Staphylococcus aureus méticillino-résistants (MRSA)


Abstract

L’homme est un réservoir naturel de Staphylococcus aureus: 30 à 40 % des adultes en bonne santé en sont porteurs, c.-à-d. que l’on peut trouver des Staphylococcus aureus temporaires ou permanents au niveau de la peau et des muqueuses (fosses nasales, gorge, périnée, aines, nombril, aisselles). Un porteur ne peut transmettre le Staphylococcus aureus que de façon directe (transmission directe). Dix à 20% des adultes en bonne santé sont colonisés, c.-à-d. que malgré l’absence de signes d’ infection, on trouve des Staphylococcus aureus dans un tissu ou un liquide corporel (urines, glaires, suppurations de plaie) où on ne s’attend normalement pas à trouver de germes pathogènes. Chez ces patients, une infection par le germe pathogène surviendra plus rapidement; ces patients transmettront également le pathogène plus rapidement à d’autres personnes, éventuellement par l’intermédiaire des mains d’un soignant (transmission indirecte).

Suite à l’emploi excessif d’antibiotiques et à des mesures hygiéniques insuffisantes, un pourcentage de plus en plus important de souches de Staphylococcus aureus devient résistant à la méticilline. Cela signifie que ces souches sont résistantes à tous les antibiotiques β-lactames, et par sélections ultérieures en milieu hospitalier, elles deviennent également plus résistantes aux aminoglycosides, aux quinolones, aux macrolides et, récemment, même à la vancomycine. Les souches de Staphylococcus aureus méticillino-résistants (MRSA) ne sont en principe pas plus virulentes que les souches de Staphylococcus aureus sensibles à la méticilline (MSSA), et ces souches résistantes ne provoquent pas plus fréquemment une infection.

Au départ, la propagation des MRSA semblait se faire dans et au départ des hôpitaux, mais de plus en plus, elle a lieu aussi entre des personnes séjournant en institution (surtout dans des maisons de repos et de soins), et il existe aussi des souches de MRSA qui ne proviennent pas de l’hôpital. On parle de HCA-MRSA (healthcare-associated MRSA) et de CA-MRSA (community-acquired MRSA).

  • Les souches de HCA-MRSA proviennent le plus souvent de l’hôpital ou peuvent aussi, bien que plus rarement, apparaître en communauté. L’apparition de ces souches est favorisée par des soins intensifs (antibiothérapie puissante, patient très affaibli,).
  • Les souches CA-MRSA apparaissent par évolution (mutations accidentelles) et propagation aléatoires. On n’accorde de l’importance à ces souches CA-MRSA que depuis la fin des années ’90, et celles-ci sont encore rares en Europe.

Heathcare-associated MRSA (HCA-MRSA)

Les personnes en bonne santé ne courent pas un grand risque pour elles-mêmes lorsqu’ elles entrent en contact avec un HCA-MRSA. Elles ne seront que rarement infectées et ces infections se manifesteront alors le plus souvent sous forme d’infections cutanées autolimitées, mais toutefois désagréables. Ces personnes en bonne santé sont cependant des réservoirs importants de Staphylococcus aureus (avec ou sans résistance); elles peuvent en effet être des porteurs temporaires ou permanents et propager ce HCA-MRSA par transmission directe. La transmission se fait surtout par les mains du personnel soignant ayant été en contact avec des patients colonisés ou infectés (transmission indirecte) ou eux-mêmes porteurs (transmission directe). Lorsque ces MRSA ou MSSA sont transmis par leurs mains à des personnes affaiblies, celles-ci seront rapidement colonisées ou infectées. Les personnes affaiblies (avec une immunité réduite, les personnes âgées, les patients cathétérisés ou avec des plaies ouvertes) courent alors un risque élevé avec possibilité de septicémie et de pyémie. Dans ces cas, les antibiotiques sont d’une importance primordiale, mais se pose alors le problème de résistance.


Community-acquired MRSA (CA-MRSA)

Le CA-MRSA apparaît (pour le moment) beaucoup plus rarement. Le CA-MRSA n’est pas (encore) résistant à autant d’antibiotiques que le HCA-MRSA, mais il infecte davantage les enfants et les jeunes adultes, et peut être plus virulent par la production d’une toxine supplémentaire (Panton-Valentine leukocidin-toxine ou PVL), avec surtout des infections de la peau et des tissus mous; ces souches productrices de la toxine PVL sont toutefois rares en Belgique. Les souches productrices de la toxine PVL sont aussi plus fréquemment à l’origine d’une d’arthrite septique, d’ une bactériémie, d’un choc toxique, d’une fasciite nécrosante ou d’une pneumonie nécrotique. Dans la transmission du CA-MRSA producteur de toxine PVL, non seulement la transmission est importante au sein de la famille, mais aussi à plus grande échelle, p. ex. dans les écoles, les prisons, les clubs de sports. Une transmission directe par contact de peau à peau, mais également indirecte par des serviettes, des draps et des équipements de sport est fréquente. Dans de telles circonstances, une hygiène stricte est très importante pour éviter l’extension de la transmission. A domicile, les animaux domestiques peuvent également transmettre ces souches.


Comment éviter la propagation et la sélection de résistance ?

Parmi les personnes vivant à domicile (donc pas en communauté) et n’ayant pas été traitées récemment dans un hôpital, le pourcentage de porteurs de MRSA est très faible. Ce pourcentage est toutefois nettement plus élevé dans des hôpitaux, et dans une moindre mesure, dans des maisons de repos et de soins. Etant donné que les patients quittent plus rapidement l’hôpital par ex. pour une maison de repos ou de soins, le risque de transmettre le MRSA a augmenté. Les professionnels de la santé ainsi que leurs vêtements peuvent également servir de vecteurs dans la transmission du MRSA.

Plusieurs mesures sont nécessaires pour éviter la propagation et la sélection de résistance des HCA-MRSA.

  • Usage restrictif des antibiotiques.
  • Mesures de précaution générales.
  • Attention particulière aux personnes colonisées ou infectées par un MRSA.
  • Dépistage actif des porteurs de MRSA dans certaines circonstances.

Usage restrictif d’antibiotiques

Un usage restrictif d’antibiotiques signifie qu’il ne faut les utiliser que lorsqu’ ils sont absolument nécessaires. Cela signifie aussi que, sur base de données épidémiologiques ou des résultats d’analyses microbiologiques, on choisira l’antibiotique avec le spectre le plus étroit possible, qui sera suffisamment dosé et administré à une fréquence correcte. Il est également important de ne pas administrer les antibiotiques plus longtemps que nécessaire. Il convient en outre d’éviter autant que possible des cures d’antibiotiques répétées (certainement avec des antibiotiques différents). Une politique d’antibiothérapie optimale est certainement importante dans des maisons de repos et de soins, et il serait préférable de centraliser les données sur l ’emploi des antibiotiques.


Mesures de précaution générales

Lutter contre la propagation par une hygiène stricte des mains est la meilleure mesure préventive lorsque la prévalence de porteurs de MRSA est élevée, comme en Belgique dans les maisons de repos et de soins. En fait, il est prudent de considérer tout résident et dispensateur de soins de santé comme un porteur potentiel. Tout dispensateur de soins de santé dans une maison de repos ou de soins devrait, aussi pesant cela soit-il, se désinfecter soigneusement les mains avec une solution désinfectante à base d’alcool avant et après chaque contact avec un résident. Ceci est encore plus important lorsque le dispensateur de soins présente la moindre lésion cutanée au niveau de la main, causée par une petite plaie ou un eczéma. Si les mains sont très sales, elles doivent d’abord être lavées à l’eau et au savon. Si l ’on s’attend à être en contact avec du sang ou des liquides corporels, il convient certainement de porter des gants, éventuellement un tablier et un masque couvrant la bouche et le nez; les mains doivent évidemment être désinfectées après les soins.

Etant donné que le Staphylococcus aureus peut survivre longtemps sur des surfaces sèches telles des clinches de portes, il est nécessaire de les nettoyer régulièrement et en profondeur.


Attention particulière aux personnes colonisées ou infectées par un MRSA

Chez les personnes colonisées ou infectées par du MRSA, des mesures supplémentaires devront encore être prises. Avant tout et surtout, un enregistrement adéquat est important pour pouvoir suivre les chiffres d’incidence. Lors du transfert d’une maison de repos ou de soins vers l’hôpital ou inversement, il est important que tout porteur de MRSA soit clairement signalé. La mise en isolement d’un résident peut être très éprouvante pour celui-ci et n’est souvent pas nécessaire. Des mesures hygiéniques supplémentaires seront le plus souvent suffisantes.


Dépistage actif des porteurs de MRSA dans certaines circonstances

Le dépistage actif de porteurs de MRSA peut se faire par mise en culture de matériel prélevé au niveau des fosses nasales, ce qui permet d’identifier 80 % des porteurs. Des frottis supplémentaires au niveau du périnée et de la gorge augmentent ce chiffre jusqu’à environ 92 %.Le dépistage systématique (" screening ") de MRSA chez des résidents dont le risque de colonisation ou d’infection par le MRSA est faible n’est pas nécessaire.

Un tel dépistage est surtout utile et efficient dans les populations à risque (communauté fermée, personnes affaiblies) lorsque la prévalence des porteurs de MRSA est très faible (seulement quelques pourcents et donc moins que dans la plupart des maisons de repos et de soins en Belgique) ou en cas de flambée épidémique d’infections par MRSA. Les porteurs identifiés par un tel dépistage doivent être décolonisés. Pour les modalités précises, voir les recommandations mentionnées ci-dessous. A cette fin, on ne peut pas se contenter d’appliquer dans le nez une pommade à base de mupirocine, mais toute la surface corporelle et les cheveux doivent être traités au moyen d’un savon désinfectant.

Pour les hôpitaux, d’ autres critères concernant le dépistage sont de rigueur.


Conclusion

En prenant en compte les recommandations ci-dessus, on peut réduire considérablement la propagation du MRSA, mais dans la pratique, ces recommandations sont rarement suivies. Les professionnels de la santé ont ici une responsabilité supplémentaire. Vu leurs contacts fréquents avec des porteurs de MRSA, ils risquent de transmettre ces MRSA à d’autres patients ou à des membres de la famille qui pourront à leur tour transmettre le MRSA. Des mesures hygiéniques simples, parmi lesquelles surtout une bonne hygiène des mains, peuvent aider à limiter cette propagation.


Références

Grundmann H, Aires-de-Sousa M,Boyce J en Tiemersma E. Emergence and resurgence of meticillin-resistent Staphylococcus aureus as a public health threat. Lancet 2006;

Gould IM.Community-acquired MRSA: can we control it? Lancet 2006;

Mesures préventives de la transmission du MRSA dans les maisons de repos et de soins. Texte de consensus élaboré par le groupe de travail pluridisciplinaire sous les auspices du Groupement de Dépistage, d'Etude et de Prévention des Infections dans les Hôpitaux (GDEPIH), juillet 2005 via www.belgianinfectioncontrolsociety.be/pdf/MRSARVT2005/def_version_FR.pdf

Methicillin resistant Staphylococcus aureus (MRSA), Clostridium difficile and ESBL-producing Escherichia coli in the home and community: assessing the problem, controlling the spread. An expert report commissioned by the International Scientific Forum on Home Hygiene, via http://www.ifh-homehygiene.org/2003/2library/MRSA_expert_report.pdf