Usage rationnel des antibiotiques dans les infections aiguës des voies respiratoires en première ligne

Comme chaque année dans le numéro des Folia d’octobre, nous attirons l’attention sur des publications récentes concernant l’usage rationnel des antibiotiques dans les infections aiguës des voies respiratoires en première ligne. La prescription différée d’antibiotiques et certains risques liés aux macrolides sont abordés dans ce numéro.


Prescription différée d’antibiotiques

Les infections aiguës des voies respiratoires restent des raisons fréquentes de prescription d’antibiotiques en pratique ambulatoire. Il est pourtant bien établi que l’effet d’une telle prescription sur l’évolution naturelle de la plupart des infections des voies respiratoires est souvent très limité, et que le faible bénéfice éventuel est généralement contrebalancé par le risque d’apparition de résistance et d’effets indésirables, et par le coût. La prescription différée d’antibiotiques, c.-à-d. la remise d’une prescription à n’utiliser qu’en l’absence d’amélioration dans le délai attendu ou en cas d’aggravation des symptômes, peut être une manière de réduire l’utilisation inutile d’antibiotiques dans les infections aiguës des voies respiratoires. Une étude randomisée contrôlée récente1 et une Cochrane Review2 ont évalué différentes stratégies de prescription d’antibiotiques (pas de prescription, prescription différée ou prescription immédiate) pour une infection respiratoire aiguë telle que le refroidissement, la pharyngite, l’otite moyenne aiguë ou la bronchite, diagnostiquée en pratique ambulatoire. L’évolution clinique de l’infection respiratoire aiguë ne différait pas quelle que soit la stratégie de prescription; des différences mineures ont toutefois été rapportées en ce qui concerne les effets indésirables, mais il n’y avait pas de différence significative en ce qui concerne les complications. La stratégie de prescription différée entraînait une diminution de l’usage d’antibiotiques d’environ 40% par rapport à l’antibiothérapie immédiate; l’utilisation d’antibiotiques était toutefois la plus faible en l’absence de toute prescription à la première consultation. Les taux de satisfaction étaient comparables chez les patients ayant reçu une prescription différée et chez ceux n’ayant pas reçu de prescription; le taux de satisfaction était à peine supérieur en cas d’antibiothérapie immédiate. Bien que la stratégie de prescription différée d’antibiotiques permette de diminuer le recours immédiat aux antibiotiques, il est néanmoins toujours préférable en l’absence d’indication de ne pas remettre de prescription et de demander au patient de se représenter en l’absence d’amélioration dans le délai attendu ou en cas d’aggravation des symptômes. Le fait de remettre une prescription différée laisse en effet supposer que les antibiotiques sont efficaces dans de telles affections.

BMJ 2014; 348: g1606 (doi :10.1136/bmj.g1606)

Cochrane Database of Systematic Reviews 2013;; 4 No: CD004417 (doi:10.1002/14651858.CD.004417.pub4)


Effets indésirables des macrolides

Dans les Folia d' octobre 2013 , nous avions déjà attiré l’attention sur le risque cardio-vasculaire de certains macrolides. Un allongement de l’intervalle QT, avec risque de torsades de pointes et de mort subite a en effet été décrit avec plusieurs macrolides, entre autres l’érythromycine (surtout en injection intraveineuse), l’azithromycine, la clarithromycine et la télithromycine. Ces données reposaient sur des études observationnelles.

Une étude de cohorte3 récente a évalué le risque de mortalité cardio-vasculaire associé à l’utilisation de clarithromycine et à celle de roxithromycine. En comparaison à la pénicilline V (2,5 décès pour 1.000 patients par an), le risque de mortalité cardio-vasculaire était significativement accru avec la clarithomycine (5,3 décès pour 1.000 patients pas an), mais pas avec la roxithromycine (2,5 décès pour 1.000 patients par an). Vu le faible nombre de décès cardiaques dans cette étude, l’interprétation de ces résultats est délicate.

Dans un article paru récemment dans La Revue Prescrire4 basé sur des rapports périodiques de pharmacovigilance transmis par l’EMA, l’attention est attirée sur les effets indésirables de la télithromycine, un dérivé semi-synthétique de l’érythromycine. Outre le risque d’allongement de l’intervalle QT et d’arythmies, la télithromycine expose aussi à d’autres effets indésirables parfois graves tels que des atteintes hépatiques graves, des aggravations de myasthénie, des rhabdomyolyses, des troubles visuels et des troubles cutanés graves. Ces données ne sont pas nouvelles et avaient déjà fait l’objet de limitations de l’utilisation de la télithromycine par l’EMA en 2007 [voir Folia de juin 2007 ]. Vu l’absence de plus-value de la télithromycine par rapport aux autres macrolides et ses effets indésirables, la balance bénéfice/risque de la télithromycine est défavorable et son usage est à déconseiller.

En conclusion, bien que les données observationnelles mentionnées plus haut ne permettent pas de tirer des conclusions définitives quant à la possibilité d’une augmentation du risque cardio-vasculaire avec les macrolides, elles apportent néanmoins des arguments supplémentaires en faveur d’un usage restrictif des macrolides, c.-à-d. uniquement en présence d’une indication avérée chez des patients présentant une allergie Ig-E médiée à la pénicilline ou dans certaines situations spécifiques telles une pneumonie atypique, la coqueluche, l’éradication d’H. pylori ou les infections uro-génitales à Chlamydia trachomatis. Lorsqu’un macrolide s’avère nécessaire, la télithromycine n’est certainement pas un médicament de premier choix.

3 BMJ 2014; 349: g4930 (doi:10.1136/bmj.g4930)

4 La Revue Prescrire 2014; 34: 512–5