Traitement de la diarrhée à Clostridium difficile

Abstract

Le traitement de la diarrhée à Clostridium difficile ne se justifie qu’en présence d’un diagnostic avéré reposant à la fois sur le tableau clinique et la détection de toxines dans les selles. Dans les formes légères à modérées, le métronidazole reste le traitement de premier choix. Dans les formes sévères ou en cas de récidives multiples, la vancomycine par voie orale est à préférer. En cas de risque élevé de récidives, la fidaxomycine peut être une alternative. En ce qui concerne la transplantation de microbiote fécal, les données sont encore très limitées et les effets indésirables à long terme ne sont pas connus.

La diarrhée à Clostridium difficile est une infection nosocomiale fréquente. Elle est due le plus souvent à la prise d'antibiotiques tels que la clindamycine, les céphalosporines, les pénicillines et les quinolones. D’autres facteurs de risque sont l’âge avancé, une hospitalisation prolongée, la prise d’IPP ou d’antitumoraux, la présence d’une comorbidité telle qu’une affection rénale chronique ou une maladie inflammatoire intestinale. La diarrhée est due à la production de toxines suite à la prolifération de souches toxinogènes.

L’infection se transmet par les spores qui persistent très longtemps, y compris dans l’environnement extérieur. Le Clostridium difficile n’est pas un germe invasif et une colonisation asymptomatique n’est pas associée à un risque accru de diarrhée à Clostridium difficile. Les récidives de diarrhée à Clostridium difficile sont fréquentes après l’arrêt du traitement, surtout chez les personnes âgées ou immunodéprimées, et s’il y a déjà eu auparavant plusieurs récidives. Le traitement de la diarrhée à Clostridium difficile a déjà été discuté dans les Folia de novembre 2006 ; depuis, de nouveaux traitements ont été proposés et cet article propose ici une mise à jour sur base de deux revues systématiques récentes, parues dans le JAMA1 et le New England Journal of Medicine2.

 

Diagnostic

Le diagnostic de diarrhée à Clostridium difficile repose sur la mise en évidence de toxines dans les selles chez un patient symptomatique, c.-à-d. en présence de diarrhée ou de signes radiologiques d’un iléus ou de mégacôlon toxique. La mise en évidence du Clostridium difficile à la coproculture ne permet pas de poser un diagnostic de diarrhée à Clostridium difficile. Il est également inutile d’effectuer une analyse de selles après le traitement dans le but d’évaluer l’éradication du Clostridium difficile.

 

Prévention

La prévention de la diarrhée à Clostridium difficile repose d’abord sur l’usage rationnel des antibiotiques et sur des mesures d’hygiène visant à lutter contre la propagation des spores. Les solutions alcooliques n’éliminent pas les spores et il est recommandé au personnel soignant de bien se laver les mains à l’eau et au savon [voir aussi Folia de septembre 2008 ]. Le rôle des probiotiques en prévention de la diarrhée à Clostridium difficile n’est pas clairement établi; certaines données suggèrent toutefois un effet préventif des probiotiques à l'encontre d'un premier épisode ou des récidives de diarrhée à Clostridium difficile.

Les probiotiques sont généralement bien supportés, mais la prudence s’impose chez les patients immunodéprimés ou présentant des comorbidités sévères, étant donné que des cas d’infections systémiques ont été rapportés avec les probiotiques chez ces patients à risque.

 

Traitement

Le traitement consiste d’abord à corriger les troubles hydro-électrolytiques et à arrêter si possible l’antibiotique à l'origine de la colonisation par le Clostridium difficile. Les freinateurs du transit intestinal tel le lopéramide sont à éviter. Une antibiothérapie doit être instaurée.

 

Premier épisode

Le traitement d’un premier épisode de diarrhée à Clostridium difficile consiste en une antibiothérapie par le métronidazole ou la vancomycine. Dans les formes légères à modérément sévères, ces deux antibiotiques ont une efficacité comparable en ce qui concerne le taux de guérison et le risque de récidive; le métronidazole par voie orale (500 mg 3x/jour pendant 10-14 jours) reste le traitement de premier choix. En cas de contre-indication, d’intolérance ou de réponse insuffisante au métronidazole, la vancomycine par voie orale3 (125 mg 4x/jour pendant 10-14 jours) est une alternative mais elle est plus onéreuse. Lorsque l’antibiotique en cause ne peut pas être arrêté en raison d’une infection grave, le traitement par le métronidazole ou la vancomycine sera poursuivi jusqu’à une semaine après l’arrêt de l’antibiotique responsable.

Dans les formes sévères de diarrhée à Clostridium difficile (c.-à-d. en présence de symptômes généraux, d'hyperleucocytose, de signes de colite au scanner ou à l’endoscopie), la vancomycine par voie orale3 (125 à 500 mg 4x/jour pendant 10-14 jours) est plus efficace que le métronidazole et est à préférer. Lorsque le traitement ne peut pas être administré par voie orale (p. ex. en cas d’iléus ou de mégacôlon toxique), la vancomycine est parfois utilisée par voie rectale en association au métronidazole par voie intraveineuse, mais les données sont limitées.

 

Récidives

Il est recommandé de traiter la première récidive de diarrhée à Clostridium difficile de la même manière que l’épisode initial. En cas de récidives ultérieures, un traitement par la vancomycine est à recommander. La fidaxomicine (200 mg par voie orale 2x/jour pendant 10 jours), un antibiotique apparenté aux macrolides, est une alternative. La fidaxomicine paraît aussi efficace que la vancomycine, mais elle est associée à un risque moindre de récidives. On ne dispose toutefois pas de données sur l’efficacité de la fidaxomicine dans les formes très sévères de colite pseudo-membraneuse par la souche hypervirulente (ribotype 027) de Clostridium difficile [voir Foliade septembre 2014 ]. Il convient par ailleurs de tenir compte de son coût très élevé. La transplantation de microbiote fécal, c.-à-d. l’inoculation de bactéries intestinales provenant de selles de donneurs sains, serait efficace dans les formes récidivantes de diarrhée à Clostridium difficile résistantes aux autres traitements. Les données à ce sujet sont toutefois encore très limitées, et on ne connaît pas les effets indésirables à long terme de cette approche. La prudence est donc de rigueur, certainement chez les patients immunodéprimés ou atteints d’une affection inflammatoire de l’intestin. 4