Diabète et grossesse


Abstract

Le diabète pendant la grossesse est associé à un certain nombre de risques pour la mère et pour l’enfant, et un contrôle rigoureux de la glycémie avant la conception et pendant la grossesse permet de diminuer le risque de complications. Lorsqu’un traitement hypoglycémiant s’avère nécessaire pendant la grossesse, l’insuline reste en général le premier choix et les hypoglycémiants oraux sont en principe contre-indiqués. Selon les dernières recommandations de NICE, la metformine et le glibenclamide peuvent être utilisés comme alternatives à l’insuline pendant la grossesse. Cet usage reste toutefois controversé, et dans l’attente de données à long terme, il doit se faire avec circonspection.

Le diabète pendant la grossesse est associé à un certain nombre de risques pour la mère et pour l’enfant tels que fausse couche, prééclampsie, accouchement prématuré, macrosomie, dystocies d’épaule et augmentation de la mortalité périnatale. Une distinction doit être faite entre un diabète (type 1 ou type 2) préexistant à la grossesse et le diabète gestationnel (c.-à-d. une intolérance glucidique survenant pendant la grossesse et disparaissant souvent après celle-ci). Cet article se base entre autres sur les recommandations du National Institute for Health and Clinial Excellence (NICE) pour la prise en charge du diabète pendant la grossesse [via www.nice.org.uk/CG063 ].


Diabète préexistant à la grossesse

Les femmes diabétiques doivent être informées des conséquences possibles du diabète sur la grossesse ainsi que des effets de la grossesse sur le diabète et ses complications. Un contrôle rigoureux de la glycémie avant la conception et pendant la grossesse diminue (mais n’élimine pas complètement) le risque de complications. Il convient donc de veiller, dans la mesure du possible, à ce que toute grossesse se passe dans des conditions optimales et soit suivie par une équipe pluridisciplinaire dans un centre de diabétologie conventionné. Une grossesse ne devrait en principe être envisagée que lorsque le taux d’HbA1c est proche des valeurs normales (de préférence < 6,5%). Dans les recommandations de NICE, un apport en acide folique à doses élevées (5 mg par jour) est également recommandé jusqu’à la 12ème semaine de grossesse en prévention de malformations au niveau du tube neural [n.d.l.r.: une spécialité à base de 4 mg d’acide folique (Folavit®) est disponible en Belgique pour la prévention des anomalies congénitales au niveau du tube neural chez les patientes à risque].

En ce qui concerne le traitement hypoglycémiant, il est classiquement recommandé de passer à l’insuline avant la conception. Des données indiquent toutefois que, chez les femmes diabétiques de type 2, les bénéfices de la metformine en termes de contrôle glycémique contrebalancent les risques liés à son utilisation pendant la grossesse, et selon les recommandations de NICE, la metformine peut être utilisée en association ou comme alternative à l’insuline pendant la période préconceptionnelle ainsi que pendant toute la durée de la grossesse [n.d.l.r.: dans les notices des spécialités à base de metformine, la grossesse figure actuellement comme contre-indication]. Tous les autres hypoglycémiants oraux doivent être interrompus avant la grossesse et substitués par de l’insuline.

La metformine est également utilisée pour le traitement du syndrome des ovaires polykystiques chez des femmes non diabétiques, entre autres pour améliorer la fertilité. Dans cette indication, le traitement par la metformine est poursuivi jusqu’à ce que la patiente devienne enceinte.


Diabète gestationnel

Les résultats d’une étude récente [étude HAPO: N Engl J Med 2008; 358: 1991-2002 ], réalisée chez des femmes atteintes d’un diabète gestationnel, montrent que le risque de complications est directement proportionnel à la glycémie chez la mère, y compris lorsque les glycémies sont inférieures aux critères diagnostiques d’un diabète gestationnel. Cela signifie qu’il n’y a pas de seuil glycémique en dessous duquel le risque devient non significatif.

Outre les complications liées au diabète (voir ci-dessus), les femmes qui développent un diabète gestationnel ont également un risque accru de développer ultérieurement un diabète de type 2. Dans une étude d’observation récente, ce risque a été estimé à environ 20% après 9 ans [ CMAJ 2008; 179: 229-34 ].

Un dépistage du diabète gestationnel est recommandé en présence d’au moins un facteur de risque tel que âge > 25 ans, obésité (IMC > 25 kg/m2), grossesse multiple, antécédents de diabète gestationnel ou de bébé macrosome (poids de naissance de 4,5 kg ou plus), antécédents familiaux de diabète. Ce dépistage se fait au moyen d’un test de tolérance glucidique, généralement entre la 24ème et la 28ème semaine de grossesse, ou entre la 16ème et la 18ème semaine de grossesse en cas d’antécédents de diabète gestationnel. Le dépistage est positif si la glycémie mesurée 60 minutes après la prise de 50 g de glucose est ≥à 140 mg/dl. Le diagnostic de diabète gestationnel doit dans ce cas être confirmé par un OGTT (oral glucose tolerance test).

Dans la plupart des cas de diabète gestationnel, des mesures diététiques suffisent à contrôler la glycémie. En cas de contrôle glycémique insuffisant, il est recommandé d’y associer rapidement un traitement hypoglycémiant. Selon les recommandations de NICE, ce traitement peut consister en l’administration d’insuline et/ou de metformine ou de glibenclamide [n.d.l.r.: dans les notices des spécialités à base de metformine ou de glibenclamide, la grossesse figure actuellement comme contre-indication].


Discussion

Les recommandations de NICE suscitent des questions quant à l’usage de la metformine et du glibenclamide pendant la grossesse. En effet, les hypoglycémiants oraux sont en principe contre-indiqués pendant la grossesse, et le traitement hypoglycémiant chez la femme enceinte repose essentiellement sur des mesures hygiéno-diététiques éventuellement associées à une insulinothérapie. L’utilisation d’insuline a cependant des implications pratiques importantes et est associée entre autres à un risque d’hypoglycémie et à une prise de poids. Il a dès lors été suggéré que certains hypoglycémiants oraux pouvaient présenter des avantages par rapport à l’insuline pendant la grossesse.

Les résultats d’une étude randomisée ouverte récente, ayant inclus 751 femmes présentant un diabète gestationnel entre 20 et 33 semaines de grossesse, indiquent que l’utilisation de metformine (seule ou en association à l’insuline) n’était pas associée à un risque accru de complications chez la mère et chez l’enfant, par rapport aux femmes traitées uniquement par l’insuline [ N Engl J Med 2008; 358: 2003-15 avec un éditorial : 2061-3 ].

Les données d’une revue systématique récente des études disponibles (la plupart de celles-ci étaient des études non randomisées ou des études d’observation) ne suggèrent pas d’augmentation des risques périnataux chez les enfants dont la mère a été traitée par le glibenclamide pendant la grossesse [ Ann Pharmacother 2008; 42: 483-90 ].

Bien que ces résultats suggèrent que la metformine et le glibenclamide peuvent être des traitements efficaces et sûrs dans le diabète gestationnel, leur utilisation pendant la grossesse reste actuellement controversée. Des données supplémentaires s’avèrent nécessaires pour déterminer leur efficacité et leur innocuité à long terme, et en attendant, l’utilisation de ces médicaments pendant la grossesse doit se faire avec circonspection. ll n’existe actuellement aucune étude ayant comparé la metformine et le glibenclamide dans le traitement du diabète gestationnel.