Incontinence urinaire liée à une hyperactivité du muscle détrusor


Abstract

L’hyperactivité du muscle détrusor est une cause importante d’incontinence urinaire. Dans de nombreux cas, une prise en charge efficace est possible en première ligne. Des mesures générales (par ex. limiter l’apport hydrique à 1,5 litre par jour), un entraînement vésical et des exercices musculaires périnéaux améliorent déjà souvent les symptômes. Un traitement par un spasmolytique anticholinergique tel l’oxybutynine ou la toltérodine, est souvent utile, mais leur efficacité à long terme n’est pas bien connue. Les effets indésirables anticholinergiques semblent plus fréquents avec l’oxybutynine qu’avec la toltérodine; un traitement par la toltérodine est en Belgique néanmoins beaucoup plus coûteux qu’un traitement par l’oxybutynine. On ne dispose pas d’études rigoureuses comparant l’entraînement vésical, le traitement médicamenteux et l’association de ces deux traitements.

L’incontinence urinaire est responsable chez de nombreux patients d’une limitation de leurs activités journalières, d’une diminution de la qualité de vie et de la confiance en soi. Chez environ un tiers des femmes et la moitié des hommes présentant une incontinence urinaire, l’hyperactivité du muscle détrusor (qui se traduit au niveau urodynamique par une instabilité du détrusor) est en cause [n.d.l.r.: les autres étiologies urologiques importantes d’incontinence urinaire, en particulier l’incontinence de stress, l’insuffisance du détrusor et l’obstruction uréthrale, ont été brièvement discutées dans les Folia de juin 1996].

L’hyperactivité du muscle détrusor est le diagnostic le plus probable chez les patients présentant les caractéristiques suivantes: (1) symptômes typiques d’urgence mictionnelle, incontinence d’urgence, miction fréquente et nycturie, (2) absence de symptômes d’incontinence de stress et de difficultés à la miction, (3) absence d’indices d’infection. En règle générale, le traitement peut être instauré en première ligne. En présence de signes cliniques d’une affection urologique (par ex. tout de même des difficultés mictionnelles ou intervention antérieure au niveau du petit bassin), d’un problème neurologique sous-jacent, ou lorsque le traitement de première ligne est inefficace [n.d.l.r.: ou en cas de diabète ou de suspicion d’une affection néoplasique], le patient doit être adressé à un spécialiste.

Le traitement de l’hyperactivité du muscle détrusor consiste en une série de mesures générales, un entraînement vésical et de la physiothérapie, un traitement médicamenteux, et seulement en cas d’échec de toutes ces mesures, en un traitement chirurgical. Cet article discute de la prise en charge en première ligne de l’incontinence liée à une hyperactivité du muscle détrusor.


Mesures générales

Limiter l’apport hydrique à 1,5 litre par jour permet de diminuer les symptômes; la caféine peut les aggraver. Il est également important d’informer le patient sur la meilleure manière de se protéger le jour et la nuit des conséquences de l’incontinence.


Entraînement vésical et physiothérapie

Des études cliniques ont montré des pourcentages de guérison de 44 à 90% avec un entraînement vésical seul (versus 8 à 23% dans les groupes contrôles). On ne dispose toutefois pas de données suffisantes quant à la durée de l’effet favorable de cet entraînement, ni quant à son effet par rapport à un traitement médicamenteux ou à une association de ces deux traitements. L’entraînement vésical est souvent associé à des exercices musculaires périnéaux, mais leur utilité chez les patients présentant uniquement une hyperactivité du muscle détrusor ou une incontinence d’urgence n’est pas établie.


Traitement médicamenteux


Spasmolytiques anticholinergiques

  • Plusieurs études en double aveugle ayant duré jusqu’à 12 semaines ont montré pour l’ oxybutynine (habituellement 5 mg 3 fois p.j.) les résultats suivants:
    • Une diminution de 20% de la fréquence mictionnelle journalière moyenne (versus 10% avec placebo).
    • Une diminution de maximum 71% du nombre moyen d’épisodes d’incontinence (versus maximum 19% avec placebo).
    • Une plus grande amélioration des symptômes et des marqueurs urodynamiques d’hyperactivité du muscle détrusor par rapport au placebo.

    Dans deux autres études, le pourcentage de guérison de l’incontinence avec l’oxybutynine était respectivement de 25% et de 55%. Les données contrôlées quant à son efficacité à long terme sont faibles. Les résultats d’une étude rétrospective suggèrent toutefois que les symptômes réapparaissent souvent à l’arrêt du traitement. L’oxybutynine provoque souvent des effets indésirables dépendants de la dose: sécheresse de la bouche, sécheresse oculaire, troubles visuels, nausées, constipation, diarrhée, gêne abdominale, céphalées, vertiges, somnolence, sécheresse cutanée et difficultés mictionnelles. [N.d.l.r.: dans le Brit Med J [315 : 1363-1364(1997)] ], quelques cas de confusion aiguë ont été décrits chez des patients âgés Parkinsoniens avec une fonction cognitive amoindrie qui étaient traités par l’oxybutynine en raison d’une incontinence urinaire]. Il est donc préférable, certainement chez les personnes âgées amoindries, de débuter par une faible dose (2,5 à 3 mg deux fois par jour) d’oxybutynine, et d’augmenter celle-ci progressivement en fonction de la tolérance (par ex. de 2,5 à 5 mg tous les 4 à 7 jours, jusqu’à un maximum de 5 mg 4 fois par jour).

  • Quatre études réalisées avec la toltérodine chez un total de 1.120 patients pendant 12 semaines ont rapporté les résultats suivants.
    • Deux mg 2 fois p.j. est la dose optimale.
    • Une amélioration des symptômes apparaît chez 52% des patients (versus 39% avec placebo).
    • La fréquence mictionnelle journalière diminue de 20% et le nombre d’épisodes d’incontinence de 40 à 60% (par rapport à ce qui était observé avant le traitement).

    Dans une autre étude de 12 semaines chez 177 patients, le pourcentage de guérison ne fut cependant pas statistiquement différent par rapport au placebo (19% versus 12%).

  • Dans des études comparatives de 10 à 12 semaines, la toltérodine (2 mg deux fois p.j.) a été aussi efficace que l’ oxybutynine (à raison soit de 5 mg 3 fois par jour, soit d’abord 2,5 mg deux fois par jour puis jusqu’à 5 mg deux fois p.j.), et a été mieux supportée. Comparé à l’oxybutynine, moins de patients traités par la toltérodine présentaient une sécheresse de la bouche (40 % versus 78 %), une sécheresse de la bouche modérée à sévère (17 % versus 60 %), des effets indésirables gastro-intestinaux (26 % versus 40 %), et chez moins de patients la dose devait être diminuée (9 % versus 32 %) ou le traitement interrompu (8 % versus 20 %) en raison des effets indésirables. Pour les deux remèdes, 5 à 10 semaines peuvent être nécessaires avant d’obtenir l’effet maximal. [N.d.l.r.: un traitement par la toltérodine est en Belgique néanmoins beaucoup plus coûteux qu’un traitement par l’oxybutynine.]
  • L’utilisation de la propanthéline est largement dépassée.

Autres médicaments

  • Des études ouvertes ou non contôlées ont suggéré que le flavoxate améliore les symptômes d’hyperactivité du muscle détrusor. Les auteurs de l’article discuté ici n’ont cependant trouvé aucune étude rigoureuse, randomisée, en double aveugle montrant un avantage clair par rapport au placebo. Les résultats de quelques études en double aveugle, de courte durée, à petite échelle ne permettent pas de tirer de conclusions. Les effets indésirables du flavoxate sont des douleurs abdominales et des vertiges.
  • Il n’existe aucune preuve permettant d’encourager l’utilisation de l’imipramine : le nombre d’études randomisées, contrôlées est faible, les résultats ne permettent pas de tirer de conclusions, et les effets indésirables sont fréquents.
  • La desmopressine est utilisée dans l’énurésie nocturne chez l’enfant. Les résultats d’une étude croisée en double aveugle chez 25 femmes présentant de la nycturie et de l’énurésie, attribuées en grande partie à une hyperactivité du muscle détrusor, et ne répondant pas aux autres médicaments, sont encourageants. Des études ultérieures sur l’utilisation de la desmopressine chez l’adulte présentant une hyperactivité du muscle détrusor s’avèrent nécessaires.
  • Les études cliniques dans lesquelles l’efficacité des estrogènes , administrés par voie générale ou vaginale, sur l’urgence mictionnelle et l’incontinence d’urgence a été étudiée, n’apportent aucune amélioration subjective ou objective.

D’après:

  • Managing incontinence due to detrusor instability. Drug Ther Bull 39 : 59-64(2001)

Noms de spécialités

* Spécialités pour lesquelles l’instabilité du détrusor est une indication qui figure dans la notice.


Desmopressine: Minirin

Flavoxaathydrochloride: Urispas*

Imipramine: Tofranil

Oxybutynine: Ditropan* Driptane* Merck-Oxybutynine HCl* Oxybutynin-Ratiopharm* Oxybutynine EG*

Propantheline: (non commercialisée en Belgique)

Tolterodine: Detrusitol*