Troubles de la coagulation dus aux anticoagulants oraux: faut-il prescrire de la vitamine K?


Abstract

Chez des patients traités par un anticoagulant oral, une élévation exagérée de l’INR augmente le risque d’hémorragie. Chez les patients présentant un INR entre 4,5 et 10, en l’absence d’hémorragie, l’interruption du traitement anticoagulant est le plus souvent suffisante. Dans une étude récente, l’administration de vitamine K à des patients ne présentant pas de facteurs de risque thrombo-emboliques a entraîné une correction plus rapide de l’INR, et un risque moindre d’hémorragie. En tout cas, il convient de tenir compte pour chaque patient de la valeur de l’INR ainsi que des facteurs de risque de thrombo-embolie et/ou d’hémorragie. Si la vitamine K est administrée, il est en tout cas impératif de vérifier la valeur de l’INR les jours suivants.

Il est fréquent d’observer une élévation de l’INR ("International Normalized Ratio&quot) au-delà des valeurs thérapeutiques [n.d.l.r.: celles-ci varient de 2 à 3 ou 4 selon l’indication] chez des patients traités par un anticoagulant oral. Une telle élévation augmente le risque d’hémorragie, et une interruption temporaire du traitement anticoagulant ainsi qu’un suivi rapproché de l’INR sont le plus souvent décidés, même en l’absence de symptômes.

Plusieurs études ont déjà montré que de faibles doses de vitamine K ramènent plus rapidement l’INR à des valeurs thérapeutiques. La plupart de ces études n’étaient cependant pas randomisées, à l’exception d’une seule de petite taille. Le Lancet a publié récemment les résultats d’une étude multicentrique randomisée contrôlée en double aveugle versus placebo, dans laquelle l’efficacité et l’innocuité d’une faible dose de vitamine K (1 mg per os) ont été évaluées chez 92 patients traités par la warfarine, avec un INR compris entre 4,5 et 10 (au lieu de 2 à 3), et ce, en l’absence d’hémorragie. Le traitement anticoagulant fut interrompu chez tous, et les patients ont reçu per os une dose unique de 1 mg de vitamine K, ou un placebo. Les résultats montrent que, le lendemain du traitement, la valeur de l’INR se trouvait dans les limites thérapeutiques chez 56% des patients traités par la vitamine K versus 20% dans le groupe placebo; durant les 3 mois de suivi, le risque d’hémorragie fut moindre chez les patients traités par la vitamine K: 4% versus 17% dans le groupe placebo.

Les auteurs concluent que l’administration de faibles doses de vitamine K par voie orale ramène plus rapidement l’INR à des valeurs thérapeutiques; le risque d’hémorragie était également plus faible après administration de vitamine K, et ce, sans risque accru de complication thrombotique.

Les résultats de cette étude doivent toutefois être interprétés avec prudence. Chez les patients inclus dans cette étude, l’INR à atteindre était de 2 à 3. Ceci signifie que les patients avec un risque thrombo-embolique élevé (par ex. ceux porteurs d’une valve cardiaque, atteints de thrombophilie ou avec des antécédents de thrombo-embolies récurrentes), chez qui des valeurs plus élevées d’INR (entre 3 et 4) sont indiquées, n’ont pas été pris en considération. Dans un commentaire à propos de cette étude, un lecteur attire également l’attention sur le fait qu’en l’absence de facteurs de risque d’hémorragie (tels antécédents d’ulcère peptique, thrombopénie, chirurgie récente), une élévation de l’INR entre 4,5 et 10 n’entraîne qu’une faible augmentation du risque d’hémorragie grave; il ajoute qu’une correction exagérée de l’INR par administration de vitamine K augmente inutilement le risque thrombo-embolique, notamment chez les patients avec un risque élevé de thrombo-embolie. Il conclut que l’interruption du traitement anticoagulant est la seule mesure appropriée en l’absence d’hémorragie chez la plupart des patients avec un INR entre 4,5 et 10, et que la vitamine K devrait être réservée aux patients avec un risque élevé d’hémorragie chez qui le bénéfice d’une réduction brutale de l’INR contrebalance le risque de thrombo-embolie. En cas d’administration de vitamine K, il est en tout cas impératif de vérifier la valeur de l’INR dans les 24 heures.

D’après

  • M. Crowther et al: Treatment of warfarin-associated coagulopathy with oral vitamin K : a randomised controlled trial. Lancet 356 : 1551-1553(2000)
  • M. Witt et al: Vitamin K for warfarin-associated coagulopathy Lancet 357 : 718(2001)

Noms de spécialités


Phytoménadione (Vitamine K 1): Konakion (1 mg/goutte)

Dans cette étude, une dose très faible de vitamine K a été utilisée (1 mg per os). Des doses de 5 à 10 mg per os sont souvent recommandées; des doses moindres peuvent être indiquées si l’on souhaite maintenir un certain degré d’anticoagulation. En effet, la dose de vitamine K dépendra de la valeur de l’INR constatée, de l’existence d’hémorragies, ainsi que de la nécessité de poursuivre ou non un traitement anticoagulant.