Traitement médicamenteux de l’insomnie


Introduction

L' insomnie se définit comme un sommeil de durée insuffisante ou de mauvaise qualité ayant sur les activités journalières des conséquences néfastes, en particulier fatigue, difficultés de concentration et de mémorisation, diminution des performances. Elle est également associée à un risque accru d' accidents de la route, de dépression, d' alcoolisme et de mortalité.


Classification

L' insomnie peut être consécutive à des facteurs extrinsèques (par exemple de mauvaises habitudes d' endormissement, une toxicomanie, l' alcoolisme, une situation de stress), à des facteurs intrinsèques tels des problèmes psychologiques, des apnées obstructives, un syndrome des jambes sans repos, ou encore à des troubles du rythme circadien notamment en cas de décalage horaire ou de travail à horaires décalés.

La classification de l' insomnie se fait généralement en fonction de la durée des symptômes. On distingue:

  • l' insomnie transitoire (de 2 à 3 jours),
  • l' insomnie de courte durée (< 3 semaines),
  • l' insomnie de longue durée ou chronique (> 3 semaines).

Recommandations

Pour traiter correctement l' insomnie, il convient d' abord d' effectuer une anamnèse psychiatrique et médicale, un examen clinique et éventuellement certaines analyses en vue de déceler une cause sous-jacente [n.d.l.r.: par exemple, la prise de médicaments tels certains β-bloquants, des sympathicomimétiques, certains antidépresseurs, la théophylline, des analgésiques contenant de la caféine, les corticostéroïdes].

La prise en charge de l' insomnie transitoire repose surtout sur des mesures non médicamenteuses. Un traitement médicamenteux n' est en principe pas recommandé sauf si l' insomnie survient de manière prévisible. Dans ce cas, un hypnotique peut être prescrit pour 2 ou 3 nuits seulement.

Dans l' insomnie de courte durée, outre les mesures non médicamenteuses, des hypnotiques peuvent être administrés de façon intermittente (par exemple une nuit sur trois) pendant 7 à 10 jours.

Dans l' insomnie de longue durée ou chronique, les recommandations thérapeutiques ne sont pas clairement définies. Une fois exclue une pathologie médicale ou psychiatrique, des mesures comportementales et cognitives peuvent être envisagées en première intention. Si nécessaire, un traitement médicamenteux peut y être associé. En tout cas, les hypnotiques ne doivent être utilisés que de façon intermittente et pour une courte durée < 3 semaines) afin d' éviter l' apparition d' une dépendance et d' une tolérance. La durée de traitement de l' insomnie chronique n' est pas clairement établie. Lorsque les symptômes s' améliorent, la posologie de l' hypnotique doit être réduite progressivement, par exemple de 25% de la posologie initiale tous les 5 jours [n.d.l.r.: une régression plus lente des doses est souvent recommandée]. En absence de réponse à un traitement adéquat, le cas doit être réévalué en vue de rechercher une éventuelle cause médicale ou psychiatrique de l' insomnie.


Traitement médicamenteux

Outre les benzodiazépines, d' autres médicaments sont proposés dans le traitement de l' insomnie. Cet article les reprend dans leur ensemble et situe leur place dans le traitement de l' insomnie.


Barbituriques

L' emploi des barbituriques doit être abandonné en raison du risque élevé d' effets indésirables, du développement rapide d' une tolérance et d' une dépendance lors d' un usage prolongé.


Antidépresseurs

Des antidépresseurs sédatifs tels la trazodone et l' amitriptyline sont efficaces dans le traitement de l' insomnie chez des patients dépressifs. On ne dispose pas de données suffisantes quant à l' utilisation des antidépresseurs dans le traitement de l' insomnie chez des patients non dépressifs.


Benzodiazépines

Les benzodiazépines représentent la base du traitement médicamenteux de l' insomnie. Bien que les benzodiazépines soient relativement sûres, leur emploi est associé à des effets indésirables tels somnolence résiduelle, troubles de la mémoire, chutes surtout avec les benzodiazépines à plus longue durée d' action, à des doses élevées et lors d' un usage prolongé. Les benzodiazépines à plus courte durée d' action offrent un risque moindre de sédation résiduelle. Les benzodiazépines à plus longue durée d' action peuvent toutefois être utiles en cas d' anxiété diurne. Il est en tout cas recommandé d' utiliser la plus faible dose qui soit efficace. Lorsque les benzodiazépines sont prises régulièrement pendant une période prolongée, une tolérance aux effets hypnotiques peut apparaître ainsi que des symptômes de sevrage en cas d' interruption brutale du traitement. Avec les benzodiazépines à courte durée d' action, une tolérance peut déjà apparaître après 1 à 2 semaines. Les benzodiazépines peuvent en outre provoquer une dépression respiratoire et elles ne doivent pas être utilisées chez les patients présentant des apnées du sommeil ou une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO).


Zolpidem

Par rapport aux benzodiazépines, le zolpidem se caractérise par un effet hypnosédatif plus spécifique et des propriétés anticonvulsivantes, myorelaxantes et anxiolytiques moins prononcées. Le début de son action est rapide et sa demi-vie est courte (de 1,5 à 2,4 heures). Le zolpidem paraît aussi efficace que les benzodiazépines sur l' induction et le maintien du sommeil mais contrairement aux benzodiazépines, il ne semble pas perturber la physiologie du sommeil. Les effets indésirables sont fonction de la dose et apparaissent surtout avec des doses de 20 mg ou plus. Les effets indésirables les plus fréquents sont somnolence, vertiges, céphalées, et troubles gastro-intestinaux. Des troubles de la mémorisation, des cauchemars, de la confusion, de la dépression, des chutes et de l' asthénie sont également rapportés. Bien que le zolpidem à raison de 10 mg ne semble pas perturber la fonction respiratoire chez les patients atteints de BPCO, la prudence s' impose en cas d' atteinte respiratoire. La posologie recommandée pour le traitement de l' insomnie à court terme est de 10 mg immédiatement avant le coucher. Une posologie initiale de 5 mg est recommandée pour les patients de plus de 65 ans et en cas d' insuffisance hépatique. Bien que le traitement par zolpidem ne doive en principe pas dépasser 7 à 10 jours, certaines études ont montré que le zolpidem est également efficace dans le traitement de l' insomnie de longue durée et qu' il serait associé à un risque moindre de tolérance, de dépendance et de phénomène de rebond par rapport aux benzodiazépines. Comme on ne dispose que d' une seule étude contrôlée en double aveugle, ces résultats doivent être interprétés avec prudence et nécessitent confirmation.

En attendant et compte tenu de son coût élevé, le zolpidem n' est pas un médicament de premier choix dans le traitement de l' insomnie.


Zopiclone

La zopiclone exerce les mêmes effets sur le sommeil que les benzodiazépines. Sa demi-vie est de 3,5 à 6,5 heures. Les effets indésirables les plus fréquents de la zopiclone sont un goût amer, une sécheresse de la bouche, des difficultés à se lever le matin, de la somnolence, des nausées et des cauchemars. La posologie recommandée pour le traitement de l' insomnie à court terme est de 7,5 mg p.j. 30 à 60 minutes avant le coucher. Une dose initiale de 3,75 mg est recommandée chez les personnes âgées et en cas d' insuffisance hépatique. La zopiclone ne semble pas entraîner de dépression respiratoire chez les patients atteints de BPCO. Comme les benzodiazépines, elle est associée à un phénomène de rebond lors de l' interruption du traitement. De la dépendance et des réactions de sevrage ont été rapportées chez des patients avec des antécédents de toxicomanie.

La zopiclone ne semble donc pas présenter un avantage significatif par rapport aux benzodiazépines en ce qui concerne l' efficacité et les effets indésirables.


Préparations diverses

Certains antihistaminiques Hl tels la diphenhydramine et la doxylamine sont utilisés comme sédatifs. Ces médicaments peuvent provoquer de la somnolence diurne, des troubles psychomoteurs et des effets anticholinergiques.

La consommation d' alcool à des fins sédatives est à proscrire en raison du risque de dépendance et des réveils nocturnes fréquents.

Le L - tryptophane, proposé comme hypnotique naturel, a été retiré du marché en raison du risque de syndrome de myalgies avec éosinophilie.

La valériane est un produit végétal dont le mécanisme d' action n' est pas connu. Sa place dans le traitement de l' insomnie n' est pas clairement définie. Bien que peu d' effets indésirables aient été rapportés, son utilisation à long terme n' est pas recommandée en l' absence de données suffisantes.

La mélatonine est une neurohormone dont l' efficacité dans la coordination du rythme circadien et le traitement des troubles du sommeil liés au décalage horaire et au travail à horaires décalés est bien documentée. Son efficacité comme hypnotique n' est par contre pas clairement démontrée et on ne dispose pas de données suffisantes quant à son innocuité à long terme. [N.d.l.r.: en Belgique, la délivrance de toute préparation contenant de la mélatonine est interdite sauf dans le cadre d' études cliniques (voir aussi Folia de septembre 1997)].


Conclusion

Les benzodiazépines, le zolpidem et la zopiclone exercent un effet hypnotique comparable et on ne dispose pas de données suffisantes quant à un avantage significatif du zolpidem ou de la zopiclone par rapport aux benzodiazépines.

Diverses autres préparations sont également proposées pour le traitement de l' insomnie légère mais, en l' absence de données suffisantes, elles doivent être utilisées avec prudence.

D' après

  • J. Wagner et al.: Beyond benzodiazepines Alternative pharmacologie agents for the treatment of insomnia. Ann Pharmacother 32 : 680-691(1998)
  • D. Kupfer et al.: Management of insomnia. N Engl J Med 336 : 341-346(1998)

Noms de spécialités


Amitriptyline: Redomex Tryptizol

Diphenhydramine: Nuicalm

Trazodone: Trazolan

Valériane: Relaxine Valdispert Valerial

Zolpidem: Stilnoct

Zopiclone: Imovane

  • Dans le Répertoire Commenté des Médicaments, on distingue, en fonction de leur pharmacocinétique, les benzodiazépines à courte durée d' action, à durée d' action intermédiaire et à longue durée d' action. Les benzodiazépines à courte durée d' action peuvent être responsables de symptômes de sevrage plus marqués à l' arrêt du traitement et de réactions paradoxales plus fréquentes. Il est dès lors recommandé d' utiliser comme hypnotique des benzodiazépines à durée d' action intermédiaire.
  • La prescription d' hypnotiques chez les personnes âgées mérite une attention particulière en raison du risque accru de sédation exagérée et de chutes. Des interactions en particulier avec d' autres médicaments déprimant le système nerveux central sont également fréquentes. Aussi est-il recommandé de prescrire la plus faible dose possible.
  • La plus grande prudence s' impose aussi dans la prescription d' hypnotiques chez des malades ayant des antécédents d' éthylisme ou de toxicomanie, ainsi que chez les conducteurs de véhicule ou les utilisateurs de machines qui doivent être prévenus du risque de rémanence.