Prise en charge d’une crise d’asthme aiguë en première ligne


Abstract

Dans les Folia de janvier 2007 , l’attention avait été attirée sur le traitement médicamenteux de l' asthme chronique, sur base des recommandations révisées de 'GINA' (Global Initiative for Asthma). Le présent article est consacré à la prise en charge d' une crise d' asthme aiguë en première ligne.


Evaluation de la gravité d' une crise d' asthme

Une crise d' asthme aiguë se caractérise par une exacerbation aiguë de la dyspnée, de la toux et du sifflement respiratoire, et s' accompagne d' une diminution (passagère) de la fonction pulmonaire. L' évaluation de la gravité d’une crise d' asthme peut se faire par l’évaluation de la fonction pulmonaire (débit expiratoire de pointe ou DEP, volume expiratoire maximal par seconde ou VEMS). L’évaluation clinique de la gravité de la crise est encore plus importante que l’évaluation de la fonction pulmonaire, entre autres parce que les résultats des mesures de la fonction pulmonaire pendant une crise d’asthme aiguë ne sont souvent pas fiables. En fonction de la gravité de la crise, il convient de décider si le patient peut être traité en première intention à domicile (avec hospitalisation en l' absence d' amélioration), ou s’il doit être hospitalisé immédiatement. Les critères sur base desquels une crise d' asthme grave doit être suspectée et une hospitalisation immédiate envisagée sont les suivants.

  • Dyspnée au repos ne permettant pas de prononcer une phrase d’un seul trait.
  • Fréquence cardiaque > 110/minute chez l' adulte, > 120/minute chez l' enfant de plus de 5 ans, > 130/minute chez l' enfant de 2 à 5 ans. (Attention: en cas d’asthme mettant la vie en danger, une bradycardie peut survenir!)
  • Fréquence respiratoire > 25/minute chez l' adulte, > 30/minute chez l' enfant de plus de 5 ans, > 50/minute chez l' enfant de 2 à 5 ans. (Attention: en cas d' asthme mettant la vie en danger, une insuffisance respiratoire peut survenir, avec diminution de la fréquence respiratoire!)
  • Utilisation des muscles respiratoires accessoires.
  • DEP < 50% de la valeur prédictive ou de la meilleure valeur personnelle.
  • Saturation en oxygène < 92%.

Les signaux d' alarme suivants indiquent un épuisement et la nécessité d’une admission immédiate dans un service d' urgence.

  • Apparition de sédation ou de confusion.
  • Diminution de la fréquence du pouls.
  • Diminution de la fréquence respiratoire.
  • Diminution ou absence de murmure vésiculaire inspiratoire.
  • Cyanose.
  • Disparition du sifflement.

Chez les patients suivants, qui ont un risque élevé de décès lié à l'asthme, une attention particulière s’impose et une hospitalisation plus rapide est de rigueur: les patients avec des antécédents d'asthme presque fatal, les patients ayant été hospitalisés dans l'année précédente pour cause d'asthme, les patients qui prennent des corticostéroïdes par voie orale ou qui ne les ont arrêtés que récemment, les patients qui utilisent fréquemment des β2 mimétiques à courte durée d’action en inhalation, les patients qui ne suivent pas correctement leur traitement anti-asthmatique chronique, les patients qui ont des antécédents psychiatriques ou des problèmes psychosociaux (y compris l' emploi de sédatifs).


Médicaments

La prise en charge de la crise d' asthme aiguë en première ligne, même en cas de décision d’hospitalisation immédiate, consiste en premier lieu en l’administration répétée en inhalation d’un β2-mimétique à courte durée d’action (éventuellement en association à un anticholinergique); en cas de crise grave, il est préférable d' administrer aussi immédiatement un corticostéroïde (le plus souvent par voie orale). Les tableaux ci-dessous reprennent les doses des médicaments utilisés en cas de crise, et la stratégie à suivre en fonction de la réponse; le choix et les doses des médicaments sont en concordance avec la recommandation 'Trousse d' urgence' de Domus Medica, dont une révision paraîtra prochainement.

Quelques remarques

  • Un β2-mimétique à courte durée d' action en inhalation doit être débuté le plus rapidement possible; les β2-mimétiques à usage systémique n' ont pas de place. Dans les recommandations GINA, le formotérol, un β2-mimétique à longue durée d'action, est également proposé en inhalation, étant donné qu' il agit aussi rapidement. L'administration d’un β2-mimétique à courte durée d’action à l’aide d’un aérosol doseur (en utilisant de préférence une chambre d' expansion) s’est avérée aussi efficace que l’administration par un nébuliseur.
  • Lorsqu' il s’agit d’une crise grave, ou lorsqu' un β2-mimétique à courte durée d' action n’apporte pas d’amélioration, un anticholinergique à courte durée d' action en inhalation peut être associé au β2-mimétique. Les données ne montrent pas d'augmentation des effets indésirables (dans une étude réalisée chez des enfants, une tachycardie est toutefois survenue plus fréquemment avec l' association β2-mimétique + anticholinergique, par rapport au β2-mimétique seul).
  • L' administration par voie systémique de corticostéroïdes en cas de crise d'asthme aiguë diminue le risque de décès, de récidives et d' une hospitation ultérieure. Le pronostic est d’autant meilleur que ce traitement est instauré rapidement. Les corticostéroïdes sont dès lors toujours recommandés en cas de crise grave. L'effet des corticostéroïdes n' apparaît qu' après quelques heures. Chez la plupart des adultes, un traitement par voie orale pendant 7 à 10 jours sera suffisant, chez les enfants pendant 5 jours [n.d.l.r.: d’après certains experts, un traitement de 1 à 3 jours est généralement suffisant]. Un tel traitement peut être interrompu sans qu’il ne soit nécessaire de diminuer progressivement la dose. Les patients qui sont déjà traités par un corticostéroïde à inhaler peuvent continuer à le prendre concomitamment au traitement systémique par corticostéroïdes. L'administration orale constitue le premier choix; l’administration intramusculaire paraît aussi efficace. L'administration intraveineuse n’est pas plus efficace et n’agit pas plus rapidement que l’administration par voie orale ou intramusculaire.
  • Les patients souffrant d’asthme, certainement d' asthme grave, ont avantage à disposer d’un plan d' action écrit. Les patients doivent également savoir à quel moment et comment ils peuvent déjà majorer eux-mêmes leur traitement, et quand ils doivent faire appel à une aide médicale. Leur technique d' inhalation et l' observance du traitement doivent être contrôlées régulièrement.
  • Après une crise d' asthme, le traitement de base doit en tout cas être revu, et une adaptation est parfois nécessaire [voir Folia de janvier 2007 ].

Tableau 1. Traitement de la crise

  • β2-mimétique: salbutamol
    • Adultes: 400 μg toutes les 10 à 20 minutes pendant la première heure.
    • Enfants: 200 à 400 μg (à l’aide d’une chambre d’expansion), toutes les 10 à 20 minutes pendant la première heure (avec un maximum de 800 μg); éventuellement administration par nébuliseur (solution de 5 mg par ml): toutes les 3 heures 2,5 mg chez les enfants de moins de 4 ans, 5 mg chez les enfants de plus de 4 ans.
  • Anticholinergique: ipratropium bromure
    • Adultes et enfants: 20 μg toutes les 10 à 20 minutes pendant la première heure.
  • Corticostéroïde: méthylprednisolone
    • Adultes: par jour, 32 mg par voie orale ou 40 mg i.m. pendant 7 à 10 jours.
    • Enfants: par jour, 1 à 2 mg/kg de poids corporel per os ou i.m., pendant 5 jours (ou moins, voir ci-dessus).

Tableau 2. Stratégie à suivre en fonction de la réponse

  • En cas de réponse favorable (normalisation de la fréquence cardiaque, le patient parle plus aisément)
    • Poursuivre le salbutamol toutes les 1 à 4 heures (en fonction de l’évolution): adultes 400 μg; enfants 200 μg (à l’aide d’une chambre d’expansion).
    • Réévaluation après 12 à 24 heures.
  • En cas de réponse modérée (VEMS ou DEP de 60 à 80% de la valeur prédictive ou de la meilleure valeur personnelle, symptômes cliniques persistants)
    • Adultes.
      • Poursuivre le salbutamol toutes les 1 à 4 heures (en fonction de l’évolution): 400 µg.
      • Méthylprednisolone (si pas encore instauré): pour les doses, voir ci-dessus.
      • Réévaluation après 12 à 24 heures.
    • Enfants: hospitalisation immédiate.
  • En cas de mauvaise réponse (VEMS ou DEP < 60% de la valeur prédictive ou de la meilleure valeur personnelle, symptômes cliniques persistants), lorsque la normalisation de la fonction pulmonaire est de courte durée (< 3 heures) ou en absence d’amélioration 6 heures après le début du traitement par les corticostéroïdes: hospitalisation.

Quelques références

Anonyme.: Crise d’asthme grave à domicile. Agir en attendant une unité mobile de réanimation. La Revue Prescrire 2007; 27: 441-4

British Thoracic Society en British Intercollegiate Guidelines Network.: British guideline on the management of asthma. A national clinical guideline. Nouvelle édition juillet 2007, via www.sign.ac.uk/guidelines/published/support/guideline63/download.html

Dennis RJ, Solarte I en FitzGerald JM: Asthma BMJ Clin Evid 2007; 8: 1501

GINA (Global Initiative for asthma), via www.ginasthma.com

Domus Medica: Aanbeveling 'Urgentietrousse' (version révisée). Celle-ci paraîtra prochainement.

Keeley D en McKean M.: Asthma and other wheezing disorders in children BMJ Clin Evid 2006; 8: 302

Kegels E, De Sutter A, Michels J en Van Peer W: Astma bij volwassenen Huisarts Nu 2003; 32: 275-300

Stoffelen H, De Schampheleire L en Van Peer W: Astma bij kinderen Huisarts Nu 1999; 28: 351-73