Premier vaccin contre les méningocoques du sérogroupe B


Abstract

Un premier vaccin contre les méningocoques du sérogroupe B (Bexsero®) a été récemment enregistré en Belgique mais il n’est pas encore commercialisé (situation au 20/06/13). Des vaccins contre les méningocoques des sérogroupes A, C, W et Y, et un vaccin monovalent contre les méningocoques du sérogroupe C sont déjà disponibles depuis longtemps. Les méningocoques du sérogroupe B représentent les principaux agents responsables de la méningite à méningocoques dans nos régions, et touchent surtout les jeunes enfants. L’incidence des infections invasives à méningocoques du sérogroupe B en Belgique est faible (< 1/100.000 personnes/an), mais la morbidité et la mortalité sont importantes. Il est actuellement difficile de prédire quel sera le bénéfice apporté par le vaccin contre les méningocoques du sérogroupe B. Sur base de la réponse immunitaire aux antigènes vaccinaux, on suppose qu’il exerce un effet bactéricide mais on ne dispose pas de données ayant évalué directement un éventuel effet protecteur contre la méningite ou la septicémie. On ne dispose pas non plus de données concernant l’effet du vaccin sur le portage ou sur l’induction d’une immunité de groupe (herd immunity). Des données supplémentaires s’avèrent aussi nécessaires concernant la durée de la réponse immunitaire et la nécessité de doses de rappel ultérieures. Lorsque le vaccin est administré simultanément à d’autres vaccins durant la première année de vie, de la fièvre (>38,5°C) survient chez plus de 60 % des enfants.

Un premier vaccin contre les méningocoques du sérogroupe B (Bexsero®) a été récemment enregistré pour la prévention des infections invasives à méningocoques du sérogroupe B (méningite, septicémie) à partir de l’âge de 2 mois. Le vaccin n’est pas encore commercialisé (situation au 20/06/13).


Germes responsables de la méningite bactérienne et vaccinations existantes

Les principaux germes responsables de la méningite bactérienne sont Neisseria meningitidis (méningocoque; dans nos régions, il s’agit principalement des sérogroupes B et C), Haemophilus influenzae type b et Streptococcus pneumoniae (pneumocoque). Les vaccins suivants contre ces germes sont déjà disponibles en Belgique.

  • Contre les méningocoques:
    • un vaccin polysaccharidique non conjugué et un vaccin oligosaccharidique conjugué contre les méningocoques des sérogroupes A, C, W et Y, principalement indiqué chez certains voyageurs (vaccination obligatoire chez les pèlerins se rendant à la Mecque);
    • un vaccin polysaccharidique conjugué monovalent contre les méningocoques du sérogroupe C, intégré depuis 2002 au calendrier vaccinal de base, et qui a fortement diminué l’incidence des infections invasives à méningocoques du sérogroupe C.
  • Contre Haemophilus influenzae de type b. Grâce à la vaccination généralisée des enfants contre Haemophilus influenzae de type b depuis plusieurs années, le nombre de cas de méningite attribués à ce germe a fortement diminué.
  • Contre les pneumocoques. Depuis 2007, les enfants sont systématiquement vaccinés contre certains types de pneumocoques. L’incidence des infections invasives provoquées par les pneumocoques des sérotypes présents dans le vaccin a fortement diminué, mais l’impact de la vaccination sur l’incidence globale des infections invasives à pneumocoques n’est pas clair dans toutes les tranches d’âge [voir Folia d' octobre 2011 ]. Un vaccin contre les méningocoques du sérogroupe B est désormais aussi enregistré.

Epidémiologie des infections invasives à méningocoques du sérogroupe B en Belgique

L’incidence des infections invasives à méningocoques (méningite ou septicémie) en Belgique est stable ces dernières années, et s’élève à environ 1/100.000 personnes par an; 70 à 80 % des cas sont provoqués par des méningocoques du sérogroupe B. En 2012, l’Institut Scientifique de Santé Publique (ISSP) a pu confirmer le diagnostic d’une infection invasive par des méningocoques du sérogroupe B dans 86 cas, avec l’incidence la plus élevée chez les enfants de moins de 1 an (15 cas), les enfants de 1 à 4 ans (25 cas) et les adolescents de 15 à 19 ans (16 cas). Chez 5 à 10 % des patients, l’infection invasive à méningocoques du sérogroupe B connaît une issue fatale, et 10 à 20 % des patients survivant présentent des séquelles (p.ex. perte de l’audition, épilepsie, retard de développement).


Le vaccin contre les méningocoques du sérogroupe B

Pour les méningocoques du sérogroupe B, il n’est pas possible de développer un vaccin polysaccharidique conjugué comme c’est le cas pour Haemophilus influenzae de type b, les pneumocoques et le méningocoque du sérogroupe C. Ceci s’explique par le fait que les polysaccharides capsulaires des méningocoques du sérogroupe B sont très ressemblants aux glycopeptides de cellules neuronales humaines, et que l’immunogénicité par rapport à ces polysaccharides est dès lors très faible. C’est la raison pour laquelle il n’est pas facile de développer un vaccin contre les méningocoques du sérogroupe B qui soit aussi immunogène. Le vaccin contient 3 antigènes sous-capsulaires de surface de méningocoques du sérogroupe B, obtenus par la technologie de l’ADN recombinant, ainsi que des vésicules membranaires externes (outer membrane vesicle) d’une souche de méningocoque B qui fut à l’origine d’une épidémie en Nouvelle-Zélande voici quelques années de cela. Le vaccin doit être administré par voie intramusculaire. Dans le Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP), plusieurs schémas de vaccinations sont proposés, en fonction de l’âge au moment de la vaccination.

Le vaccin contient de l’aluminium, de la kanamycine et du latex.


Efficacité : données immunologiques

L’efficacité du vaccin a été évaluée sur base de la réponse immunitaire. Celle-ci a été déterminée par la mesure in vitro des propriétés bactéricides des anticorps induits par la vaccination. Le vaccin a fait l’objet d’études chez les enfants et les adolescents.

Dans des études chez les jeunes enfants, deux schémas ont été étudiés: (1) 4 doses administrées à l’âge de 2 mois, 4 mois et 6 mois, et une dose de rappel à l’âge de 12 mois (schéma 2-4-6-12) et (2) 4 doses administrées à l’âge de 2 mois, 3 mois, 4 mois, et une dose de rappel à l’âge de 12 mois (schéma 2-3-4-12).

  • Avec le schéma 2-4-6-12, l’expérience est la plus grande. Un mois après les trois premières doses et un mois après la dose de rappel, une réponse immunitaire, considérée comme bactéricide contre les 4 antigènes, a été obtenue chez 84 à 100 % des enfants. Lors de l’évaluation de la réponse immunitaire un an après la dose de rappel, le pourcentage d’enfants présentant une réponse immunitaire bactéricide a fortement diminué pour 2 des 4 antigènes. Il n’y avait pas d’interférence cliniquement significative du vaccin avec la réponse immunitaire à d’autres vaccins (entre autres contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, la polio, l’hépatite B, les oreillons, la rougeole et la rubéole).
  • Avec le schéma 2-3-4-12, la réponse immunitaire était beaucoup plus faible pour un des antigènes. Dans les études chez les adolescents, l’administration de 2 doses à 1 ou 2 mois d’intervalle a induit une réponse immunitaire contre les 4 antigènes, considérée comme bactéricide, chez presque toutes les personnes vaccinées.

Efficacité : données cliniques

On ne dispose pas de données ayant évalué directement un éventuel effet protecteur du vaccin contre la méningite ou la septicémie dues à des méningocoques du sérogroupe B; vu la rareté de ces infections, une telle recherche nécessiterait un nombre extrêmement élevé de patients. On ne dispose pas non plus de données quant à un effet éventuel du vaccin sur le portage de méningocoques du sérogroupe B ou sur l’induction d’une immunité de groupe (herd immunity, c.-à-d. le fait qu’un taux élevé de vaccination diminue la circulation de la bactérie, protégeant ainsi également de manière indirecte les personnes non vaccinées), et il est difficile de prédire un tel effet pour ce vaccin.


Innocuité

Les effets indésirables les plus fréquents sont des réactions au site d’injection et de la fièvre. Une douleur et un érythème au niveau du site d’injection surviennent surtout le premier jour de la vaccination, et ce chez plus de 80 % des enfants et des adolescents. De la fièvre (> 38,5°C) apparaît surtout dans les 6 heures suivant la vaccination. Plus de 60 % des jeunes enfants présentent de la fièvre lorsque d’autres vaccins sont administrés simultanément. Des convulsions (entre autres des convulsions fébriles) et un syndrome de Kawasaki (une forme rare de vascularite) ont été signalés et doivent faire l’objet d’études plus approfondies.


Quelques réflexions complémentaires

  • Plusieurs souches de méningocoques du sérogroupe B circulent actuellement, entre autres en fonction de la région, et l’expression antigénique de ces différentes souches est très variable. Les anticorps induits par ce vaccin ne sont donc pas nécessairement efficaces contre toutes les souches circulant au niveau régional. Des tests in vitro, développés par le fabriquant du vaccin, à partir d’isolats de méningocoques du sérogroupe B provenant de plusieurs pays européens (Angleterre et Pays de Galles, France, Allemagne, Italie et Norvège) suggèrent que le vaccin induirait des anticorps bactéricides contre environ 75 % des souches de méningocoques du sérogroupe B circulant en Europe occidentale, mais des données supplémentaires sont nécessaires pour le confirmer. On ne dispose pas de données se rapportant spécifiquement à la Belgique, et le test in vitro n’est pas disponible actuellement dans tous les pays (notamment en Belgique).
  • Des données supplémentaires s’avèrent nécessaires en ce qui concerne la durée de la réponse immunitaire et la nécessité de doses de rappel ultérieures.
  • La fréquence élevée de la fièvre en cas d’administration concomitante d’autres vaccins pourrait avoir un impact sur l’acceptation (par exemple par les parents) de ce vaccin et d’autres vaccins, et sur le degré de vaccination lors des vaccinations ultérieures. Selon le RCP, l’administration de paracétamol à titre préventif permet d’éviter l’apparition de la fièvre, sans influencer la réponse immunitaire au Bexsero® ou à d’autres vaccins. La fièvre est cependant une réaction physiologique normale à une inflammation ou une infection, et traduit dès lors une réaction adéquate du système immunitaire. L’administration préventive systématique d’un antipyrétique n’est pas recommandée en cas de vaccination. Si de la fièvre survient, du paracétamol peut éventuellement être administré pour améliorer le confort de l’enfant.

Quelques références

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European Public Assessment Report (EPAR) van Bexsero®, via de website van het Europees Geneesmiddelenbureau EMA: www.ema.europa.eu (klik ‘Find medicines’, zoekterm: Bexsero).

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Institut Scientitique de Santé Publique (ISSP), Centre de référence des méningocoques : via http://bacterio.wiv-isp.be/missions/neisseria-meningitidis