Le tacrolimus et le pimécrolimus dans la dermatite atopique


Abstract

Depuis peu, deux immunosuppresseurs à usage local, le tacrolimus et le pimécrolimus, sont disponibles pour le traitement local de la dermatite atopique chez l’adulte et l’enfant à partir de l’âge de deux ans. Ces médicaments ne doivent en principe être utilisés que dans les cas ne répondant pas aux corticostéroïdes ou en cas d’intolérance à ceux-ci; les études disponibles à ce jour n’ont cependant pas été réalisées chez des patients répondant à ces critères. L’innocuité à long terme de ces médicaments n’est pas établie, et leur coût est beaucoup plus élevé que celui des corticostéroïdes.

La dermatite atopique est une affection inflammatoire chronique et très prurigineuse qui touche surtout les enfants mais qui peut aussi débuter ou persister à l’âge adulte. Outre l’identification et l’éviction des facteurs déclenchants, la prise en charge de la dermatite atopique consiste classiquement en des soins émollients et l’application locale intermittente de corticostéroïdes [voir Folia de décembre 1995]. Depuis peu, deux immunosuppresseurs apparentés aux macrolides, le tacrolimus et le pimécrolimus, sont disponibles pour le traitement local de la dermatite atopique. Cet article tente de situer leur place par rapport au traitement conventionnel.


Tacrolimus

Le tacrolimus, un immunosuppresseur utilisé par voie systémique dans la prévention et le traitement des épisodes de rejet aigu lors de transplantation d’organes, est maintenant aussi disponible sous forme de pommade à 0,03% (à partir de 2 ans) et à 0,1% (à partir de 16 ans). Le tacrolimus est indiqué pour le traitement de la dermatite atopique modérée à sévère chez l’adulte et l’enfant de plus de deux ans en cas de réponse inadéquate ou d’intolérance aux traitements conventionnels.

Chez l’enfant, le tacrolimus à 0,03% est apparu plus efficace que l’acétate d’hydrocortisone à 1%, un corticostéroïde peu puissant. Chez l’adulte, le tacrolimus à 0,1% a été aussi efficace que le butyrate d’hydrocortisone à 0,1%, un corticostéroïde puissant. Aucune de ces études n’a cependant été effectuée chez des patients intolérants aux corticostéroïdes topiques, ou ne répondant pas au traitement conventionnel.

Contrairement aux corticostéroïdes topiques, le tacrolimus ne semble pas avoir d’effet cutané atrophiant à long terme, ni entraîner de phénomène de tachyphylaxie. Les effets indésirables du tacrolimus consistent surtout en une sensation de brûlure, des démangeaisons ou un érythème au site d’application; ceux-ci s’atténuent (le plus souvent) progressivement [n.d.l.r.: en général après une quinzaine de jours]. Les patients ont un risque accru de folliculite, d’acné ou d’herpès simplex. Une intolérance à l’alcool (flush facial, irritation cutanée) peut survenir. Les données actuelles ne permettent pas de se prononcer quant à un éventuel risque de cancer de la peau en cas d’utilisation prolongée. Le tacrolimus est contre-indiqué en cas d’hypersensibilité aux macrolides, ainsi que pendant la grossesse et l’allaitement. Avant de débuter un traitement par le tacrolimus, il convient de traiter une éventuelle surinfection.


Pimécrolimus

Le pimécrolimus, de structure chimique comparable à celle du tacrolimus est disponible sous forme de crème à 1%. Il est indiqué à partir de l’âge de deux ans dans le traitement de la dermatite atopique légère à modérée:

  • à court terme, pour le traitement des symptômes,
  • à long terme, de façon intermittente pour prévenir les récidives.

Chez l’enfant, on ne dispose d’aucune étude comparative avec un corticostéroïde peu ou moyennement puissant. Dans une étude chez l’adulte, le pimécrolimus a été moins efficace que le valérate de bétaméthasone à 0,1%, un corticostéroïde puissant. L’application intermittente prolongée de pimécrolimus entraîne une diminution du nombre de poussées aiguës et un recours moins fréquent aux corticostéroïdes, mais des études comparatives font également défaut.

Aucune étude comparant le tacrolimus et le pimécrolimus n’est actuellement disponible. Les effets indésirables, les contre-indications et les précautions d’usage du pimécrolimus semblent comparables à ceux du tacrolimus.


Conclusion

Le tacrolimus et le pimécrolimus constituent une avancée dans la prise en charge de la dermatite atopique, mais étant donné l’absence d’études comparatives adéquates, il est actuellement difficile de déterminer avec précision la place de ces nouveaux médicaments. L’application locale intermittente de corticostéroïdes reste le traitement médicamenteux de premier choix des poussées inflammatoires de dermatite atopique. Un traitement par le tacrolimus ou le pimécrolimus paraît être une alternative raisonnable en cas de réponse insuffisante ou d’intolérance aux corticostéroïdes, particulièrement pour traiter des endroits plus sensibles aux effets indésirables des corticostéroïdes (par ex. au niveau du visage, autour des yeux), mais on ne dispose pas d’études réalisées dans ces conditions. Bien que le tacrolimus et le pimécrolimus semblent bien tolérés à court terme, on ne dispose pas de données quant à leur innocuité à long terme. Il convient en outre de tenir compte de leur coût très élevé par rapport aux corticostéroïdes.

D’après

  • D. Leung en T. Bieber: Atopic dermatitis. Lancet 361 : 151-160(2003)
  • Topical tacrolimus - a role in atopic dermatitis ? Drug and Therapeutics Bulletin 40 : 73-75(2002)
  • Picrolimus cream for atopic dermatitis. Drug and Therapeutics Bulletin 41 : 33-36(2003)
  • H. Williams: New treatments for atopic dermatitis (editorial). Brit. Med. J. 324 : 1533-1534(2003)

Noms de spécialités


Acétate d’hydrocortisone: Nozema Pannocort

Butyrate d’hydrocortisone: Locoid

Pimécrolimus: Elidel

Tacrolimus: Protopic

Valérate de bétaméthasone: Betnelan V Topik

La dermatite atopique est actuellement la seule indication officielle pour le tacrolimus et le pimécrolimus. On attend les résultats d’études pour préciser le rôle éventuel de ces deux immunosuppresseurs dans le traitement d’autres affections telles l’eczéma en général, l’eczéma séborrhéique, l’acné rosacé et le psoriasis.