais fait d’accident vasculaire cérébral, les recommandations sont les suivantes.
    • Chez les patients avec un faible risque thrombo-embolique, l’acide acétylsalicylique (à raison de 75 à 150-160 mg p.j.) est le premier choix.
    • Chez les patients présentant un ou plusieurs facteurs de risque (âge > 75 ans, hypertension artérielle, insuffisance cardiaque avec dysfonctionnement ventriculaire gauche, sténose mitrale, prothèse valvulaire, antécédents thrombo-emboliques), l’administration d’anticoagulants oraux (avec un INR entre 2,0 et 3,0) est recommandée pour autant qu’il n’y ait pas de contre-indication, par ex. une mauvaise observance thérapeutique. Chez les patients âgés de 65 à 75 ans, le choix entre l’acide acétylsalicylique ou un anticoagulant oral se fait en fonction de l’estimation du risque thrombotique d’une part, et du risque d’hémorragie d’autre part.
  • En prévention secondaire, c’est-à-dire chez les patients ayant déjà fait un accident vasculaire cérébral, l’administration d’anticoagulants oraux (avec un INR entre 2,0 et 3,0) est systématiquement recommandée.

D’après:

  • G. Chatap et al.: Atrial fibrillation in the elderly. Drugs 19 : 819-846(2002)
  • The Atrial Fibrillation Follow-up Investigation of Rythm Management Investigators: A comparison of rate control and rythm control in patients with atrial fibrillation. N Engl J Med 347 : 1825-1833(2002)
  • Isabelle C. Van Gelder et al.: A comparison of rate control and rythm control in patients with recurrent persistent atrial fibrillation. N Engl J Med 347 : 1834-1840(2002)
  • R. H. Falk: Management of atrial fibrillation- radical reform or modest modification? (éditorial) N Engl J Med 347 : 1883-1884(2002)
  • F.W.A. Verheugt: Cardioversie voor atriumfibrilleren: niet beter dan ventrikelfrequentie-verlaging. Ned Tijdschr Geneeskd 147 : 636-638(2003)
  • Fibrillation auriculaire. La Revue Prescrire 245 : 846-851(2003)

Note de la rédaction

Une Fiche de Transparence consacrée à la fibrillation auriculaire sera publiée dans les prochains mois.