Traitement des plaintes liées à la ménopause


Abstract

La substitution hormonale a, chez beaucoup de femmes, un effet favorable sur les plaintes liées à la ménopause (notamment les symptômes vasomoteurs, l’atrophie urogénitale). Les connaissances actuelles concernant ses effets indésirables incitent toutefois, avant d’instaurer une substitution hormonale, à évaluer de manière individuelle le rapport bénéfices/risques et à revoir celui-ci régulièrement [voir Folia d’octobre 2003]. Souvent aussi, une autre approche thérapeutique sera probablement recherchée pour les femmes qui souhaitent un traitement pour des plaintes liées à la ménopause.

Plusieurs moyens sont proposés, mais les preuves quant à leur efficacité sont limitées (par ex. pour les phyto-estrogènes), leur utilisation est restreinte en raison des effets indésirables (p. ex. pour la clonidine) et/ou les données sur leur innocuité à long terme sont rares (p. ex. pour la tibolone et les phyto-estrogènes).

Les Folia d’ octobre 2003 ont été consacrés à l’évaluation de la balance bénéfices/risques de la substitution hormonale. La conclusion de cet article concernant la place de la substitution hormonale en cas de plaintes liées à la ménopause (entre autres symptômes vasomoteurs, atrophie urogénitale) est la suivante. " La substitution hormonale a certainement un effet favorable sur les plaintes liées à la ménopause. La décision d’instaurer pour cette raison une substitution hormonale doit être prise individuellement après avoir pesé, pour chaque femme en particulier, la sévérité des plaintes et les risques du traitement. Ces risques sont entre autres la thrombo-embolie veineuse (dès l’instauration du traitement) et le cancer du sein (le risque augmente avec la durée du traitement); avec l’association d’estrogènes conjugués et d’acétate de médroxyprogestérone (AMP), un risque accru d’accidents coronariens a également été observé dès la première année de traitement. Il est très important que la femme prenne elle-même sa décision après avoir été correctement informée. Lorsque l’atrophie vaginale est la seule plainte, il est préférable d’administrer de l’estriol par voie vaginale. Une évaluation régulière de la nécessité de poursuivre le traitement s’impose. La dose d’estrogènes sera en tout cas la plus faible possible. "

Il est probable que sur base des connaissances actuelles concernant les effets indésirables de la substitution hormonale, une autre approche thérapeutique sera souvent recherchée chez les femmes qui souhaitent un traitement des plaintes liées à la ménopause. Ce sera certainement le cas chez les femmes avec des antécédents de cancer mammaire: récemment, une étude sur le traitement des plaintes liées à la ménopause chez des femmes avec des antécédents de cancer mammaire a été interrompue précocement (après un suivi de 2,1 ans en moyenne) en raison d’une augmentation inacceptable du risque de récidive de cancer mammaire en cas de substitution hormonale (l’étude HABITS).

Les données concernant l’efficacité et le risque d’effets indésirables des autres traitements proposés pour les plaintes liées à la ménopause sont discutées ci-après. Dans les études sur l’efficacité des médicaments utilisés pour les plaintes liées à la ménopause, il convient de tenir compte d’un effet placebo important, et du fait que les symptômes vasomoteurs ont tendance à disparaître spontanément avec le temps. Etant donné la variation individuelle importante de la symptomatologie, un grand nombre de patientes doit être inclus dans ces études pour pouvoir démontrer un effet, ce qui n’est que rarement le cas.


La tibolone

La tibolone est un stéroïde synthétique avec des propriétés progestatives et de faibles propriétés estrogéniques et androgéniques. Elle a un effet favorable sur les bouffées de chaleur et la transpiration, et est probablement aussi efficace sur ces symptômes que la substitution hormonale. Un effet favorable sur la densité osseuse a également été démontré avec la tibolone, mais pas sur l’incidence des fractures.

La tibolone ne provoque pas d’hémorragies de privation, mais des saignements intermenstruels irréguliers sont fréquents surtout au cours de la première année de la ménopause (chez environ 30 % des femmes). C’est pourquoi il est préférable d’instaurer un traitement à la tibolone chez les femmes déjà ménopausées depuis au moins un an (c.-à-d. les femmes qui n’ont plus eu de saignements depuis au moins un an). Les effets indésirables sont surtout des nausées, un oedème et une sensibilité mammaire. Les données quant à l’innocuité à long terme (entre autres concernant les seins, l’endomètre, le coeur et les vaisseaux sanguins) sont limitées par rapport à ce que l’on sait de la substitution hormonale. Une étude récente, la Million Women Study, montre pour la tibolone, comme pour la substitution hormonale à base d’une association estroprogestative ou à base d’un estrogène seul, un risque accru de cancer du sein (18.186 des 285.987 femmes incluses traitées prenaient de la tibolone). Cette augmentation du risque est toutefois moins marquée par rapport à la substitution hormonale à base d’une association estroprogestative, mais plus prononcée par rapport à la substitution hormonale à base d’un estrogène seul [voir Folia d’ octobre 2003 ]. Un traitement par la tibolone est également plus coûteux qu’un traitement de substitution hormonale.


Phyto-estrogènes

Les phyto-estrogènes sont des substances d’origine végétale qui sont transformées dans le tube digestif en dérivés à propriétés estrogéniques. Ce sont principalement des isoflavones, des lignanes et des coumestanes. Ils sont présents notamment dans le soja, les semences de lin, les céréales, les fruits, les légumes (légumineuses), le trèfle commun (trèfle rouge).

Les études réalisées à ce jour avec les phyto-estrogènes sont de courte durée et le plus souvent de faible qualité. Dans des études randomisées, l’effet d’un régime riche en soja ou en extraits de soja (dose journalière exprimée en mg d’isoflavones) sur les bouffées de chaleur était comparable ou un peu plus prononcé que celui du placebo; dans la plupart des études, le nombre de femmes incluses n’excédait pas 100. Les résultats d’une étude randomisée (étude ICE) ayant inclus 252 femmes sur l’effet de deux extraits de trèfle rouge (82 ou 57 mg d’isoflavones totales p.j.) sur les bouffées de chaleur ont été publiés récemment: après 12 semaines, aucune différence en ce qui concerne le nombre de bouffées de chaleur journalières n’a été constatée entre le groupe qui a reçu l’extrait de trèfle rouge et le groupe placebo. Il n’existe aucune donnée quant à l’effet des phyto-estrogènes sur d’autres plaintes liées à la ménopause. Les données selon lesquelles les phyto-estrogènes auraient un effet favorable sur la densité osseuse sont peu convaincantes, et il n’existe aucune preuve quant à un effet sur l’incidence des fractures.

Dans des études sur des extraits de soja, des effets indésirables surtout gastro-intestinaux ont été rapportés. Les données actuelles ne montrent aucun effet des phyto-estrogènes sur l’endomètre, mais le nombre d’études est limité et celles-ci sont de courte durée (maximum 4 mois). Actuellement, on ne sait pas si les phyto-estrogènes augmentent le risque de cancer mammaire, mais étant donné leurs propriétés estrogéniques, la prudence est de rigueur, surtout chez les femmes avec des antécédents de cancer mammaire. Un effet défavorable à long terme ne peut pas être exclu.

En Belgique, les préparations disponibles à base de phyto-estrogènes ne sont pas enregistrées comme médicament. Leur qualité pharmaceutique ne peut dès lors être garantie.


Clonidine

La clonidine est un agoniste α2 à action centrale. Quelques études randomisées ont montré que la clonidine (50 à 150 μg par jour en deux prises) était plus efficace qu’un placebo sur les bouffées de chaleur, mais d’autres études n’ont montré aucune différence par rapport au placebo. Dans des études comparatives, la clonidine était moins efficace que la substitution hormonale à base d’une association estroprogestative. De plus, l’emploi de la clonidine est limité par ses effets indésirables (sédation, troubles du sommeil, vertiges, troubles gastro-intestinaux, sécheresse de la bouche, hypotension orthostatique, fatigue). Des bradyarythmies sévères sont une contre-indication à la clonidine.


Progestatifs

Des études randomisées contrôlées par placebo ont montré un effet favorable sur les symptômes vasomoteurs avec l’acétate de médroxyprogestérone, la progestérone et l’acétate de mégestrol. Les effets indésirables consistent surtout en des saignements vaginaux, mais aussi par ex. en des accidents thrombo-emboliques et une prise de poids.


Divers

  • Des données provenant d’études à petite échelle indiquent un effet favorable de certains inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (par ex. la paroxétine) et de la venlafaxine sur les bouffées de chaleur. La plupart de ces études ont été réalisées chez des femmes avec des antécédents de cancer mammaire (chez lesquelles les estrogènes sont évités) et chez des femmes présentant des symptômes vasomoteurs lors d’une chimiothérapie ou de l’administration de tamoxifène.
  • Le véralipride, un neuroleptique du groupe des benzamides, et la méthyldopa ont été étudiés dans les plaintes liées à la ménopause, mais leur emploi est limité par leurs effets indésirables.
  • On ne dispose pas de données suffisantes quant à l’emploi de la vitamine E.

D’après

  • Les phytoestrogènes chez les femmes ménopausées. Peu d’effets avérés pour un risque qui reste à évaluer. La Revue Prescrire 23 : 603-609(2003)
  • F.M. Helmerhorst et D. Bijl.: Behandeling van overgangsklachten. Geneesmiddelenbulletin 36 : 109-115(2002)
  • V. Stearns et al.: Hot flushes. Lancet 360 : 1851-1861(2002)
  • J.A. Tice et al.: Phytoestrogen supplements for the treatment of hot flushes: the isoflavone clover extract (ICE) study. JAMA 290 : 207-214(2003)
  • L. Holmberg et H. Anderson: HABITS (hormonal replacement therapy after breast cancer-is it safe?), a randomised comparison: trial stopped. Lancet 363 : 453-455(2004)
  • R.T. Chlebowski et N. Col. (Commentary): Menopausal hormone therapy after breast cancer. Lancet 363 : 410-411(2004)

Note de la rédaction

L’utilisation de produits à base de houblon pour le traitement des plaintes de la ménopause ne repose – contrairement à ce qui est écrit dans certains articles de presse- sur aucune preuve. Voir aussi "Bon à savoir" du 5 décembre 2003 sur notre site internet (www.cbip.be).