Deux études sur le traitement initial de l’hypertension
Deux études randomisées contrôlées, financées chacune par des sources indépendantes, portant sur l’apparition d’accidents cardio-vasculaires en fonction du traitement initial de l’hypertension, ont été publiées ces derniers mois.
L’étude ALLHATL’étude ALLHAT a été réalisée chez 33.357 patients hypertendus (≥55 ans) présentant encore au moins un autre facteur de risque cardio-vasculaire, par ex. antécédent d’infarctus du myocarde, diabète de type 2, tabagisme, HDL < 35 mg/100 ml (0,91 mmol/l). Dans cette étude, les traitements suivants ont été comparés en double aveugle sur une période moyenne d’environ 5 ans.
Au départ, il y a eu aussi un groupe traité par l’α -bloquant doxazosine, mais ce traitement a été arrêté prématurément en raison d’indices d’une mortalité accrue dans ce groupe. Le critère d’évaluation primaire dans l’étude ALLHAT était la combinaison d’affections coronariennes fatales et d’infarctus du myocarde non fatals. Les critères d’évaluation secondaires étaient la mortalité totale, les accidents cérébro-vasculaires fatals et non fatals, les affections coronariennes combinées (critère d’évaluation primaire, revascularisation coronaire, angor nécessitant une hospitalisation), et les affections cardio-vasculaires combinées (affections corona-riennes combinées, angor ne nécessitant pas d’hospitalisation, insuffisance cardiaque et vasculopathie périphérique). Les résultats ont été les suivants.
L’étude ANBP2L’étude ANBP2 a été réalisée chez 6.083 patients hypertendus (65 à 84 ans). Dans cette étude, les traitements suivants ont été comparés sur une période de 4,1 ans (valeur médiane).
Le médecin traitant savait par quel médicament son patient était traité, et il décidait lui-même du début du traitement et de la dose. Les critères d’évaluation étaient évalués en aveugle. Les trois critères d’évaluation primaires dans l’étude ANBP2 étaient: (1) la combinaison d’accidents cardio-vasculaires (e.a. accidents coronariens ou cérébro-vasculaires, mortalité cardiaque) et de décès sans cause précise, (2) la combinaison d’un premier accident cardio-vasculaire et de décès sans cause précise, et (3) les décès sans cause précise. Les résultats ont été les suivants.
Ces résultats sont-ils contradictoires, et que doit-on en penser?Dans l’étude ALLHAT et dans l’étude ANBP2, il y a eu à peine une différence concernant le critère d’évaluation primaire entre les groupes. Lorsqu’une différence était relevée, dans l’étude ALLHAT il s’agissait de quelques critères d’évaluation secondaires, dans l’étude ANBP2 de l’analyse post-hoc chez l’homme, le résultat le plus favorable était obtenu dans l’étude ALLHAT avec le diurétique, et dans l’étude ANBP2 avec l’inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine. Encore faut-il souligner que les différences observées entre les groupes traités étaient faibles dans les deux études. Dans aucune de celles-ci, il n’y a eu de différence entre les groupes en ce qui concerne le taux d’abandons (" drop-out ") [n.d.l.r.: ce qui va à l’encontre de l’argument avancé par certains que la qualité de vie lors d’un traitement par un diurétique est moindre que lors d’un traitement par un antihypertenseur plus récent]. Il est aussi utile d’examiner les différences de protocole de ces études. Dans ces deux études, des diurétiques et des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine différents ont été utilisés. A ce sujet, il faut préciser que la chlorthalidone, le diurétique de l’étude ALLHAT, n’est pas de structure thiazidique, bien que ses propriétés soient certainement comparables à celles des thiazides; les résultats de l’étude ALLHAT ne peuvent donc pas être directement extrapolés aux diurétiques en général. Dans les deux études, il a aussi été fréquemment nécessaire d’administrer d’autres antihypertenseurs pour contrôler la tension artérielle. La définition des critères d’évaluation était également différente. L’étude ANBP2 est une étude ouverte (le médecin savait quel médicament prenait son patient), ce qui, d’un point de vue méthodologique, rend cette étude moins rigoureuse. Enfin, il faut mentionner que dans l’étude ALLHAT, les valeurs de tension artérielle obtenues étaient légèrement plus faibles avec la chlortalidone qu’avec le lisinopril, ce qui peut dès lors avoir pour conséquence un meilleur effet cardio-protecteur de la chlortalidone [voir aussi l’article sur l’étude PROGRESS et l’étude HOPE dans les Folia de novembre 2002 ]. Il n’est pas exclu que ces différents facteurs soient à l’origine des résultats différents dans les deux études. Que pouvons-nous conclure de ces études ?Les résultats de ces études confirment les recommandations actuelles pour le traitement initial de l’hypertension. Lorsqu’un traitement médicamenteux de l’hypertension est indiqué, un diurétique ou, sur base d’études antérieures, un β-bloquant reste le premier choix, à moins qu’il n’existe une raison spécifique pour choisir un autre médicament, ce qui ne sera le cas que pour une minorité de patients. L’étude ALLHAT et l’étude ANBP2 apportent des preuves supplémentaires que les diurétiques, du moins la chlorthalidone et l’hydrochlorothiazide, exercent en plus de leur effet protecteur sur les accidents cérébro-vasculaires, un effet protecteur sur les accidents coronariens. Ceci va à l’encontre de l’argument avancé par certains que les diurétiques, en raison de leurs effets métaboliques (e.a. troubles du métabolisme glucidique, hypokaliémie, hyponatrémie), auraient des conséquences néfastes sur l’apparition d’accidents coronariens. En fonction de l’existence éventuelle d’autres pathologies associées, on peut toutefois opter plutôt pour un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (par ex. chez des patients atteints d’un diabète de type 2, de néphropathie, d’insuffisance cardiaque ou avec des antécédents d’infarctus du myocarde) ou pour un antagoniste du calcium (par ex. chez les personnes âgées présentant un risque élevé d’accident cérébro-vasculaire). Finalement, chez beaucoup de patients, une association de plusieurs antihypertenseurs s’avérera souvent nécessaire pour obtenir une baisse suffisante de la tension artérielle. D’après
Glossaire: Critères d’évaluation primaire et secondaireUn critère d’évaluation primaire est une mesure qui permet de répondre à la principale question posée dans l’étude, et qui sert a priori de base pour les évaluations statistiques mentionnées dans le protocole d’étude (y compris l’évaluation du nombre de patients devant être inclus dans l’étude). Un critère d’évaluation secondaire est une mesure qui peut également être obtenue lors de l’analyse d’une étude clinique, mais qui n’influence pas ces évaluations statistiques. |