Nouveautés dans le traitement hormonal du cancer du sein non métastasé


Abstract
  • Chez les femmes ménopausées atteintes d’un cancer du sein non métastasé contenant des récepteurs hormonaux, les inhibiteurs de l’aromatase paraissent, par rapport au tamoxifène, plus efficaces en termes de survie sans récidive, et mieux supportés. Les données concernant leur effet sur la survie globale sont cependant limitées. Dans l’état actuel des connaissances, le tamoxifène garde sa place dans les cancers du sein à faible risque ou à risque intermédiaire de rechute, éventuellement suivi par un inhibiteur de l’aromatase. Dans les cancers du sein à risque élevé de rechute ou en cas de contre-indication au tamoxifène, un inhibiteur de l’aromatase peut être envisagé d’emblée.
  • Chez les femmes préménopausées atteintes d’un cancer du sein non métastasé contenant des récepteurs hormonaux, les agonistes de la LHRH paraissent aussi efficaces que la chimiothérapie en termes de récidives et de mortalité, mais dans l’état actuel des connaissances, la chimiothérapie et le tamoxifène restent ici les traitements de premier choix.

Le traitement hormonal du cancer du sein non métastasé a déjà été discuté dans les Folia de janvier 2006. Entre-temps, la place du tamoxifène et des inhibiteurs de l’aromatase a évolué. Le présent article tente de faire le point sur la place du tamoxifène et des inhibiteurs de l’aromatase dans la prise en charge du cancer du sein non métastasé chez la femme ménopausée, et des agonistes de la LHRH chez la femme préménopausée. Il va de soi qu’un traitement hormonal n’est indiqué qu’en présence de récepteurs hormonaux.


Inhibiteurs de l’aromatase

Les inhibiteurs de l’aromatase inhibent la transformation des androgènes d’origine surrénalienne en estrogènes, ce qui entraîne chez la femme ménopausée une diminution des taux d’estrogènes; avant la ménopause, cette source d’estrogènes est insignifiante par rapport aux estrogènes d’origine ovarienne. Les inhibiteurs de l’aromatase ne sont donc jamais indiqués avant la ménopause. Plusieurs études ont démontré un bénéfice des inhibiteurs de l’aromatase par rapport au tamoxifène chez les patientes ménopausées atteintes d’un cancer du sein non métastasé contenant des récepteurs hormonaux. Sur base de ces résultats encourageants, l’ American Society of Clinical Oncology a conclu que, après la ménopause, le traitement hormonal adjuvant optimal devrait inclure un inhibiteur de l’aromatase [voir Folia de janvier 2006 et août 2006 ].

Il faut toutefois souligner que dans la plupart de ces études, le bénéfice des inhibiteurs de l’aromatase par rapport au tamoxifène ne s’observe que pour la survie sans récidive, et pas pour la survie globale. Dans une étude récente [ Lancet 2007; 369: 559-70 ], une légère amélioration (non significative) de la survie globale a été observée chez les femmes qui, après 2-3 ans de traitement par le tamoxifène, sont passées à l’exémestane, un inhibiteur de l’aromatase, par rapport à celles traitées pendant 5 ans par le tamoxifène.

Les données actuellement disponibles ne permettent pas de conclure qu’un inhibiteur de l’aromatase soit supérieur à un autre, ni qu’un traitement d’emblée par un inhibiteur de l’aromatase pendant 5 ans soit plus efficace qu’un schéma séquentiel, à savoir 2 ou 3 ans de tamoxifène suivi d’un inhibiteur de l’aromatase jusqu’à atteindre une durée totale de 5 ans.

En ce qui concerne les effets indésirables, les inhibiteurs de l’aromatase n’augmentent pas, contrairement au tamoxifène, le risque de complications endométriales et thrombo-emboliques; ces médicaments sont par contre associés à un risque accru d’ostéoporose, de fractures et de douleurs musculaires, articulaires et osseuses [voir Folia de janvier 2006 ].

Etant donné le rapport bénéfices/risques favorable des inhibiteurs de l’aromatase, faut-il les considérer comme un premier choix chez toutes les femmes ménopausées atteintes d’un cancer du sein non métastasé contenant des récepteurs hormonaux?

Plusieurs experts internationaux ont tenté de dégager un consensus publié récemment [ Ann Oncol 2007; 18: 113-44]]. Ils estiment que le choix du traitement doit se faire en fonction du risque de rechute (évalué sur base de critères tels la taille de la tumeur, la classification anatomopathologique, l’envahissement ganglionnaire et vasculaire, la présence de récepteurs hormonaux, l’expression de la protéine HER2, l’âge de la patiente), des antécédents de la patiente, des contre-indications et des effets indésirables potentiels des différentes options thérapeutiques.

  • Le tamoxifène garde sa place dans les cancers à faible risque ou à risque intermédiaire de rechute. Le tamoxifène peut être administré seul pendant 5 ans, mais la plupart des experts ont une préférence pour un traitement par le tamoxifène pendant 2 à 3 ans suivi d’un inhibiteur de l’aromatase jusqu’à atteindre une durée totale d’hormonothérapie de 5 ans. La durée optimale de l’hormonothérapie séquentielle n’est toutefois pas encore connue
  • Un inhibiteur de l’aromatase peut être envisagé d’emblée dans les cancers à risque élevé de rechute (≤ 3 ganglions axillaires envahis mais surexpression ou amplification de la protéine HER2, ou ≥ 4 ganglions axillaires envahis) ou en cas de contre-indication au tamoxifène (quel que soit le risque de rechute). Le bénéfice des inhibiteurs de l’aromatase pourrait être maximal chez les patientes dont le risque de rechute précoce est élevé.

Agonistes de la LHRH

Chez la femme préménopausée, les agonistes de la LHRH entraînent, après une stimulation initiale, une inhibition de la fonction gonadotrope hypophysaire avec inhibition réversible de la fonction ovarienne. Plusieurs études ont déjà évalué la place des agonistes de la LHRH comme traitement adjuvant dans le traitement du cancer du sein chez la femme préménopausée, mais leurs résultats n’étaient pas convaincants.

Une méta-analyse parue récemment [ Lancet 2007; 369: 1711-23 avec un commentaire : 1668-70 ] suggère une diminution du risque de récidives et de décès chez les femmes préménopausées atteintes d’un cancer du sein non métastasé contenant des récepteurs hormonaux, traitées par un agoniste de la LHRH seul (effet non significatif) ou en association à une chimiothérapie et/ou au tamoxifène (effet significatif). Les agonistes de la LHRH semblent aussi efficaces que la chimiothérapie. Le bénéfice des agonistes de la LHRH est surtout important après chimiothérapie chez des femmes de moins de 40 ans, et les auteurs se demandent si les agonistes de la LHRH ne seraient pas surtout efficaces chez les femmes jeunes chez qui une aménorrhée n’a pas été obtenue à la suite de la chimiothérapie. Aucune étude n’a comparé l’efficacité de l’association ' agoniste de la LHRH + tamoxifène ' par rapport à celle de l’association ' chimiothérapie + tamoxifène '. La durée optimale de l’inhibition de la fonction ovarienne n’est pas connue.

La question se pose de savoir si un agoniste de la LHRH devrait être prescrit à toutes les femmes préménopausées atteintes d’un cancer du sein non métastasé contenant des récepteurs hormonaux. D’après les auteurs d’un commentaire se rapportant à cette méta-analyse, un traitement hormonal pourrait en effet, à première vue, être mieux accepté qu’une chimiothérapie, mais il peut être moins bien supporté à long terme. Sur base des données actuelles, les auteurs concluent que les agonistes de la LHRH peuvent être utilisés comme alternative à la chimiothérapie chez les patientes avec un faible risque de rechute; chez les femmes avec un risque plus élevé de rechute, la chimiothérapie et le tamoxifène restent les traitements de premier choix, éventuellement en association avec un agoniste de la LHRH.