Prévention primaire du cancer du sein

 
Abstract

Dans le cadre de la prévention primaire du cancer du sein, il convient avant tout de dépister les femmes à haut risque et de suivre celles-ci de manière adéquate. Chez les femmes avec un risque fortement accru, p.ex. en cas de prédisposition génétique, une intervention prophylactique peut être envisagée. En ce qui concerne l’hormonothérapie préventive, un effet favorable a été observé avec les modulateurs sélectifs des récepteurs aux estrogènes tamoxifène et raloxifène, ainsi que récemment avec les inhibiteurs de l’aromatase exémestane et anastrozole. Le bénéfice en chiffres absolus dans les études cliniques est toutefois limité. On ne dispose pas d’études comparatives entre toutes les options médicamenteuses. L’hormonothérapie préventive est moins efficace que la mastectomie et expose en outre à des effets indésirables parfois sévères ainsi qu’à des problèmes d’observance du traitement; elle peut toutefois être envisagée chez les femmes avec un risque fortement accru de cancer du sein qui souhaitent éviter ou retarder une intervention chirurgicale.

Dans le cadre de la prévention primaire du cancer du sein, il convient avant tout de dépister les femmes qui sont exposées à un risque accru de cancer du sein. Chez les femmes avec un risque fortement accru, p.ex. en cas de prédisposition génétique, une intervention prophylactique peut être envisagée.

 

Facteurs de risque du cancer du sein

Le risque de cancer du sein est multifactoriel et dépend entre autres de facteurs génétiques, environnementaux et hormonaux. Sur base de l’anamnèse familiale, on distingue trois niveaux de risque de cancer du sein: risque moyen, risque accru et risque fortement accru. Pour les critères des différents groupes, nous renvoyons au rapport du Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) sur le dépistage du cancer du sein1.

Des tests génétiques sont à envisager en cas de risque fortement accru, c.-à-d. en cas de cancer mammaire ou ovarien chez plusieurs personnes apparentées au 1er ou au 2e degré, ou en présence dans les antécédents familiaux de l’un des cas suivants: cancer du sein survenant à un jeune âge (< 45 ans), cancer du sein triple négatif (c.-à-d. sans récepteurs aux estrogènes, à la progestérone et sans surexpression de la protéine HER-2), cancer du sein chez un homme, ou cancer du sein bilatéral. Dans ces cas, il convient de rechercher des mutations des principaux gènes pouvant être impliqués dans le cancer du sein (BRCA1, BRCA2, et CHEK2, mais d’autres mutations sont possibles).

Des facteurs environnementaux et hormonaux tels que les antécédents personnels de lésions précancéreuses ou de radiothérapie supradiaphragmatique (p.ex. pour un lymphome hodgkinien), l’obésité, la densité du tissu mammaire, une consommation alcoolique importante, le traitement hormonal de substitution, la contraception hormonale, la première grossesse à un âge tardif et la ménopause tardive peuvent également augmenter le risque de cancer du sein. Ces facteurs de risque sont pris en compte dans les modèles d’évaluation du risque individuel de cancer du sein (p.ex. le modèle de Gail).

 

Traitement prophylactique

L’ablation chirurgicale préventive des seins (syn. mastectomie) réduit de manière considérable (90-95%) le risque de cancer du sein, mais une telle intervention chirurgicale est cependant difficilement acceptable pour beaucoup de femmes. Une salpingo-ovariectomie bilatérale peut dans certains cas être une alternative, notamment chez les femmes jeunes, et permet de réduire le risque de cancer du sein d’environ 50%. L’hormonothérapie fait également partie des options thérapeutiques préventives.2 La prévention primaire du cancer du sein n’est cependant pas reprise comme indication dans les Résumés des Caractéristiques du Produit (RCP) des modulateurs sélectifs des récepteurs aux estrogènes ni des inhibiteurs de l’aromatase.

 

Modulateurs sélectifs des récepteurs aux estrogènes

Des études ont montré qu’un traitement pendant 5 ans par le tamoxifène ou le raloxifène chez des femmes avec un risque accru de cancer du sein diminue de manière statistiquement significative le risque de cancer du sein in situ et de cancer du sein invasif avec des récepteurs aux estrogènes. Le bénéfice en chiffres absolus est toutefois limité, et ces médicaments présentent en outre des effets indésirables parfois graves (telles des complications thromboemboliques, et un risque accru de carcinome de l’endomètre avec le tamoxifène) [voir Folia d' octobre 2006 ].

Il ressort d’une méta-analyse récente3 qu’un traitement de 5 ans par le tamoxifène ou le raloxifène diminue l’incidence du cancer du sein d’environ 38% et que ce bénéfice se maintient au moins 5 ans après l’arrêt du traitement. Le nombre de femmes à traiter pendant 5 ans pour éviter 1 cas de cancer du sein invasif avec des récepteurs hormonaux après 10 ans était de 53 (number needed to treat ou NNT = 53). Aucun effet sur la mortalité totale ni sur la mortalité liée au cancer du sein n’a cependant été démontré durant cette période de 10 ans. Dans une étude comparative, le tamoxifène est apparu un peu plus efficace que le raloxifène mais le tamoxifène était associé à un risque accru de carcinome de l’endomètre et de cataracte. Le tamoxifène est le seul médicament évalué et utilisé tant chez les femmes ménopausées que chez les femmes préménopausées; le raloxifène est utilisé uniquement chez les femmes ménopausées.

 

Inhibiteurs de l’aromatase

Deux études randomisées contrôlées par placebo ont évalué l’efficacité et l’innocuité de l’exémestane et de l’anastrozole en prévention primaire du cancer du sein chez des femmes avec un risque accru. Les inhibiteurs de l’aromatase ne sont indiqués que chez les femmes ménopausées.

  • Dans l’étude MAP 34 (durée moyenne de 3 ans), un traitement préventif par l’exémestane (25 mg p.j.) a entraîné une diminution statistiquement significative de plus de 50 % de l’incidence des cancers du sein par rapport au placebo. Le nombre de femmes à traiter pour éviter 1 cas de cancer du sein invasif avec des récepteurs hormonaux après 3 ans était de 94 (NNT = 94). Chez les femmes ayant pris l’exémestane pendant 5 ans, le NNT était de 26 après 5 ans.
  • Dans l’étude IBIS-II5 (durée moyenne de 5 ans), un traitement préventif par l’anastrozole (1 mg p.j.) a entraîné une diminution statistiquement significative de plus de 50% de l’incidence des cancers du sein par rapport au placebo. Le nombre de femmes à traiter pendant 5 ans pour éviter 1 cas de cancer du sein après 7 ans de suivi était de 36 (NNT = 36).

Dans ces études, les femmes sous inhibiteur de l’aromatase présentaient plus de troubles vasomoteurs et de douleurs musculosquelettiques, mais il n’y avait pas de différence statistiquement significative entre les groupes en ce qui concerne l’apparition d’effets indésirables sévères (entre autres des accidents cardio-vasculaires).

 

Conclusion

L’efficacité tant des modulateurs sélectifs des récepteurs aux estrogènes que des inhibiteurs de l’aromatase a été démontrée dans des études cliniques en prévention primaire du cancer du sein. Le bénéfice en chiffres absolus de ces traitements est toutefois limité, et il convient de tenir compte de leurs effets indésirables parfois graves et des problèmes éventuels d’observance du traitement. Vu l’absence d’études comparatives entre les différents inhibiteurs de l’aromatase, et entre ceux-ci et le tamoxifène ou le raloxifène, il est difficile de tirer des conclusions en terme d’innocuité et d’efficacité relative. Avec le tamoxifène, l’effet semble persister au moins 5 ans après l’arrêt du traitement, et pour connaître la durée de l’effet d’un traitement par un inhibiteur de l’aromatase, des études de longue durée s’avèrent nécessaires.

A l’heure actuelle, l’hormonothérapie n’est pas recommandée en routine en prévention primaire du cancer du sein, mais elle peut toutefois être envisagée chez les femmes avec un risque fortement accru de cancer du sein qui souhaitent éviter ou retarder un traitement préventif chirurgical.

 
Abstract

Une application du Répertoire Commenté des Médicaments pour smartphone et tablette (compatible avec les systèmes androïde et IOS) peut désormais être téléchargée gratuitement. Voir le communiqué à ce sujet dans la rubrique "Bon à savoir" sur notre site Web.

1 https://kce.fgov.be/sites/default/files/page_documents/KCE_172B_depistage_du_cancer.pdf

2 BMJ 2014; 348: g2756 (doi:10.1136/bmj.g2756)

3 Lancet 2013; 381: 1827-34 (doi:10.1016/S0140-6736(13)60140-3)

4 N Engl J Med 2011; 364: 2381-91 (doi:10.1056/NEJMoa1103507)

5 Lancet 2014; 383: 1041-48 (doi:10.1016/S0140-6736(13)62292-8)