Traitement médicamenteux du restless legs syndrome

 
Abstract

La prise en charge du restless legs syndrome (RLS) ou syndrome des jambes sans repos consiste en premier lieu en des mesures non médicamenteuses, et à détecter et traiter une carence en fer. En cas d’effet insuffisant, un traitement médicamenteux peut être envisagé. Ce dernier est en principe réservé aux patients présentant des symptômes fréquents et assez sévères à sévères du RLS. Les médicaments avec lesquels l’efficacité est la mieux documentée sont les agonistes dopaminergiques pramipexole, ropinirole et rotigotine, et les antiépileptiques gabapentine et prégabaline. La réponse au placebo en cas de RLS est importante, et on dispose de peu de données à long terme concernant les médicaments. Des données supplémentaires s’avèrent nécessaires en ce qui concerne le problème du " phénomène d’augmentation " (aggravation de la maladie), qui a été décrit après un traitement prolongé par la dopamine ou des agonistes dopaminergiques, et récemment aussi, bien que beaucoup moins fréquemment, avec la prégabaline. Un traitement intermittent (à la demande) est parfois recommandé à la place d’un traitement quotidien, mais ceci n’est pas étayé. Chez les patients présentant des symptômes légers à modérés, le rapport bénéfice/risque du traitement médicamenteux n’est pas clair.

Chez les femmes enceintes présentant un RLS, il faut souligner que les symptômes disparaissent généralement spontanément dans les semaines qui suivent l’accouchement.

Le restless legs syndrome (RLS) ou syndrome des jambes sans repos (également appelé la maladie de Willis-Ekbom) se caractérise par des sensations désagréables dans les jambes (paresthésies ou dysesthésies), avec un besoin irrépressible de les bouger; les symptômes sont temporairement soulagés par le mouvement, sont plus importants au repos et apparaissent surtout en soirée et pendant la nuit. En cas de symptômes sévères, cette maladie peut avoir un impact considérable sur la qualité de vie, entre autres en détériorant la qualité du sommeil. La cause du RLS n’est pas connue, mais la maladie semble se manifester plus fréquemment en cas de carence en fer, pendant la grossesse (en particulier au cours du 3e trimestre) et en cas d’insuffisance rénale. Dans environ la moitié des cas, il y a des antécédents familiaux.

Le traitement du RLS a été abordé dans les Folia de décembre 2004 . Le présent article propose une mise à jour, reposant principalement sur une méta-analyse récente dans le Jama Internal Medicine1 (avec une discussion dans le Geneesmiddelenbulletin2) et sur de récentes Cochrane Reviews3,4,5. La prise en charge du RLS consiste en premier lieu à proposer des mesures non médicamenteuses et à traiter une éventuelle carence en fer.

  • Des mesures non médicamenteuses consistant par exemple à éviter les facteurs déclenchants (café p.ex.), arrêter de fumer, observer une bonne hygiène du sommeil et pratiquer une activité physique suffisante peuvent soulager les symptômes, mais cela est peu documenté. Les symptômes peuvent également être soulagés en diminuant la dose ou en arrêtant les médicaments susceptibles d’aggraver les symptômes (en particulier les antidépresseurs et les antipsychotiques)6.
  • Certaines études ont constaté un effet positif de suppléments en fer sur les symptômes du RLS, mais dans l’ensemble, les preuves concernant l’utilité d’un apport en fer sont faibles, même chez les patients ayant une carence martiale avérée. Il est néanmoins utile, chez les patients présentant une carence en fer [taux de ferritine < 40 μg/l, en dehors d'un processus infectieux (avec des valeurs normales de CRP)], d’instaurer dans un premier temps un traitement à base de fer.
 

Traitement médicamenteux

  • Plusieurs médicaments sont proposés dans le traitement du RLS, mais seuls quelquesuns sont étayés par des preuves d’efficacité. En principe, le traitement médicamenteux est réservé aux patients présentant des symptômes fréquents (plusieurs fois par semaine) et assez sévères à sévères7. Chez les patients présentant des symptômes légers à modérés, le rapport bénéfice/risque du traitement médicamenteux n’est pas clair, en raison du manque d’études dans cette population, et des effets indésirables potentiels. On recommande parfois un traitement intermittent, c.-à-d. à la demande, au lieu d’un traitement quotidien, mais ceci n’est pas étayé.
  • Les médicaments les mieux documentés en termes d’efficacité sont les agonistes dopaminergiques pramipexole, ropinirole et rotigotine, ainsi que les antiépileptiques gabapentine et prégabaline. Il s’agit d’études d’une durée de 12 à 24 semaines tout au plus, menées chez des patients présentant des symptômes persistants (2 à 17 ans) et assez sévères à sévères du RLS (dans les études, le score moyen sur le IRLS rating scale se situait entre 24 et 25). Le critère d’évaluation primaire dans les études était une "amélioration cliniquement significative", définie par une diminution du score RLS d’au moins 50%.
    • Le traitement par le pramipexole, le ropinirole ou la rotigotine était plus fréquemment associé à une amélioration cliniquement significative des symptômes que le placebo: 61% contre 41 % des patients (Number Needed to Treat ou NNT de 5). Un effet positif a également été observé sur la qualité du sommeil et la qualité de vie. Les effets indésirables observés dans les études consistaient principalement en des nausées, des vomissements et de la somnolence, et avec les dispositifs transdermiques à base de rotigotine, des réactions cutanées au site d’application ont également été rapportées. Dans les études, environ 20% des patients ont arrêté prématurément le traitement. Pour le pramipexole, le ropinirole et la rotigotine8, le Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP) mentionne comme indication "syndrome idiopathique des jambes sans repos modéré à sévère" (situation au 01/01/15). Le traitement doit être débuté par une faible dose, qui peut être ensuite augmentée progressivement. La dose de ropinirole et de pramipexole doit être prise le soir au coucher. Il est recommandé d’évaluer le traitement après 3 mois.
    • Le traitement par la gabapentine ou la prégabaline était associé plus fréquemment à une amélioration cliniquement significative des symptômes que le placebo: 61% contre 37 % des patients (NNT de 4). L’effet de ces médicaments sur la qualité du sommeil et la qualité de vie n’est pas connu. Les effets indésirables observés dans les études consistaient surtout en de la somnolence et des vertiges. Le RLS ne figure pas parmi les indications des RCP de ces médicaments (situation au 01/01/15).
  • Avec la lévodopa, un effet favorable sur les symptômes du RLS a été observé dans des études de courte durée (1 à 8 semaines), mais les effets d’un traitement à long terme n’ont pas été suffisamment étudiés. Le RLS ne figure pas parmi les indications du RCP (situation au 01/01/2015).
  • D’autres médicaments sont parfois utilisés mais leur efficacité n’est pas étayée (carbamazépine, clonazépam, quinine), ou leur rapport bénéfice/risque est négatif (clonidine, certains analgésiques morphiniques; les analgésiques morphiniques sont associés entre autres à un risque d’accoutumance et de dépendance). Le RLS ne figure pas parmi les indications du RCP de ces médicaments (situation au 01/01/15).
 

Le RLS en période de grossesse

Chez les femmes enceintes présentant un RLS, il convient de souligner le caractère bénin du RLS et le pronostic favorable; les symptômes... disparaissent en général spontanément dans les 4 semaines suivant l’accouchement. En cas de carence en fer, celle-ci doit être corrigée. Un traitement par d'autres médicaments n’est pas à recommander en période de grossesse: l’expérience avec les médicaments proposés en cas de RLS chez les femmes enceintes est très limitée voire inexistante, et les avantages éventuels ne contrebalancent pas, dans cette indication, les effets néfastes potentiels pour l’enfant à naître.

 

Problème du " phénomène d’augmentation "

En cas d’utilisation pendant un an ou plus de la lévodopa, et dans une moindre mesure, des agonistes de la dopamine, une aggravation de la maladie (" phénomène d'augmentation ") a été décrite. Ce phénomène se caractérise par l’apparition de symptômes plus précocement dans la journée, l’étendue des symptômes au torse et aux bras, l’apparition plus rapide de symptômes au repos, et une diminution de la durée d’action du médicament. Dans une étude randomisée récente, en double aveugle, ayant comparé le pramipexole (0,25 ou 0,5 mg p.j.) et la prégabaline (300 mg p.j.) 9, l’incidence du phénomène d’augmentation après 1 an de traitement était de :

  • 6,6 % avec le pramipexole à 0,25 mg p.j., et 9 % avec le pramipexole à 0,5 mg p.j.;
  • 1,7 % avec la prégabaline.

Bien que ce phénomène soit nettement moins fréquent avec la prégabaline qu’avec le pramipexole, ces résultats montrent clairement que les médicaments agissant sur le système dopaminergique ne sont pas les seuls en cause dans le phénomène d’augmentation. Des études supplémentaires, avec une durée d'au moins un an, s’imposent donc. De telles études sont également nécessaires pour mieux définir les effets indésirables à long terme; un plus grand nombre de pensées suicidaires a p.ex. été observé avec la prégabaline qu’avec le pramipexole.

1 JAMA Intern Med 2013; 173: 496-505 (doi:10.1001/jamainternmed.2013.3733)

2Geneesmiddelenbulletin 2013;47:95-6 (via http://gebu.artsennet.nl/Archief/Tijdschriftartikel/Medicamenteuzebehandeling- van-het-rustelozebenensyndroom.htm

3 Cochrane Database of Systematic Reviews 2011; 2 Art. No.: CD005504. DOI: 10.1002/14651858.CD005504.pub2.

4 Cochrane Database of Systematic Reviews 2012; 5 Art. No.: CD007834. DOI: 10.1002/14651858.CD007834.pub2.

5 Cochrane Database of Systematic Reviews 2011; 3 Art. No.: CD006009. DOI: 10.1002/14651858.CD00006009.pub2.

6La Revue Prescrire 2010;30:270-2

7 La sévérité des symptômes du RLS peut être évaluée grâce au IRLS rating scale, un questionnaire validé évaluant les symptômes (scores de 0 à 40); les symptômes sont considérés comme sévères en cas de score > 20 [voir entre autres http://www.thoracic.org/assemblies/srn/questionaires/irls.php ].

8 Les formes de rotigotine à 1 mg et 3 mg (Neupro®), enregistrées pour le traitement du RLS, ne sont pas commercialisées en Belgique (situation au 01/01/15).

9New Engl J Med 2014;307:621-31 (doi:10.1056/NEJMoa1303646), avec un éditorial 667-8 (doi:10.1056/NEJMe1313155)