Cancer du col de l’utérus et vaccination contre le papillomavirus humain


Abstract

Deux vaccins contre le papillomavirus humain (HPV) sont disponibles en Belgique: Gardasil® et Cervarix®.

  • Gardasil® contient les protéines L1 du HPV de type 6, 11, 16 et 18. Ce vaccin est enregistré pour
    • la prévention de la dysplasie de haut grade du col de l’utérus et de la vulve, et du cancer du col de l’utérus;
    • la prévention des verrues génitales externes.

      Gardasil® est remboursé (catégorie b) pour les jeunes filles âgées d’au moins 12 ans au moment de la première administration, mais n’ayant pas encore atteint l’âge de 16 ans (situation au 1er mars 2008). Le schéma de vaccination est le suivant: mois 0-2-6.

  • Cervarix® contient les protéines L1 du HPV de type 16 et 18. Ce vaccin est enregistré pour
    • la prévention de la néoplasie intraépithéliale cervicale de haut grade et du cancer du col de l’utérus.

      Cervarix® n’est pas remboursé (situation au 1er mars 2008). Le schéma de vaccination est le suivant: mois 0-1-6.

Cet article tente de situer la place de ces vaccins dans la prévention du cancer du col de l’utérus.


Infection par le HPV et risque de cancer du col de l’utérus

La grande majorité des cas de cancer du col de l’utérus sont causés par une infection génitale avec des souches oncogènes du HPV, transmise par contact sexuel. Au moins 13 types de HPV sont considérés comme oncogènes à risque élevé, parmi lesquels les types 16 et 18 sont le plus souvent incriminés dans le développement d’un cancer du col de l’utérus. Les types 16 et 18 du HPV sont également incriminés dans d’autres cancers, p.ex. au niveau de la vulve et du vagin, mais cela n’est pas discuté dans le présent article.

Gardasil® contient également les types 6 et 11 du HPV: ceux-ci sont considérés comme des oncogènes à faible risque et sont responsables de la survenue de 90% des verrues génitales (condylomes accuminés).

Les infections par le HPV sont très fréquentes; la prévalence est la plus élevée chez les femmes de moins de 25 ans (jusqu’à 15%). Seul un faible pourcentage de ces infections persiste suffisamment longtemps pour entraîner des lésions précancéreuses (néoplasie intraépithéliale cervicale ou CIN, voir glossaire). Bon nombre de ces lésions précancéreuses, même de haut grade, régresseront spontanément; ce n’est que chez un nombre restreint de femmes que ces lésions évolueront vers un cancer du col de l’utérus.

Le HPV de type 16 et/ou 18 est détecté dans environ 70% des cas de cancer du col de l’utérus. Dans un certain nombre de cas, plusieurs types de HPV oncogènes à risque élevé ont toutefois été détectés.


Dépistage

Un dépistage régulier (frottis cervical) est un moyen efficace pour prévenir le cancer du col de l’utérus. En Belgique, un dépistage est recommandé tous les 3 ans chez les femmes entre 25 et 64 ans. Pour obtenir un impact suffisant du dépistage, il faut que celui-ci soit effectué chez un nombre suffisant de femmes (> 85%) de façon à intégrer également les femmes à risque élevé. En Belgique, le niveau de dépistage est beaucoup plus bas, et chez les femmes bénéficiant d’un dépistage régulier, celui-ci est parfois plus fréquent que ce qui est recommandé. Il ressort d’expériences réalisées en Grande-Bretagne, où il existe un programme de dépistage strict avec plus de 85% de participation, qu’un dépistage régulier réduit la mortalité liée au cancer du col de l’utérus de 60%; un 'Number Needed to Screen' de 1.000 (tous les 5 ans pendant 35 ans) a été calculé, c.-à-d. que 1.000 femmes devaient subir un dépistage tous les 5 ans pendant 35 ans pour prévenir 1 décès lié à un cancer du col de l’utérus.


Efficacité des vaccins

En ce qui concerne les études à grande échelle sur l’efficacité des vaccins ('les études de phase III'), on dispose actuellement des résultats de deux études pour Gardasil® (FUTURE I et FUTURE II; suivi de 3 ans en moyenne), et des résultats d’une étude pour Cervarix® (PATRICIA; analyse intérimaire après un suivi de 14,8 mois en moyenne). Le critère d’évaluation primaire dans FUTURE I est une dysplasie cervicale par le HPV 16 et/ou 18 (CIN1, CIN2 ou CIN3, voir glossaire); le critère d’évaluation primaire dans FUTURE II et PATRICIA est une dysplasie cervicale de haut grade par HPV 16 et/ou 18 (CIN2+, voir glossaire). Les études ont été réalisées chez des femmes entre 16 et 26 ans (pour Gardasil®) et chez des femmes âgées de 15 à 25 ans (pour Cervarix®). Pour des raisons pratiques et éthiques, la dysplasie cervicale de haut grade a été choisie comme critère d’évaluation de substitution pour évaluer l’efficacité des vaccins contre le HPV.

  • Le groupe cible primaire dans les études était des femmes qui, au moment de la vaccination, n’avaient pas encore été en contact avec les types de HPV présents dans les vaccins. Chez ces femmes, les vaccins préviennent l’infection par le HPV de type 16 et 18, et des données indiquent que la vaccination protège à plus de 90% contre la dysplasie cervicale de haut grade liée au HPV 16 ou 18 (CIN2+, voir glossaire). Etant donné que beaucoup de jeunes filles sont déjà infectées par le HPV après un premier contact sexuel, on en déduit que le groupe cible le plus important pour la vaccination est celui des jeunes filles préadolescentes avant leurs premiers contacts sexuels.
  • Chez les femmes déjà infectées par le HPV 16 et/ou 18 au moment de la vaccination, le vaccin n’offre pas de protection contre la dysplasie cervicale de haut grade par HPV 16 ou 18, et n’a aucun effet sur la vitesse d’élimination du virus. Le vaccin a donc bien un effet préventif mais pas curatif.

Dans les études FUTURE I et II, l’effet protecteur contre la dysplasie de haut grade, quelque soit le type de HPV, était d’environ 20% dans tout le groupe de femmes ayant reçu au moins une dose de vaccin (indépendamment du statut-HPV au moment de la vaccination ou de la présence éventuelle de lésions); une telle analyse n’est pas disponible pour Cervarix® à l’heure actuelle.


Innocuité des vaccins

Les effets indésirables des vaccins consistent surtout en des réactions au niveau du site d’injection, des vertiges et plus rarement de la fièvre. Il faut souligner que l’expérience est encore limitée, particulièrement dans le groupe cible du vaccin, les préadolescentes. Un suivi rigoureux du vaccin constitue donc une priorité.


Questions encore sans réponse

  • Les données relatives à l’efficacité ne concernent pour le moment que les lésions précancéreuses, et pas le cancer du col de l’utérus. Il n’est pas certain que la protection contre les lésions cervicales se traduise par une protection proportionnellement aussi importante contre une maladie invasive fatale.
  • Dans le groupe des préadolescentes, il n’existe aucune donnée concernant l’efficacité du vaccin en termes de prévention de l’infection, ou d’anomalies histologiques. Des données indiquent toutefois que l’immunogénicité dans ce groupe est plus importante que chez les femmes incluses dans les études mentionnées ci-dessus.
  • La durée de protection n’est pas connue. Le suivi maximal dans les études est de 5 ans. Un suivi de plus longue durée sera nécessaire pour déterminer si un rappel de la vaccination est souhaitable et si oui, à quel moment.
  • Les effets à long terme de la vaccination sur l’épidémiologie d’une infection par HPV ne sont pas connus. Il se pourrait qu’en raison d’une protection croisée contre d’autres types de HPV oncogènes à risque élevé, la protection conférée par les vaccins soit plus importante que ce qui est escompté pour le moment. Par ailleurs, il se pourrait aussi que, par élimination du HPV 16 ou 18, un glissement ait lieu vers d’autres types de HPV oncogènes à haut risque. Les données actuelles ne permettent pas de tirer des conclusions à ce sujet.
  • Cervarix® contient le système adjuvant ASO4 [3-O-desacyl-4’-monofosforyl lipide A (MPL)] et un sel d’aluminium: l’immunogénicité avec cet adjuvant était plus importante que lors de l’emploi du même vaccin ne contenant comme adjuvant qu’un sel d’aluminium. Il n’est toutefois pas prouvé que cela se traduise par une meilleure protection contre une dysplasie cervicale.

Quelques références

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Glossaire

  • CIN 1 (Cervical Intraepithelial Neoplasia grade 1): dysplasie légère; indique une infection par HPV, mais n’est pas considérée comme précancéreuse étant donné qu’au moins 70% des lésions disparaissent spontanément.
  • CIN 2 (Cervical Intraepithelial Neoplasia grade 2): dysplasie modérée. Jusqu’à 40% des lésions disparaissent spontanément.
  • CIN 3 (Cervical Intraepithelial Neoplasia grade 3): dysplasie sévère et carcinomes in situ.
  • CIN2+: reprend la totalité des lésions CIN 2, CIN 3 et des cancers du col de l’utérus.