Traitement de substitution dans la dépendance aux opiacés
La presse a fait état il y a quelque temps du décès d’un enfant probablement à la suite d’une intoxication à la méthadone. La méthadone était destinée à l’un des cohabitants, comme traitement de substitution dans le cadre d’une dépendance aux opiacés [voir aussi communiqué " Bon à savoir " sur notre site Web du 07/07/09]. Suite à cet incident, nous consacrons le présent article au traitement de substitution dans le cadre d’une dépendance aux opiacés, et plus particulièrement à la problématique de la délivrance des médicaments de substitution. Cet article ne discute pas de la problématique du sevrage p. ex. à l’héroïne, dans lequel un traitement de substitution (méthadone, buprénorphine ou d’autres médicaments) est utilisé pour contrecarrer les manifestations de sevrage. ContexteLe principe du traitement de substitution consiste à remplacer l’usage illégal d’opiacés (généralement l’usage intraveineux d’héroïne, un opiacé à courte durée d’action) par l’usage contrôlé par une autre voie d’administration que la voie intraveineuse d’un opiacé à longue durée d’action. On utilise à cette fin la méthadone (un agoniste complet, à usage oral) ou la buprénorphine (un agoniste partiel, à usage sublingual). Un soutien psycho-social adéquat est bien entendu essentiel dans ce contexte. En Belgique, deux médicaments sont autorisés, par consensus1 depuis 1994 et par arrêté royal2 depuis 2004, comme substituts dans la dépendance aux opiacés: la méthadone (voie orale, préparation magistrale p. ex. de capsules, de sirop: voir note plus loin) et la buprénorphine (voie sublinguale, Subutex® ou, en association à la naloxone, Suboxone®). En Belgique, on utilise surtout la méthadone. L’objectif est d’atteindre un certain taux plasmatique de méthadone ou de buprénorphine, qui soit le plus constant possible. Ceci permet d’éviter les symptômes de sevrage. Ainsi, une tolérance apparaît, même aux effets d’autres opiacés (" tolérance croisée "). Il en résulte que, en cas d’usage concomitant d’héroïne par exemple, l’effet euphorique diminue. On espère ainsi réduire l’envie (" craving ") de l’opiacé illégal. En réduisant l’usage intraveineux illégal d’opiacés, on espère également enrayer la propagation d’infections telles que le sida ou l’hépatite B ou C (problématique des aiguilles contaminées), et améliorer l’état de santé général et le fonctionnement social du toxicomane (baisse de la criminalité, réintégration sociale); Le traitement de substitution est débuté à faibles doses, allant généralement de 10 à 30 mg de méthadone par jour ou de 2 à 8 mg de buprénorphine par jour. Afin de réduire au maximum le risque d’effets indésirables (sédation, dépression respiratoire) qui peuvent être fatals, il convient de tenir compte, au moment de déterminer la dose de départ, de facteurs tels que le degré de dépendance, la variabilité interindividuelle de réponse à ces médicaments, l’usage concomitant de sédatifs (p.ex. d’alcool, d’antidépresseurs ou de benzodiazépines) ou de médicaments susceptibles d’inhiber le métabolisme de la méthadone ou de la buprénorphine. Rappelons que c’est surtout le CYP3A4 qui intervient dans le métabolisme de la méthadone et de la buprénorphine (voir tableau dans le Répertoire Commenté des Médicaments, édition 2009, p. 37). La dose est progressivement augmentée jusqu’à atteindre une dose d’entretien optimale, allant généralement de 60 à 100 mg de méthadone par jour ou de 12 à 24 mg de buprénorphine par jour. Un traitement de substitution devrait être poursuivi pendant environ 6 mois au moins de façon à entraîner des adaptations durables du style de vie (relations, travail). En pratique, un traitement dure souvent plusieurs années, parfois même toute la vie.
Prescription, délivrance et administrationLe traitement de substitution doit être supervisé par des personnes compétentes (médecins et autres) dans toute la problématique de la toxicomanie. La législation belge prévoit qu’un médecin qui prescrit simultanément à plus de 2 patients un traitement de substitution, doit répondre à certaines conditions spécifiques. Celles-ci prévoient entre autres d’être enregistré auprès d’un centre d’accueil agréé. La délivrance des médicaments de substitution doit être assurée par un pharmacien d’officine. Celui-ci délivre quotidiennement le médicament au patient qui le prend sous supervision à la pharmacie. Le pharmacien peut éventuellement aussi délivrer les médicaments à une personne mandatée pour une ou plusieurs personnes, à condition que celles-ci résident ou soient suivies dans un centre de traitement de la toxicomanie. La prise journalière des médicaments sous supervision, à la pharmacie ou dans un centre d’accueil ou un centre spécialisé, est essentielle au début du traitement et jusqu’à ce que le patient soit stabilisé. Par la suite, le médecin peut décider de confier au patient une ou plusieurs doses quotidiennes (dites "doses à emporter"). Une concertation régulière entre le médecin et le pharmacien est toujours importante afin de s’assurer de la bonne observance du traitement dont dépend la chance de stabilisation. Chez certains patients, l’usage de doses à emporter peut s’avérer avantageux en termes d’intégration et de responsabilisation. Même dans cette situation, le suivi garde toute son importance afin d’éviter les abus (p.ex. injection des doses à emporter, revente) et les effets indésirables (p.ex. surdosage accidentel ou intentionnel chez le patient ou des personnes de son entourage). Les doses à emporter doivent toujours être délivrées dans des emballages sécurisés pour les enfants. La solution buvable ou le sirop doit être réparti en doses quotidiennes séparées, chacune dans un emballage sécurisé pour les enfants. Les modalités de délivrance (p.ex. délivrance quotidienne ou hebdomadaire, au patient ou à une personne mandatée), et la méthode d’administration (p.ex. administration à la pharmacie ou en dehors de la pharmacie) doivent dans tous les cas être mentionnées sur la prescription et dans le dossier médical du patient. Lorsque le pharmacien suspecte un problème, il doit en avertir le médecin prescripteur. NoteLa méthadone peut être prescrite en magistrale, p. ex. sous forme de capsules ou de sirop. Les formules mentionnées ci-dessous proviennent du "Formulaire Thérapeutique Magistral" qui paraîtra prochainement. De telles préparations standardisées sont à conseiller, mais il n’existe pas de consensus général à ce sujet. Sirop 1 mg/ml (il est conseillé d’utiliser toujours la même concentration afin d’éviter les erreurs)
Capsules (la dose journalière totale doit être intégrée dans la capsule; la quantité de 40 mg est utilisée comme exemple)
Quelques référencesLintzeris N, Clark N, Winstock: National clinical guidelines and procedures for the use of buprenorphine in the treatment of heroin dependence. © Commonwealth of Australia 2006 ( www.health.fgov.au/internet/drugstrategy/publishing.nsf/content/buprenorphine-guide ) Henry-Edwards S, Gowing L, White: Clinical guidelines and procedures for the use of methadone in the maintenance treatment of opioid dependence. © Commonwealth of Australia 2003 ( www.health. vic.gov.au/dpu/downloads/guidelines-methadone.pdf ) Ford C, Barnard J, Bury J, Carnwath T, Gerada C, Joyce A et al.: Guidance for the use of methadone for the treatment of opioid dependence in primary care. Royal College of General Practitioners. ( www.rcgp.org.uk/PDF/ drug_meth%20guidance.pdf ) Ford C, Morton S, Lintzeris N, Bury J et Gerada C.: Guidance for the use of bupretorphine for the treatmett of opioid depetdetce in primary care. Royal College of Geteral Practitioners. ( www.rcgp.org.uk/PDF/drug_buprenorphine.pdf ) Begeleiding de patiënten in substitutiebehandeling de opiaten. Raadgeving et begeleiding door de apotheker. Apotheekrichtlijnen. © Centrum Wetenschappelijke Ontwikkeling voor Apothekers (CWOA), 2008 (via www.apb.be , avec mot de passe). O’Shea J, Law F, Melichar: Opioid dependence. Clin Evid : 343-4 avec mot de passe pour la version électronique. |