Prise en charge de l’hypothyroïdie chez l’adulte


Abstract

Cet article discute de la prise en charge de l’hypothyroïdie primaire chez l’adulte en dehors d’une grossesse. Un traitement par la lévothyroxine est toujours indiqué en cas d’hypothyroïdie manifeste (c.-à-d. avec une TSH haute et une T4 libre basse) mais seulement dans certains cas d’hypothyroïdie subclinique. La posologie est déterminée en fonction du poids et de l’âge du patient, mais il convient également de tenir compte de facteurs tels que la symptomatologie, le taux de la TSH et de la T4 libre, la cause de l’hypothyroïdie et les antécédents (notamment cardiaques) du patient.

Cet article discute de l’hypothyroïdie primaire chez l’adulte en dehors d’une grossesse. La survenue d’une hypothyroïdie pendant la grossesse est associée à un risque de complications pour l’enfant. L’hypothyroïdie chez l’enfant (congénitale ou acquise) peut avoir des conséquences néfastes sur la croissance, le développement pubertaire et les résultats scolaires. Dans ces situations, il est dès lors recommandé d’adresser rapidement le patient à un endocrinologue.


Diagnostic

Les symptômes d’hypothyroïdie (entre autres fatigue, troubles de la mémoire et de la concentration, constipation, dépression, bradycardie, frilosité, prise de poids) sont aspécifiques, de sorte qu’il est difficile de poser un diagnostic clinique d’hypothyroïdie. Le diagnostic d’hypothyroïdie doit être confirmé par une augmentation de la concentration sérique en hormone thyréotrope (TSH; valeurs normales 0,45–4,5 mU/l) associée à une diminution de la concentration sérique en thyroxine libre (T4 libre; valeurs normales variables selon les laboratoires). Lorsque le taux de TSH se situe au-dessus des valeurs normales mais que celui de T4 libre est normal, on parle d’une hypothyroïdie subclinique. Il n’est pas clairement établi dans quelle mesure une hypothyroïdie subclinique évoluera vers une hypothyroïdie manifeste. Le dosage de la concentration en triiodothyronine (T3) n’est pas utile pour le diagnostic de l’hypothyroïdie vu qu’il est souvent normal même en présence d’une hypothyroïdie sévère, et qu’un taux de T3 isolément bas n’est pas un signe d’hypothyroïdie.

Le dépistage des problèmes thyroïdiens reste un sujet controversé. D’après une revue systématique, on ne dispose pas de preuves suffisantes pour recommander en routine un dépistage des problèmes thyroïdiens dans la population adulte générale. Un dépistage annuel est toutefois recommandé chez les personnes qui ont un risque élevé d’hypothyroïdie (p. ex. en raison de certains médicaments, d’antécédents personnels ou familiaux).


Etiologie

Les principales causes d’hypothyroïdie sont les suivantes.

  • Thyroïdite autoimmune telle que la thyroïdite d’Hashimoto ou thyroïdite lymphocytaire chronique.
  • Hypothyroïdie iatrogène après thyroïdectomie ou traitement par radio-iode.
  • Certains médicaments (p. ex. amiodarone, lithium, interférons, médicaments antithyroïdiens).
  • Hypothyroïdie congénitale (athyréose, thyroïde ectopique, hypoplasie thyroïdienne).
  • Déficience profonde en iode.
  • Hypothyroïdie consécutive à une atteinte hypothalamique ou pituitaire (hypothyroïdie secondaire).

Une forme d’hypothyroïdie (souvent passagère) peut survenir pendant la phase de rétablissement d’une thyroïdite subaiguë (thyroïdite de De Quervain), d’une thyroïdite du post-partum ou d’une thyroïdite silencieuse.


Traitement

  • Un traitement est indiqué en cas d’hypothyroïdie manifeste. Outre l’amélioration des symptômes, ce traitement peut aussi corriger les troubles lipidiques pouvant être associés à l’hypothyroïdie. Dans la plupart des cas, le traitement sera poursuivi pour une durée indéterminée à moins qu’il ne s’agisse d’une hypothyroïdie transitoire (p. ex. en cas de thyroïdite du post-partum) ou réversible (p. ex. d’origine médicamenteuse).
  • Un traitement est également indiqué en cas d’hypothyroïdie subclinique lorsque le taux de TSH est supérieur à 10 mU/l (mais T4 libre normale).
  • Dans les autres cas d’hypothyroïdie subclinique (c.-à-d. TSH entre 5 et 10 mU/l et T4 libre normale), la décision d’instaurer ou non un traitement reste un sujet controversé. Deux méta-analyses récentes d’études d’observation ont montré un lien entre l’hypothyroïdie subclinique et un risque accru de morbidité et mortalité cardio-vasculaires, mais dans une autre méta-analyse, aucun bénéfice d’un traitement de substitution n’a pu être constaté sur la morbidité et la mortalité cardio-vasculaires. La décision d’instaurer ou non un traitement (souvent à vie) dépendra généralement de la présence de symptômes (voir plus haut).
    • En présence de symptômes, un traitement peut être instauré pour une période d’essai de 3 à 6 mois. Si celui-ci s’avère bénéfique, il sera alors poursuivi pour une durée indéterminée.
    • En l’absence de symptômes, il n’est pas nécessaire d’instaurer un traitement mais une surveillance de la TSH est recommandée (une fois par an en présence d’anticorps antithyroïdiens, dans les autres cas tous les trois ans).
  • Lorsqu’un traitement est indiqué, la lévothyroxine est le premier choix. Le traitement est généralement débuté par une faible dose de 25 à 50 μg par jour. Chez les personnes âgées de plus de 60 ans ou atteintes d’une affection cardiaque, on débutera le traitement par de plus faibles doses encore (12,5 à 25 μg p.j.). La dose est ensuite progressivement augmentée jusqu’à la dose d’entretien; celle-ci varie de 1,25 à 1,6 μg/kg/j., ce qui correspond à une dose journalière de 75 à 100 μg pour une femme de poids moyen (60 kg) et à une dose journalière de 100 à 125 μg pour un homme de poids moyen (75 kg). En l’absence d’antécédents cardiaques, la lévothyroxine peut éventuellement être débutée immédiatement à la dose d’entretien [voir Folia de juillet 2006 ].

    La lévothyroxine sera prise de préférence à jeun le matin, au moins une demi-heure avant le petit déjeuner. En raison de sa longue durée de demi-vie (7 jours), il faudra attendre plusieurs semaines et parfois même plusieurs mois avant d’obtenir une amélioration clinique et biologique.

    Un contrôle des taux de TSH et de T4 libre est recommandé dans un premier temps tous les 2 à 3 mois, puis une fois par an. Il faut s’efforcer de maintenir le taux de TSH dans des valeurs normales (0,4-2,5 mU/l). Il est toutefois déconseillé d’augmenter davantage les doses de lévothyroxine jusqu’à atteindre des valeurs trop basses de TSH. Des données indiquent en effet que des taux bas de TSH (0,1 à 0,4 mU/l) chez des personnes de plus de 60 ans sont associés à un risque accru d’ostéoporose et de fibrillation auriculaire.

    En cas de taux élevés persistants de TSH malgré l’adaptation de la dose de lévothyroxine, il convient d’exclure un problème de mauvaise observance du traitement, une malabsorption ou une interaction (p. ex. avec du fer, du calcium, des antacides, la carbamazépine, la phénytoïne, la rifampicine).

    En cas de mauvaise observance, la totalité de la dose hebdomadaire peut éventuellement être administrée, sous surveillance, en une seule prise par semaine, mais cette mesure doit rester exceptionnelle et est certainement contre-indiquée chez les patients atteints d’une affection cardiaque.


Référence utile

Vaidya B et Pearce SHS.: Management of hypothyroidism in adults. Brit Med J 2008; 337: a801