La spironolactone dans l’insuffisance cardiaque grave: l’étude RALES

Le New England Journal of Medicine a publié récemment les résultats d' une étude randomisée en double insu relative à l' effet de la spironolactone, un antagoniste des récepteurs de l' aldostérone, sur la morbidité et la mortalité dans l' insuffisance cardiaque systolique grave. Cette étude (Randomized Aldactone Evaluation Study ou RALES) a été interrompue prématurément en raison de l' effet favorable de la spironolactone.

L' étude RALES a inclus 1.663 patients atteints d' une insuffisance cardiaque grave (classes NYHA III et IV) et d' une dysfonction ventriculaire gauche (fraction d' éjection < 35%). Tous étaient traités par un inhibiteur de l' enzyme de conversion de l' angiotensine (IECA) et un diurétique de l' anse, et la plupart des patients prenaient également de la digoxine. L' association à ce traitement standard de spironolactone à raison de 25 mg p.j. (jusqu' à éventuellement 50 mg p.j.) diminuait de manière significative la morbidité et la mortalité chez les patients atteints d' insuffisance cardiaque grave. Après deux ans environ, le taux de mortalité totale dans le groupe traité par la spironolactone était de 35%, versus 46% dans le groupe placebo. Il est vraisemblable que l' effet natriurétique de la spironolactone n' est pas seul responsable de cet effet bénéfique et que la spironolactone exerce en outre un effet cardioprotecteur, notamment en diminuant la fibrose myocardique et vasculaire.

Chez 10% des hommes traités par la spironolactone, une gynécomastie et une tension mammaire ont été rapportées; une hyperkaliémie cliniquement significative ne fut que rarement observée.

A l’occasion de cette étude, l' auteur d' un éditorial publié dans le Lancet émet les recommandations suivantes. Dans l' insuffisance cardiaque avec dysfonction ventriculaire gauche (symptomatique ou non), les inhibiteurs de l' enzyme de conversion de l' angiotensine (IECA) sont un premier choix. On peut y ajouter un diurétique de l' anse en présence de symptômes, ou un β-bloquant dans les formes légères à modérées d' insuffisance cardiaque (classes NYHA II et III), ou encore la spironolactone dans les formes graves d' insuffisance cardiaque (classes NYHA III et IV). L' auteur de cet éditorial attire aussi l' attention sur les répercussions cliniques de l' étude RALES dans la pratique, notamment en ce qui concerne le risque d' hyperkaliémie et d' insuffisance rénale. Les résultats de l' étude RALES montrent que l' incidence d' hyperkaliémie et d' insuffisance rénale augmente avec des doses de spironolactone supérieures à 50 mg p.j. Un contrôle rigoureux de l' ionogramme et de la fonction rénale (à raison d' une fois par mois pendant 3 mois, puis tous les 3 à 6 mois) s' avère dès lors indispensable, surtout avec des doses de spironolactone supérieures à 50 mg p.j.

On ne dispose pas d' études sur l' utilisation de la spironolactone dans l' insuffisance cardiaque modérée ou l' insuffisance cardiaque diastolique.

D' après

  • N Engl J Med 341 : 709-717(1999)
  • N Engl J Med 341 : 753-754(1999)
  • Lancet 354 : 789-790(1999)

Glossaire

Degrés de gravité de l' insuffisance cardiaque selon la classification NYHA (New York Heart Association)

  • Classe I: absence ou quasi-absence de plaintes; pas de limitation des activités
  • Classe II: plaintes n' apparaissant que lors d' efforts physiques marqués
  • Classe III: plaintes déjà présentes lors d' efforts modérés
  • Classe IV: plaintes au repos

Note de la rédaction

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