Bon à savoir: interaction possible entre les inhibiteurs de la pompe à protons et le clopidogrel

Suite à un communiqué de la Food and Drug Administration (FDA) américaine, les Folia de février 2009 attiraient déjà l’attention sur le fait que certains médicaments tels que les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) peuvent diminuer l’efficacité du clopidogrel (Plavix®). L’Agence européenne des médicaments (EMEA) a publié récemment un avertissement concernant une interaction possible entre les IPP et le clopidogrel [via www.emea.europa.eu/humandocs/PDFs/EPAR/Plavix/32895609en.pdf , et repris sur le site de l’Agence Fédérale des Médicaments et des Produits de Santé via www.fagg-afmps.be/fr/news/news_clopidogrel.jsp ].

Deux études de cohorte rétrospectives suggèrent en effet que le clopidogrel pourrait être moins efficace chez les patients recevant un IPP.

  • La première étude [ JAMA 2009; 301: 937-44 ] concernait 8.205 patients traités par du clopidogrel à la suite d’un syndrome coronarien aigu. Les résultats ont montré un risque accru de décès ou de réhospitalisation en raison d’un syndrome coronarien aigu (critère d’évaluation primaire combiné) chez les patients traités par le clopidogrel et un IPP (dans 59,7% des cas, il s’agissait de l’oméprazole) par rapport aux patients traités uniquement par le clopidogrel (29,8% versus 20,8%). Il n’y avait par contre pas de différence entre les deux groupes en ce qui concerne la mortalité totale (critère d’évaluation secondaire).
  • De même, les résultats de l’étude Clopidogrel Medco Outcomes [annoncés récemment mais pas encore publiés] suggèrent aussi la possibilité d’une interaction entre les IPP’s et le clopidogrel. Dans cette étude ayant inclus 16.690 patients traités par le clopidogrel suite à la mise en place d’un stent, le risque d’évènements cardio-vasculaires était plus élevé dans le groupe sous IPP que dans le groupe ne prenant pas d’IPP (25,1% versus 17,9%); il n’y avait pas de différence significative à ce sujet entre les différents IPP.

Le mécanisme qui serait à l’origine de cette interaction éventuelle n’est pas clair. Le clopidogrel est une prodrogue qui doit être métabolisée par le CYP2C19 en son métabolite actif. Certains pensent que l’inhibition du CYP2C19 par les IPP’s pourrait avoir un rôle, mais d’autres facteurs pourraient aussi intervenir.

Bien que les résultats d’études rétrospectives ne permettent pas de tirer des conclusions définitives, la prescription d’un IPP chez un patient sous clopidogrel ne semble pas être une bonne combinaison. Dans l’attente de nouvelles données, le Comité des Médicaments à Usage Humain (CHMP) de l’EMEA et son groupe de travail Pharmacovigilance (PhVWP) recommandent d’éviter autant que possible l’utilisation concomittante d’un IPP et de clopidogrel. La notice du Plavix® sera adaptée dans ce sens. Peut-être est-il préférable, lorsqu’un traitement de symptômes gastriques s’impose chez des patients sous clopidogrel, d’opter pour un antihistaminique H2 ou un antacide, mais jusqu’à présent, il n’est pas prouvé que ces médicaments n’influencent pas l’effet antiagrégant du clopidogrel.