Mesures de précaution supplémentaires lors de la prescription d’ivabradine

Le Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC) de l’Agence européenne des médicaments (EMA) vient de réviser le rapport bénéfice/risque de l’ivabradine (Procoralan®), un médicament utilisé dans le traitement de l’angor stable et de l’insuffisance cardiaque. Une revue de toutes les données cliniques disponibles a été effectuée, parmi lesquelles l’étude SIGNIFY publiée récemment1. Cette étude menée en double aveugle a inclus 19.102 patients souffrant d’une maladie coronarienne stable et ne présentant pas de signes cliniques d’une insuffisance cardiaque; environ deux tiers des patients présentaient des symptômes d’angor. Les patients ont été randomisés entre l’ivabradine à une dose de maximum 10 mg deux fois par jour, ce qui est supérieur à la dose recommandée (l’adaptation de la dose se faisait en fonction de la fréquence cardiaque) ou un placebo, en plus d’un traitement déja instauré par l’acide acétylsalicylique, une statine, un IECA et un β-bloquant. Après 28 mois, on n’a pas observé de différence entre les deux groupes au niveau du critère d’évaluation primaire (critère combiné de mortalité cardio-vasculaire et d’infarctus du myocarde non fatal); aucune donnée concernant l’effet sur les symptômes d’angor n’a été rapportée. Les effets indésirables, tels que bradycardie symptomatique et fibrillation auriculaire, étaient significativement plus fréquents chez les patients traités par l’ivabradine. Les résultats d’une analyse d’un sous-groupe prédéfini ont révélé une incidence plus importante de la mortalité cardio-vasculaire et d’infarctus du myocarde en cas de traitement par l’ivabradine, chez les patients présentant des symptômes d’angor, mais pas dans le groupe asymptomatique. Sur base de ces données et des données antérieures, le PRAC formule les mesures de précaution suivantes concernant l’usage de l’ivabradine en cas d’angor stable2.

  • L’ivabradine doit être réservée au contrôle symptomatique de l’angor.
  • L’ivabradine ne peut être instaurée que chez les patients dont la fréquence cardiaque au repos ≥ 70 battements/minute.
  • La dose d’entretien ne doit pas dépasser 7,5 mg deux fois par jour.
  • En cas d’apparition d’une fibrillation auriculaire, le rapport bénéfice/risque du traitement doit être réévalué.
  • Si le patient développe une bradycardie symptomatique, la dose doit être adaptée ou le traitement arrêté.
 

Commentaire du CBIP

Dans des études antérieures, il n’a jamais été démontré que l’ivabradine diminue la mortalité. Dans la récente étude SIGNIFY, on a même constaté une augmentation de la mortalité cardio-vasculaire et des cas d’infarctus du myocarde dans un sous-groupe de patients présentant des symptômes d’angor. C’est pourquoi, le CBIP estime que la place de l’ivabradine dans le traitement chronique de l’angor stable est très limitée. L’ivabradine pourrait éventuellement avoir, moyennant un suivi médical rigoureux, une place limitée chez les patients qui ne tolèrent pas les autres options thérapeutiques ou n’y répondent pas suffisamment, et ce aussi bien dans l’angor stable que dans l’insuffisance cardiaque [voir aussi Folia de janvier 2013 ]. L’évaluation de l’EMA porte uniquement sur l’usage de l’ivabradine en cas d’angor stable, mais la prudence est également de mise en cas d’insuffisance cardiaque.

1 N Engl J Med 2014; 371: 1091-9 (doi: 10.1056/NEJMoa1406430) avec un éditorial : 1152-3 (doi:10.1056/NEJMe1409369).

2 Seules les mesures de précaution principales sont abordées ici. Pour un aperçu complet, nous vous renvoyons au site www.ema.europe.eu > Search document library > terme de recherche: EMA/705247/2014 (document du 21/11/2014).