Usage de médicaments pendant la grossesse

Le Lancet [356 : 1735-1736(2000)] a publié les résultats d’une étude rétrospective réalisée en France dans laquelle la prescription de médicaments pendant toute la durée de la grossesse a été analysée chez 1.000 femmes enceintes. En moyenne, 13,6 spécialités différentes ont été prescrites par femme pendant la grossesse (surtout des préparations à base de fer, des médicaments agissant sur le système gastro-intestinal, des médicaments à usage dermatologique et des analgésiques). Chez seulement 1% des femmes, aucun médicament n’a été prescrit.

  • Des médicaments appartenant à la catégorie X de la Food and Drug Administration (FDA) aux Etats-Unis, par ex. le misoprostol, le clomifène, les estrogènes, ont été prescrits à 1,6% des femmes. Dans cette catégorie sont classés des médicaments pour lesquels des études réalisées chez l’animal ou chez l’homme ont montré des anomalies foetales, et pour lesquels les avantages d’un traitement pendant la grossesse ne contrebalancent pas les risques.
  • Des médicaments appartenant à la catégorie D de la FDA, par ex. les tétracyclines, l’acide acétylsalicylique à doses élevées ou des antiinflammatoires non stéroïdiens pendant le 3ème trimestre de la grossesse, des benzodiazépines, ont été prescrits à 59,3% des femmes. Dans cette catégorie sont classés des médicaments pour lesquels il existe des indices quant à un risque pour le nouveau-né, mais pour lesquels les avantages d’un traitement pendant la grossesse contrebalancent dans certains cas ces risques.
  • Des médicaments pour lesquels on ne dispose pas de données quant à leur utilisation pendant la grossesse chez l’homme ou l’animal, par ex. des préparations à base de valériane, ont été prescrits à 77,5% des femmes.

Les auteurs d’un éditorial se rapportant à cette étude [ Lancet 356 : 1704(2000) ] font remarquer que les médecins prescrivent souvent aux femmes enceintes des médicaments anciens, des plantes ou des médicaments dits "naturels&quot, dont on ne sait rien au sujet de leur innocuité pendant la grossesse. Les auteurs estiment aussi qu’à l’exception des suppléments en acide folique pendant la période périconceptionnelle [n.d.l.r.: en prévention des malformations de la crête neurale; voir Folia juillet 1999 novembre 1998 et de février 1998], l’administration de vitamines n’est pas nécessaire chez la plupart des femmes enceintes. D’après les auteurs, les résultats de cette étude montrent en tout cas qu’une meilleure information sur l’usage rationnel de médicaments pendant la grossesse s’avère nécessaire.

La rédaction des Folia partage l’avis des auteurs de cet éditorial. Il n’est cependant pas toujours facile de donner des recommandations claires sur l’usage d’un médicament pendant la grossesse. Dans le Répertoire Commenté des Médicaments [par ex. édition 2001, p XXII], on a toutefois essayé de donner une information utile sur l’usage de médicaments pendant la grossesse sur base des principes mentionnés ci-dessous.

  • Pour les médicaments pour lesquels il existe des preuves ou de fortes suspicions d’un effet néfaste chez le nouveau-né, soit leur utilisation pendant la grossesse est contre-indiquée, soit les risques liés à la prise de ces médicaments sont mentionnés (par ex. le misoprostol, les IECA, les sartans, les estrogènes, les rétinoïdes, certains vaccins).
  • En l’absence de données quant à l’utilisation pendant la grossesse, d’indices quant à un effet néfaste, ou lorsque les preuves d’un tel effet néfaste sont faibles, aucune information n’est donnée au sujet de l’utilisation pendant la grossesse. A ce propos, il faut remarquer qu’il n’est pas toujours facile de décider à partir de quel moment il convient de faire figurer un avertissement.

L’absence d’information dans le répertoire sur l’utilisation d’un médicament pendant la grossesse ne signifie donc pas que l’innocuité de celui-ci est démontrée. Il est donc impératif, lorsque l’on estime devoir administrer un médicament à une femme enceinte, de mettre en balance les avantages et les risques pour la mère et pour l’enfant. Les plaintes mineures ne nécessitent souvent pas de traitement médicamenteux; lorsque l’on décide quand même d’administrer un médicament à une femme enceinte, il convient de l’informer des données disponibles sur l’utilisation de celui-ci pendant la grossesse.

Il est aussi toujours utile de consulter la notice, et éventuellement un ouvrage plus spécialisé (plusieurs références sont mentionnées dans le répertoire, édition 2001, p XXVIII).