Les antiagrégants dans la prévention de la pré-éclampsie et de ses complications


Abstract

Une revue systématique d’études portant sur l’efficacité et l’innocuité des antiagrégants dans la prévention de la pré-éclampsie et de ses complications a été publiée récemment. Les résultats montrent une diminution légère à modérée du risque de pré-éclampsie, d’accouchement prématuré ainsi que de la mortalité foetale et néonatale avec l’acide acétylsalicylique à faibles doses (jusqu’à 75 mg par jour). L’acide acétylsalicylique ne diminuait par contre pas le risque d’autres complications telles l’éclampsie et la mortalité chez la mère. Le risque d’hémorragie néonatale n’était pas augmenté. Un traitement par l’acide acétylsalicylique (jusqu’à 75 mg par jour) à partir de 12 semaines de grossesse, offre probablement le plus grand bénéfice chez les femmes à risque élevé, telles les femmes présentant une hypertension chronique ou des antécédents de pré-éclampsie.

Les formes graves de pré-éclampsie (augmentation de la tension artérielle avec protéinurie) et l’éclampsie (pré-éclampsie associée à des convulsions) sont une cause importante de mortalité chez la mère; la mortalité périnatale est également accrue. Bien que des informations rigoureuses fassent défaut, la morbidité chez la mère et l’enfant semble également élevée. L’hypothèse a été émise que les antiagrégants pouvaient prévenir ou retarder l’apparition de pré-éclampsie. Avec de faibles doses d’acide acétylsalicylique (60 à 150 mg/jour), les premières études étaient encourageantes, mais des études ultérieures, parfois à grande échelle, n’ont montré aucun effet sur les principaux paramètres tels la mortalité néonatale [voir Folia de octobre 1999 ].

Le British Medical Journal a publié récemment une revue systématique d’études portant sur l’efficacité et l’innocuité des antiagrégants dans la prévention de la pré-éclampsie et de ses complications; cette revue a été effectuée dans le cadre du travail de la Cochrane Collaboration . Dans cette revue, 39 études comportant au total 30.563 femmes avec un risque modéré à élevé de pré-éclampsie ont été incluses. La plupart des femmes prenaient de l’acide acétylsalicylique à faible dose (jusqu’à 75 mg par jour). Dans la plupart des études, l’acide acétylsalicylique fut comparé à un placebo. Les résultats montrent ce qui suit.

  • Le risque de pré-éclampsie diminuait de 15% (975 cas de pré-éclampsie sur 14.743 femmes traitées par rapport à 1.142 cas sur 14.588 femmes dans le groupe contrôle), ce qui correspond à un risque relatif de 0,85 [intervalle de confiance à 95%: 0,78 à 0,92] et à un Number Needed to Treat (NNT) de 100 [intervalle de confiance à 95%: 59 à 167]. Cela signifie que 100 femmes doivent être traitées pour prévenir un cas de pré-éclampsie.
  • Le risque d’accouchement prématuré diminuait de 8% (2.447 naissances prématurées pour 14.169 femmes traitées par rapport à 2.624 cas pour 14.099 femmes dans le groupe contrôle), ce qui correspond à un risque relatif de 0,92 [intervalle de confiance à 95%: 0,88 à 0,97] et à un NNT de 72 [intervalle de confiance à 95%: 44 à 200].
  • Le risque de mortalité foetale et néonatale diminuait de 14% (383 décès sur 15.091 femmes traitées par rapport à 439 cas sur 15.002 femmes dans le groupe contrôle), ce qui correspond à un risque relatif de 0,86 [intervalle de confiance à 95%: 0,75 –0,98] et à un NNT de 250 [intervalle de confiance à 95%: 125 à 10.000].
  • Il n’y avait pas de différence statistique entre le groupe traité et le groupe contrôle en ce qui concerne les autres paramètres: apparition d’une hypertension pendant la grossesse, éclampsie, mortalité maternelle, césarienne, induction du travail, hospitalisation prématurée, décollement du placenta, petits bébés (par rapport à la durée de la grossesse), poids de naissance inférieur à 2,5 kg, hémorragies intraventriculaires ou autres hémorragies néonatales. Dans une étude, les enfants ont été suivis jusqu’à l’âge de 12 à 18 mois: aucune différence ne fut observée entre les enfants dont la mère avait été traitée par l’acide acétylsalicylique et les enfants dont la mère avait reçu un placebo.

Les investigateurs concluent que les antiagrégants, surtout l’acide acétylsalicylique à faible dose, assurent un bénéfice léger à modéré dans la prévention de la pré-éclampsie. Ceci sous-entend néanmoins qu’un nombre élevé de femmes doivent être traitées pour prévenir un événement indésirable (par ex. une mort néonatale). Sur le plan de la santé publique, ce bénéfice même modéré peut toutefois valoir la peine. Dans l’attente de données supplémentaires quant à l’innocuité, il est recommandé de ne pas débuter le traitement avant 12 semaines de grossesse, et de ne pas utiliser des doses d’acide acétylsalicylique supérieures à 75 mg par jour. Les investigateurs insistent sur le fait qu’un certain nombre de questions ne sont pas résolues. Certaines femmes à risque tirent-elles un bénéfice plus grand ? Existe-t-il un plus grand bénéfice à débuter un traitement avant 12 semaines de grossesse, ou à utiliser des doses plus élevées d’acide acétylsalicylique, sans augmenter pour autant le risque d’effets indésirables ?

D’après l’auteur d’un commentaire dans Evidence-Based Medicine , les femmes qui obtiendront probablement le plus grand bénéfice d’un traitement sont celles avec des antécédents de pré-éclampsie et celles présentant une hypertension chronique ou une affection telle un diabète ou des problèmes rénaux. Les femmes avec des facteurs de risque moins graves (par ex. grossesse multiple, antécédents familiaux de pré-éclampsie, mères âgées de moins de 20 ans, élévation peu marquée de la tension artérielle sans protéinurie) obtiendraient aussi un bénéfice de ce traitement.

D’après

  • L. Duley et al.: Antiplatelet drugs for prevention of pre-eclampsia and its consequences: systematic review. Brit Med J 322 : 329-333
  • Oxford: Update SoftwareCochrane Library. 2000
  • M.E. Hannah: Review: antiplatelet drugs reduce pre-eclampsia, preterm birth, and stillbirth or neonatal death (commentary). Evidence-Based Medicine 6 : 107(2001)