Otorrhée non compliquée chez les enfants porteurs d’un drain transtympanique: traitement local ou systémique ?


Abstract

Une étude récente confirme l’avantage d’un traitement antibiotique local par rapport à un traitement systémique dans la prise en charge de l’otorrhée chez des enfants porteurs d’un drain transtympanique. Les gouttes otiques à base d’antibiotiques et d’hydrocortisone utilisées dans cette étude ne sont cependant pas disponibles en Belgique et on ne connaît pas bien la place exacte des spécialités disponibles en Belgique. Les spécialités à base d’antibiotiques et de corticostéroïdes disponibles en Belgique (Panotile®, Polydexa®, Terra-Cortril + Polymyxine B®) contiennent des antibiotiques ototoxiques (néomycine, polymyxine) et sont contre-indiquées en cas de tympan perforé. Les antibiotiques oraux n’ont pas de place dans la prise en charge d’une otorrhée non compliquée chez des enfants porteurs d’un drain transtympanique.

Chez environ deux tiers des enfants porteurs d’un drain transtympanique, on observe au moins un épisode d’otorrhée (otite suppurée) au cours de l’année suivant l’implantation du drain transtympanique. Il est supposé que cette otorrhée découle d’une infection bactérienne de l’oreille moyenne; une antibiothérapie est dès lors souvent instaurée, par voie locale ou orale, ou bien une attitude expectative est adoptée. Dans des études plus anciennes ayant comparé une antibiothérapie locale à une antibiothérapie orale, le traitement local s’est à chaque fois avéré significativement supérieur. Ces études étaient cependant de petite taille et présentaient de sérieuses limites méthodologiques.

Dans une étude randomisée1 parue récemment et menée aux Pays-Bas, 230 enfants âgés de 1 à 10 ans porteurs d’un drain transtympanique et présentant une otorrhée non compliquée (pas de fièvre > 38,5°C et pas d’altération de l’état général) depuis une semaine maximum, ont été traités soit avec des gouttes otiques contenant des antibiotiques + un corticostéroïde (bacitracine + colistine + hydrocortisone), soit avec l’association amoxicilline + acide clavulanique par voie orale, ou bien on attendait de voir si les symptômes disparaissaient spontanément. Le critère d’évaluation primaire de l’étude était la persistance de l’otorrhée, constatée par otoscopie. Après 2 semaines de traitement, 5 % des enfants traités par les gouttes otiques présentaient encore une otorrhée, par rapport à 44 % des enfants traités par l’antibiotique oral et 55 % des enfants n’ayant reçu aucun traitement. Cette différence était statistiquement significative en faveur du traitement local; la différence entre le traitement oral et l’attitude expectative n’était pas significative.


Commentaire du CBIP

  • Les résultats de cette étude ne sont pas applicables au traitement de l’otite moyenne aiguë.
  • Les antibiotiques oraux n’ont pas de place dans la prise en charge d’une otorrhée non compliquée chez des enfants porteurs d’un drain transtympanique.
  • Les gouttes otiques utilisées dans cette étude contiennent les antibiotiques bacitracine et colistine, mais également de l’hydrocortisone. Une telle association n’est pas disponible en Belgique et ne peut pas non plus être préparée en magistrale. On ne connaît pas bien le rôle du corticostéroïde dans l’effet.
  • Les gouttes otiques disponibles en Belgique contenant un antibiotique et un corticostéroïde (Polydexa®, Panotile®, Terra-Cortril + Polymyxine B®) contiennent de la néomycine ou de la polymyxine B qui sont ototoxiques, et ne peuvent pas être utilisées en cas de tympan perforé.
  • Seule une préparation contenant de la ciprofloxacine (Ciloxan®) est enregistrée pour usage otique en cas de tympan perforé, et ce uniquement sous strict contrôle médical. Les preuves scientifiques étayant l’efficacité de la ciprofloxacine en cas d’otorrhée chez des porteurs d’un drain transtympanique sont toutefois faibles.
  • Actuellement, dans le Répertoire Commenté des Médicaments, on précise que la place des gouttes otiques antibiotiques en cas d’otite suppurée chronique (otorrhée) en présence d’un drain transtympanique est controversée. Sur base de cette nouvelle étude de bonne qualité, ajoutée aux preuves plus anciennes, on peut conclure que le traitement local a une place dans la prise en charge d’une otorrhée non compliquée chez des enfants porteurs d’un drain transtympanique. Nous ignorons toutefois encore la place exacte des médicaments disponibles en Belgique.

1 N Engl J Med 2014; 370: 723-33 (doi: 10.1056/NEJMoa1301630)