L’ acide acétylsalicylique dans les affections cardio-vasculaires et cérébro-vasculaires
L’utilisation de l’acide acétylsalicylique dans les affections cardio-vasculaires et cérébro-vasculaires a déjà fait plusieurs fois l’objet de discussions dans les Folia [surtout les Folia de juin 1998, mais également les Folia de juillet et mars 2001 , d’août 2000 d’octobre 1998et de mai 1997]. Ces recommandations concernant l’utilisation d’acide acétylsalicylique chez des patients avec un risque d’accident vasculaire étaient surtout basées sur les résultats d’une méta-analyse de l’ Antiplatelet Trialists’ Collaboration, publiés en 1994. Une mise à jour de cette méta-analyse est parue dans le British Medical Journal en janvier 2002, incluant 195 études au total, disponibles avant septembre 1997 relatives à l’usage d’antiagrégants chez 135.640 patients présentant un risque élevé d’accidents vasculaires occlusifs. En janvier 2001, les recommandations révisées de l’American College of Chest Physicians (ACCP) concernant le traitement antithrombotique ont été publiées dans un supplément au Chest. Ces deux publications ont été prises ici en considération. Phase aiguë de l’infarctus du myocarde et angor instable aiguL’utilisation de l’acide acétylsalicylique dans l’infarctus aigu du myocarde et l’angor instable aigu repose surtout sur les résultats de l’étude ISIS-2 [voir Folia d’ octobreet de juin 1998]. Comme mentionné dans ces Folia, il y a lieu d’instaurer un traitement par l’acide acétylsalicylique aussitôt que possible en cas d’infarctus du myocarde ou d’angor instable aigu, pour autant qu’il n’y ait pas de contre-indication manifeste (par ex. une hypersensibilité connue, un ulcère gastro-duodénal): sur base de l’étude ISIS-2, une première dose de 160 mg sera administrée dans les 24 heures après les premiers symptômes, suivie de la même dose journalière pendant un mois. Ensuite on passera à la prévention secondaire, qui, d’après les recommandations de l’ACCP, sera maintenue pendant une durée illimitée. La première dose sera administrée de préférence sous la forme d’une préparation à libération rapide de l’acide acétylsalicylique (non entérique, par ex. comprimé à mâcher). On peut opter pour une première dose plus élevée (jusqu’à 300 mg), qui assure une inhibition rapide et complète de l’agrégation plaquettaire induite par le thromboxane. Phase aiguë de l’accident cérébro-vasculaireDepuis la méta-analyse publiée en 1994, des nouvelles données sont disponibles concernant l’utilité des antiagrégants dans la phase aiguë de l’accident ischémique cérébro-vasculaire. Des sept études actuellement disponibles, les deux études qui suivent, effectuées avec l’acide acétylsalicylique sur un total d’environ 40.000 patients, sont les plus importantes [voir aussi Folia de mars 2001
Les auteurs de la méta-analyse ont calculé que grâce au traitement antiagrégant - en particulier par l’acide acétylsalicylique étant donné que la plupart des données s’y rapportent - le nombre de patients présentant un accident vasculaire grave diminue de 9 par 1.000 patients traités pendant 3 semaines en moyenne, ceci en raison d’une réduction statistiquement significative du risque d’accident cérébro-vasculaire non fatal et de la mortalité cardiaque. Le risque d’accident cérébro-vasculaire hémorragique est augmenté, mais la réduction globale du risque d’accident cérébro-vasculaire reste bénéfique: réduction de 5,4 accidents cérébro-vasculaires pour 1.000 patients traités pendant 3 semaines en moyenne. Le risque d’hémorragies extracrâniennes majeures est également augmenté (environ 3 cas supplémentaires par 1.000 patients traités en moyenne pendant 3 semaines), mais cette augmentation a été surtout constatée avec l’association acide acétylsalicylique et héparine. Comme souligné dans un éditorial sur l’étude IST [ Lancet 349 : 1564-1565(1997) ], il y a toutefois lieu de tenir compte du fait que, dans l’étude IST, aucun avantage statistiquement significatif n’a été démontré pour l’acide acétylsalicylique quant au critère d’évaluation primaire de l’étude: mortalité globale durant le traitement, et mortalité ou perte d’autonomie 6 mois après l’accident. Dans l’étude CAST, aucune différence statistiquement significative n’a été constatée entre le groupe traité par l’acide acétylsalicylique et le groupe placebo en ce qui concerne la mortalité ou la perte d’autonomie lors du départ de l’hôpital. Les auteurs de la méta-analyse affirment dans leurs recommandations qu’il existe actuellement suffisamment de preuves pour instaurer un traitement par l’acide acétylsalicylique aussitôt que possible en cas de suspicion d’accident cérébro-vasculaire ischémique aigu (d’après l’étude IST et l’étude CAST dans les 48 heures); ils considèrent néanmoins que ce traitement ne sera de préférence instauré qu’après réalisation d’une tomographie assistée par ordinateur (afin de pouvoir exclure un accident cérébro-vasculaire hémorragique), sauf si cet examen devait occasionner une perte de temps inutile. A l’instar de l’usage de l’acide acétylsalicylique en cas d’infarctus aigu du myocarde et d’angor instable aigu, la première dose d’acide acétylsalicylique peut atteindre 300 mg. Prévention primaireLes Folia de juin 1998mentionnaient que l’utilisation systématique d’acide acétylsalicylique en prévention primaire, c’est-à-dire en prévention de la morbidité et de la mortalité chez des patients sans affection cardio-vasculaire apparente, n’est pas recommandée. Les recommandations de l’ACCP ainsi que la méta-analyse récente publiée dans le British Medical Journal confirment que cette attitude reste correcte. Les auteurs de la méta-analyse n’ont toujours pas trouvé de réponse à la question de savoir s’il est possible d’identifier des personnes apparemment en bonne santé mais avec un risque élevé d’infarctus du myocarde ou d’accident cérébro-vasculaire et pour lesquelles les avantages de l’utilisation d’acide acétylsalicylique contrebalancent les inconvénients possibles. Ceci fait actuellement l’objet d’une évaluation des études de prévention primaire. Les auteurs considèrent que l’emploi d’acide acétylsalicylique n’est pas indiquée chez la plupart des personnes en bonne santé pour lesquelles le risque d’accident vasculaire est probablement largement inférieur à 1 % par an. Il existe néanmoins des patients sans affection cardio-vasculaire apparente, pour lesquels on dispose actuellement de preuves suffisantes pour justifier l’administration d’acide acétylsalicylique à titre préventif. D’après les recommandations de l’ACCP, il s’agit plus particulièrement des personnes de plus de 50 ans qui ne présentent pas de contre-indications à l’utilisation d’acide acétylsalicylique mais avec au moins un facteur de risque majeur d’insuffisance coronaire: tabagisme opiniâtre, hypertension, diabète, hypercholestérolémie, antécédents familiaux d’infarctus du myocarde. Prévention secondaireDans les Folia de juin 1998, il était mentionné que l’acide acétylsalicylique en prévention secondaire, à savoir la prévention de la morbidité et de la mortalité chez des patients souffrant d’une affection cardio-vasculaire ou cérébro-vasculaire, est recommandée dans les groupes de patients suivants.
Depuis la méta-analyse publiée en 1994, des données plus amples concernant certains patients de ces groupes, surtout ceux avec un angor stable, une artériopathie périphérique ou une fibrillation auriculaire, sont disponibles et confirment les effets favorables de l’acide acétylsalicylique. Dans les Folia de juin 1998, il était mentionné que la durée du traitement n’était pas connue, mais que plusieurs études sur la prévention secondaire indiquaient que l’effet favorable sur la morbidité et la mortalité persistait lors d’une utilisation pendant 2 à 5 ans. Selon les recommandations de l’ACCP, l’administration d’acide acétylsalicylique devrait être poursuivie indéfiniment chez les patients présentant une affection coronarienne; ces recommandations n’apportent aucune conclusion quant à la durée du traitement chez d’autres catégories de patients. La dose d’acide acétylsalicylique en prévention primaire et secondaireLes Folia de juin 1998mentionnaient des doses journalières de 75 mg à 325 mg en prévention primaire et secondaire. Sur base des nouvelles données disponibles, des doses inférieures, à savoir de 75 à 150-162,5 mg par jour, sont maintenant préconisées dans la méta-analyse et dans les recommandations de l’ACCP. Avec des doses supérieures, un effet plus important n’a pu être démontré; avec des doses inférieures à 75 mg par jour, un doute existe quant à leur efficacité. Il est connu que l’acide acétylsalicylique augmente le risque d’hémorragies extracrâniennes majeures, même à faibles doses [voir aussi Note de la rédaction]. Les études ne montrent pas de différence de risque pour des doses allant jusqu’à 325 mg par jour; des doses supérieures (500 à 1.500 mg par jour) sont considérées comme étant plus toxiques pour l’estomac. D’après
Note de la rédaction
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