Losartan versus aténolol chez des patients présentant une hypertension et une hypertrophie ventriculaire gauche: l’étude LIFE

Le Lancet a publié récemment les résultats de l’étude LIFE (Losartan Intervention For Endpoint reduction in hypertension). Cette étude randomisée et en double aveugle a comparé un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II, le losartan, et un β-bloquant, l’aténolol, chez 9.193 patients (55-80 ans, âge moyen de 66,9 ans) présentant une hypertension (tension artérielle en position assise de 160-200/95-115 mmHg) et une hypertrophie ventriculaire gauche à l’ECG. Le traitement par le losartan ou l’aténolol a été instauré à la dose de 50 mg par jour en une prise. En vue de ramener la tension artérielle en dessous de la valeur de référence (140/90 mmHg), la dose pouvait ensuite être augmentée jusqu’à 100 mg par jour en une prise, ou de l’hydrochlorothiazide (12,5 mg à max. 25 mg p.j.) ou un autre antihypertenseur pouvait être ajouté. La période de suivi a été d’au moins 4 ans (moyenne 4,8 ans). Les résultats sont les suivants:

  • La diminution de la tension artérielle systolique, diastolique et moyenne était comparable dans les deux groupes: la tension artérielle moyenne mesurée lors du dernier contrôle était de 144/81mmHg dans le groupe traité par le losartan, et de 145/81 mmHg dans le groupe traité par l’aténolol. Une tension artérielle égale ou inférieure à 140/90 mmHg a été obtenue chez 49% des patients dans le groupe sous losartan et chez 46% des patients dans le groupe sous aténolol. Le nombre de patients chez qui la dose de losartan ou d’aténolol a dû être augmentée ou chez qui un autre antihypertenseur a dû être ajouté était comparable dans les deux groupes: plus de 60% des patients.
  • Le critère d’évaluation primaire (morbidité cardio-vasculaire et mortalité, exprimée par une combinaison de la mortalité cardiaque, d’infarctus du myocarde et d’accident cérébro-vasculaire) a été rencontré chez 508 des 4.605 patients sous losartan (23,8 pour 1.000 patients/année), et chez 588 des 4.588 patients sous aténolol (27,8 pour 1.000 patients/année). Ceci correspond à un Number Needed to Treat de 56: 56 patients présentant une hypertension artérielle et une hypertrophie ventriculaire gauche devraient être traités pendant au moins 4 ans par le losartan à la place de l’aténolol pour prévenir un seul cas supplémentaire de décès d’origine cardiaque, d’infarctus du myocarde ou d’accident cérébro-vasculaire. Les effets favorables du losartan par rapport à l’aténolol sur ce critère d’évaluation primaire s’expliquent surtout par une diminution du risque d’accident cérébro-vasculaire (fatal ou non); l’incidence de la mortalité cardiaque et d’infarctus du myocarde ne différait pas de manière statistiquement significative entre les deux groupes.
  • L’apparition d’un diabète de novo était moins fréquente dans le groupe sous losartan que dans le groupe sous aténolol. On n’a pas retrouvé de différence significative en ce qui concerne les autres critères d’évaluation secondaires (par ex. mortalité totale, revascularisation).
  • Dans le groupe sous aténolol, un nombre plus élevé de patients a arrêté le traitement en raison d’effets indésirables.

Les effets du losartan et de l’aténolol ont également été évalués dans un sous-groupe préalablement défini de patients diabétiques (n=1.195). Dans ce sous-groupe de patients diabétiques présentant une hypertension artérielle et une hypertrophie ventriculaire gauche, après une période de suivi de 4,7 ans en moyenne, le critère d’évaluation primaire (voir ci-dessus) a également été constaté de manière statistiquement significative moins souvent dans le groupe sous losartan que dans le groupe sous aténolol. La mortalité cardiaque, la mortalité totale et le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque étaient également de manière statistiquement significative plus faibles dans le groupe sous losartan; il n’y avait aucune différence en ce qui concerne le risque d’infarctus du myocarde et d’accident cérébro-vasculaire.

D’après

  • B. Dahlöf et al.: Cardiovascular morbidity and mortality in the Losartan Intervention For Endpoint reduction in hypertension study (LIFE): a randomised trial against atenolol. Lancet 359 : 995-1003(2002)
  • L.H. Lindholm et al.: Cardiovascular morbidity and mortality in patients with diabetes in the Losartan Intervention For Endpoint reduction in hypertension study (LIFE): a randomised trial against atenolol. Lancet 359 : 1004-1010(2002)

Note de la rédaction

Il nous paraît utile d’ajouter les considérations suivantes.

  • L’étude LIFE concerne un groupe bien précis de patients hypertendus, à savoir des patients avec une hypertrophie ventriculaire gauche à l’ECG, ce qui correspond à une hypertension sévère. Les patients hypertendus avec une hypertrophie ventriculaire gauche ne représentent toutefois qu’une minorité de l’ensemble des patients hypertendus, certainement en pratique générale. D’après un éditorial paru dans le Brit Med J [311 : 273-274(1995)] , on peut estimer qu’une hypertrophie ventriculaire gauche n’est observée à l’ECG que chez 2 à 6% des patients hypertendus.
  • Chez environ 50% des patients, les valeurs souhaitées de tension artérielle (140/90 mmHg) n’ont pas pu être atteintes, bien qu’un traitement complémentaire par d’autres antihypertenseurs ait été instauré chez un nombre important de patients pendant l’étude.
  • Il ne s’agit ici que d’une seule étude, et il serait intéressant de voir ces résultats confirmés dans d’autres études avec le même sartan et d’autres sartans.

Les résultats de l’étude LIFE doivent dès lors être interprétés avec prudence, et il est certainement prématuré d’extrapoler ces résultats à toutes les formes d’hypertension et /ou tous les patients hypertendus. Il est certainement trop tôt pour utiliser cette étude comme argument pour modifier la prise en charge classique de l’hypertension.