Les médicaments, une cause possible de neuropathie périphérique

Les neuropathies périphériques peuvent concerner les nerfs sensoriels, moteurs ou autonomes. Une atteinte des nerfs sensoriels entraîne des troubles de la sensibilité parfois invalidants: sensation de fourmillement ou de picotement, démangeaisons, engourdissement; les troubles de la sensibilité sont généralement symétriques et localisés au niveau des pieds, et ils constituent souvent les premiers symptômes d’une neuropathie périphérique. En cas d’atteinte de nerfs moteurs, une faiblesse musculaire apparaît avec, dans des cas graves, une impossibilité de se lever ou de tenir quelque chose. En cas d’atteinte du système nerveux autonome, des symptômes tels une hypotension orthostatique, une hypothermie, une atonie vésicale ou intestinale peuvent survenir. Les causes de neuropathie sont nombreuses: le diabète et l’alcoolisme sont souvent en cause chez nous, ainsi que des affections thyroïdiennes, rénales ou auto-immunes. La prise de médicaments doit cependant aussi être envisagée comme une cause possible de neuropahie périphérique. Les médicaments anticancéreux font partie des médicaments les plus fréquemment responsables de neuropathie périphérique.

La liste ci-dessous reprend les médicaments pour lesquels des neuropathies périphériques sont bien documentées. L’incidence précise est souvent inconnue et est difficile à établir, du fait que les données proviennent principalement de notifications spontanées; lorsqu’on dispose d’une estimation de l’incidence, celle-ci est mentionnée1.

 

Anticancéreux

  • Thalidomide, lénalidomide et pomalidomide: surtout des neuropathies sensitives, très fréquent (surtout avec la thalidomide: 70 à 80%), parfois avec des lésions irréversibles.
  • Bortézomib: surtout des neuropathies sensitives, souvent réversibles, incidence d’environ 40%.
  • Sels de platine: surtout des neuropathies sensitives, avec parfois des difficultés respiratoires et des troubles de la déglutition, plus fréquent avec l’oxaliplatine (neuropathie aiguë après perfusion chez environ 90% des patients; neuropathie chronique chez 10 à 20% des patients) et le cisplatine, souvent réversible (lentement).
  • Taxanes: surtout des neuropathies sensitives, le plus souvent réversibles.
  • Vinca-alcaloïdes: surtout des neuropathies sensori-motrices le plus souvent réversibles, plus fréquent avec la vincristine (35 à 45%).
  • Autres: fludarabine, nélarabine, cytarabine, bévacizumab, chlorambucil, étoposide, hydroxycarbamide, pémétrexed, témozolomide.
 

Autres classes médicamenteuses

  • Antibactériens: nitrofurantoïne (surtout après un traitement prolongé et en cas d’insuffisance rénale, parfois irréversible), isoniazide, linézolide (surtout en cas de traitement de longue durée), éthambutol.
  • Antiparasitaires: métronidazole, pentamidine, méfloquine.
  • Antifongiques: itraconazole, griséofulvine.
  • Antiviraux: didanosine (± 9%), stavudine (± 20%), saquinavir (± 4%), étravirine (± 2%), ribavirine, ritonavir (± 25%).
  • Médicaments cardio-vasculaires: statines, fibrates, flécaïnide, amiodarone (surtout en cas de traitement de longue durée), disopyramide, captopril.
  • Médicaments utilisés en rhumatologie: léflunomide, hydroxychloroquine, inhibiteurs du TNF, colchicine, allopurinol (rare), bisphosphonates.
  • Médicaments du système nerveux central: phénytoïne (en cas de dose très élevée et en association à d’autres antiépileptiques), amitriptyline, phénelzine, disulfiram (lentement réversible).
  • Immunomodulateurs: tacrolimus (fréquent), ciclosporine (rare), (peg)interferon α.
  • Autres: AINS (seule une neuropathie optique a été décrite), déferoxamine, metformine), mésalazine, miglustat (20 à 35%).
 

Quelques commentaires

  • Lorsqu'une neuropathie périphérique est constatée, on arrêtera si possible la prise des médicaments susceptibles de les provoquer. Le risque de neuropathie périphérique est généralement dose-dépendant. Une vitesse de perfusion intraveineuse élevée, une dose cumulative élevée et un traitement prolongé augmentent souvent le risque.
  • On évitera dans la mesure du possible l’association de plusieurs médicaments pouvant provoquer une neuropathie périphérique. On sera également prudent en présence d’autres facteurs de risque tels que le diabète ou la consommation chronique d’alcool.
  • L’information du patient est importante afin de lui permettre d’identifier les premiers symptômes d’une neuropathie périphérique (p.ex. picotements, crampes, perte de sensibilité, perte de force) et d’envisager l’arrêt du traitement en cause ou la diminution de la dose.
  • On ne dispose actuellement d’aucun traitement ayant un effet protecteur établi à l’encontre des neuropathies périphériques. Pour certains médicaments, un traitement préventif par la vitamine B6 (pour l’isoniazide et la phénelzine) ou par la vitamine B12 (pour la metformine) est parfois instauré pour limiter le risque de neuropathie périphérique.
  • Un grand nombre de médicaments pouvant être à l’origine d’une neuropathie périphérique, peuvent aussi provoquer une neuropathie optique, qui est une neuropathie centrale; cela entraîne généralement une atteinte bilatérale du nerf optique et une diminution de l’acuité visuelle.

1La Revue Prescrire 2013;33:269-75; Geneesmiddelenbulletin 2014;48:39-45; CA Cancer J Clin 2013; 63: 419-37 2013;63:419-37 (doi:10.1002/caac.21204)