Traitement antithrombotique: indications et problèmes pratiques


Abstract

L’objectif de ce numéro thématique est de proposer une synthèse des informations disponibles concernant le traitement antithrombotique de première ligne, notamment ses indications, et de discuter de certains problèmes pratiques pouvant survenir avec les anticoagulants oraux.


INDICATIONS


Affections thrombo-emboliques veineuses profondes


Abstract

La place des héparines de faible poids moléculaire et des anticoagulants oraux (INR entre 2,0 et 3,0) est établie dans la prévention et le traitement des affections thrombo-emboliques veineuses profondes (TEVP). Il est difficile pour le fondaparinux sodique, enregistré en Belgique pour la prévention thrombo-embolique en cas de chirurgie orthopédique majeure, de déterminer avec précision le rapport coût/efficacité.


Traitement et prévention secondaire des TEVP

Dans la phase initiale du traitement des affections thrombo-emboliques veineuses profondes, les héparines de faible poids moléculaire (HFPM) sont au moins aussi sûres et efficaces que l’héparine non fractionnée, et elles présentent un certain nombre d’avantages pratiques, par ex. pas de contrôle nécessaire de la coagulation [voir Folia de juin 1999 ]. Le traitement par une héparine de faible poids moléculaire est généralement poursuivi pendant 10 jours après quoi le traitement est prolongé par une anticoagulation orale d’intensité modérée (INR entre 2,0 et 3,0).

En ce qui concerne la durée de l’anticoagulation orale, les recommandations suivantes peuvent être faites.

  • Chez les patients ayant présenté un premier épisode thrombo-embolique veineux:
    • en présence de facteurs de risque réversibles ou limités dans le temps (par ex. intervention chirurgicale, immobilisation), un traitement anticoagulant oral est recommandé pendant une période variant de 6 semaines à 6 mois selon les sources.
    • en cas de thrombo-embolie idiopathique (c.-à-d. absence de facteur de risque apparent), un traitement anticoagulant oral est recommandé pendant au moins 6 mois, mais la durée optimale n’est pas connue.
  • Chez les patients ayant présenté plusieurs épisodes thrombo-emboliques veineux idiopathiques, ou en présence de facteurs de risque persistants (par ex. cancer, déficience sévère en antithrombine, syndrome des anti-phospholipides), un traitement prolongé par des anticoagulants oraux est recommandé.

L’administration prolongée d’une héparine de faible poids moléculaire en prévention secondaire ne se justifie qu’en présence d’une contre-indication aux anticoagulants oraux, ou selon une étude récente, chez des patients cancéreux.

Si l’héparinothérapie se prolonge au-delà de quelques jours, il est recommandé de contrôler régulièrement la numération plaquettaire.

L’acide acétylsalicylique n’a pas de place dans la prévention secondaire des affections thrombo-emboliques veineuses.


Prévention primaire des TEVP

L’administration d’héparine en prévention primaire est indiquée dans les situations suivantes.

  • Chirurgie orthopédique lourde: prothèse de hanche ou de genou, fracture du col fémoral, traumatisme rachidien avec atteinte neurologique.
  • Chirurgie abdominale ou pelvienne majeure, notamment chez des patients cancéreux.
  • Autres interventions médicales ou chirurgicales chez les patients présentant un facteur de risque thrombo-embolique supplémentaire (par ex. antécédents thrombo-emboliques, âge avancé, immobilisation prolongée).
  • Infarctus du myocarde et accident vasculaire cérébral ischémique (voir plus loin).

Dans les autres situations, la balance bénéfices/risques doit être évaluée pour chaque patient en particulier [voir aussi Folia de mai 2001 et de février 2002 ].

Les héparines de faible poids moléculaire constituent le plus souvent le traitement de référence. Les anticoagulants oraux semblent avoir un rapport bénéfices/risques comparable mais ils posent davantage de problèmes pratiques (voir plus bas).

Le fondaparinux sodique, un inhibiteur spécifique du facteur Xa, est enregistré en Belgique pour la prévention thrombo-embolique en cas de chirurgie orthopédique majeure. Par rapport aux HFPM, le fondaparinux sodique est apparu plus efficace dans la chirurgie élective du genou [voir Minerva 2 : 40-42(2003)]. Tenant compte du risque plus élevé d’hémorragie et du coût plus élevé du fondaparinux sodique par rapport aux HFPM, il est actuellement difficile de déterminer avec précision la place du fondaparinux sodique par rapport à celles-ci. Il est certainement encore trop tôt pour se prononcer au sujet du ximélagatran, un inhibiteur direct de la thrombine (pas encore enregistré en Belgique).


Angor instable et infarctus du myocarde sans onde Q


Abstract

Dans l’angor instable et l’infarctus du myocarde sans onde Q, l’association d’une héparine de faible poids moléculaire et d’acide acétylsalicylique constitue le traitement de premier choix. Le clopidogrel est une alternative à l’acide acétylsalicylique en cas de contre-indication ou d’intolérance à celui-ci. Chez les patients qui présentent un risque élevé d’infarctus aigu du myocarde ou de décès, une coronarographie suivie éventuellement d’un traitement de revascularisation est indiquée. Les antagonistes des récepteurs de la glycoprotéine IIb/IIIa à usage intraveineux sont indiqués en cas de réponse insuffisante au traitement conventionnel, ou en cas d’angioplastie.

L’approche médicamenteuse de l’angor instable a déjà été discutée dans les Folia d’ octobre 1998. Actuellement, le traitement antithrombotique représente toujours le traitement de premier choix de l’angor instable et de l’infarctus du myocarde sans onde Q, dans le but de contrecarrer l’évolution vers un infarctus aigu du myocarde.

  • Un traitement antiagrégant par l’acide acétylsalicylique (avec une première dose de 160 à 300 mg sous forme d’une préparation à libération rapide) est recommandé chez tout patient présentant une suspicion de syndrome coronarien aigu, pour autant qu’il n’y ait pas de contre-indication (par ex. une hypersensibilité connue, un ulcère gastro-intestinal évolutif). Le clopidogrel est une alternative en cas de contre-indication ou d’intolérance à l’acide acétylsalicylique. Dans l’étude CURE, l’association de clopidogrel et d’acide acétylsalicylique a entraîné une diminution plus marquée du risque d’accident cardio-vasculaire par rapport à l’acide acétylsalicylique seul, mais au prix d’un risque accru d’hémorragies.
  • Plusieurs études randomisées (par ex. ESSENCE, FRISC) ont montré que dans l’angor instable, l’association d’une héparine de faible poids moléculaire et d’acide acétylsalicylique est plus efficace en terme de mortalité et d’infarctus du myocarde, que chacun de ces deux médicaments seuls.
  • Les antagonistes des récepteurs de la glycoprotéine IIb/IIIa à usage intraveineux, tels l’abciximab, l’eptifibatide et le tirofiban, sont indiqués, toujours en association avec l’acide acétylsalicylique et l’héparine dans l’angioplastie et/ou dans les syndromes coronariens aigus en cas de réponse insuffisante au traitement conventionnel [voir aussi Folia de septembre 2000 ]. Les antagonistes des récepteurs de la glycoprotéine IIb/IIIa à usage oral ne sont par contre pas indiqués et ne sont pas disponibles en Belgique.
  • Les anticoagulants oraux ne sont pas utilisés dans les syndromes coronariens aigus vu leur début d’action lent et le manque de preuves d’efficacité.
  • Les thrombolytiques sont également à éviter dans ces indications étant donné l’absence d’effet bénéfique et le risque de complications hémorragiques.

Infarctus aigu du myocarde


Abstract

L’ acide acétylsalicylique joue un rôle important dans le traitement et la prévention secondaire de l’infarctus aigu du myocarde, ainsi que dans la prévention primaire chez les patients à risque (> 50 ans avec au moins un facteur de risque d’insuffisance coronaire). En prévention secondaire, les anticoagulants oraux ne se justifient que chez les patients avec un risque thrombo-embolique élevé. Le clopidogrel est une alternative à l’acide acétylsalicylique dans la prévention secondaire en cas de récidive sous acide acétylsalicylique, ou d’intolérance ou de contre-indication à celui-ci.


Traitement

L’association d’acide acétylsalicylique et de thrombolytiques diminue davantage la mortalité que chacun de ces deux médicaments séparément. Il est recommandé d’administrer aussi vite que possible (certainement dans les 24 heures) une première dose de 300 mg d’acide acétylsalicylique à libération rapide, suivie d’une dose journalière de 160 mg pendant un mois avant de passer à la prévention secondaire [voir Folia de septembre 2002 ].

La décision d’ajouter de l’héparine non fractionnée au traitement thrombolytique est fonction du choix du thrombolytique. Par ailleurs, l’administration d’une héparine de faible poids moléculaire est toutefois recommandée en prévention primaire des complications thrombo-emboliques veineuses profondes (voir plus haut).


Prévention secondaire

Le rôle des antiagrégants dans la prévention secondaire de l’infarctus du myocarde est bien établi, et l’acide acétylsalicylique, à raison de 75 à 160 mg par jour, est le traitement de premier choix [voir aussi Folia de septembre 2002 ]. L’association d’acide acétylsalicylique et de dipyridamole n’est pas plus efficace que l’acide acétylsalicylique seul (étude PARIS). En cas de récidive sous acide acétylsalicylique, ou d’intolérance ou de contre-indication à celui-ci, le clopidogrel est une alternative.

La place des anticoagulants oraux dans la prévention secondaire après infarctus du myocarde a déjà fait l’objet de plusieurs études avec des résultats contradictoires. Dans une étude récente (WARIS II), la warfarine seule ou en association à l’acide acétylsalicylique a été plus efficace que l’acide acétylsalicylique seul, et ce en terme de mortalité, de récidive d’infarctus du myocarde, et d’accident vasculaire cérébral ischémique, mais au prix d’un risque élevé de complications hémorragiques. En prévention secondaire après un infarctus du myocarde, une anticoagulation orale ne se justifie dès lors pas de manière systématique, mais elle peut être envisagée chez les patients avec un risque thrombo-embolique élevé dans les situations suivantes: infarctus antérieur étendu, dysfonctionnement ventriculaire gauche grave, insuffisance cardiaque congestive, découverte échographique d’un thrombus intramural ou d’un anévrysme ventriculaire gauche, antécédents d’embolie artérielle ou d’embolie pulmonaire, fibrillation auriculaire. Dans ces cas, le traitement anticoagulant oral sera poursuivi pendant 2 à 3 mois, sauf dans la fibrillation auriculaire, où il sera maintenu indéfiniment (voir plus loin).


Prévention primaire

L’utilisation systématique d’acide acétylsalicylique ne se justifie pas si le risque d’accident vasculaire est inférieur à 1% par an. Selon les recommandations de l’ACCP (American College of Chest Physicians), l’administration d’acide acétylsalicylique (75 à 160 mg p.j.) en prévention primaire est par contre justifiée chez les personnes de plus de 50 ans avec un ou plusieurs facteurs de risque d’insuffisance coronaire tel tabagisme, hypertension, diabète, hypercholestérolémie et antécédents familiaux d’infarctus du myocarde, à moins qu’il n’y ait une contre-indication à l’acide acétylsalicylique [voir aussi Folia de septembre 2002 ].


Artériopathie périphérique


Abstract

Dans l’artériopathie périphérique, les antiagrégants diminuent le risque d’accidents cardio-vasculaires majeurs et d’occlusion artérielle périphérique.

Dans l’artériopathie périphérique, l’administration d’acide acétylsalyclique, à raison de 75 à 160 mg p.j., diminue le risque d’accidents cardio-vasculaires majeurs (mortalité cardio-vasculaire, infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral) d’environ 25%, ainsi que le risque d’occlusion artérielle périphérique. Le rôle du dipyridamole dans l’artériopathie périphérique est controversé. Le clopidogrel est au moins aussi efficace que l’acide acétylsalicylique et peut être une alternative en cas de récidive sous acide acétylsalicylique, ou d’intolérance ou de contre-indication à celui-ci. Les anticoagulants oraux ne sont pas indiqués dans l’artériopathie périphérique vu l’absence d’effet sur la mortalité et la morbidité cardio-vasculaires.


Valvulopathies


Abstract

En présence d’une valvulopathie, surtout mitrale, l’administration d’anticoagulants oraux (INR entre 2,0 et 3,0) est indiquée en cas de fibrillation auriculaire ou d’antécédents thrombo-emboliques, ainsi que chez les patients atteints d’une sténose mitrale avec mise en évidence à l’échographie d’un thrombus dans l’oreillette gauche.


Prothèses valvulaires


Abstract

Chez les patients porteurs d’une prothèse valvulaire mécanique, un traitement anticoagulant oral doit être administré indéfiniment, avec un INR entre 2,0 et 3,0 à 4,0. Chez les patients porteurs d’une prothèse biologique, un traitement anticoagulant oral (INR entre 2,0 et 3,0) est généralement recommandé pendant les 3 premiers mois suivant l’implantation, suivi ensuite d’un traitement par de faibles doses d’acide acétylsalicylique; les anticoagulants oraux seront toutefois poursuivis indéfiniment en présence de facteurs de risque associés (antécédents de thrombo-embolie, thrombus dans l’oreillette gauche, dilatation de l’oreillette gauche, insuffisance cardiaque, fibrillation auriculaire).


Fibrillation auriculaire non-valvulaire


Abstract

En prévention primaire des complications thrombo-emboliques chez les patients avec un faible risque thrombo-embolique, l’acide acétylsalicylique est le traitement de premier choix. En prévention primaire chez les patients avec un risque thrombo-embolique élevé, et en prévention secondaire, les anticoagulants oraux (INR entre 2,0 et 3,0) sont indiqués.

La place respective des antiagrégants et des anticoagulants dans la fibrillation auriculaire non-valvulaire a déjà été discutée dans les Folia de juillet 2001 . Les recommandations sont les suivantes.

  • En prévention primaire, c.-à-d. chez les patients n’ayant jamais fait d’accident vasculaire cérébral, l’acide acétylsalicylique (75 à 300 mg p.j.) est le traitement de premier choix pour les patients qui présentent un faible risque thrombo-embolique. Chez les patients avec un risque thrombo-embolique élevé (âge > 75 ans, hypertension artérielle avec tension systolique > 160 mmHg, insuffisance cardiaque, valvulopathie, dysfonctionnement ventriculaire gauche, antécédents thrombo-emboliques), l’administration d’anticoagulants oraux (avec un INR entre 2,0 et 3,0) se justifie étant donné leur plus grande efficacité par rapport à l’acide acétylsalicylique. L’association d’une faible dose de warfarine (1 mg p.j.) et d’acide acétylsalicylique n’est pas plus efficace qu’un traitement anticoagulant conventionnel, et ne se justifie donc pas. On ne dispose pas pour cette indication de données suffisantes sur le rôle d’autres antiagrégants tels le dipyridamole, ou des héparines de faible poids moléculaire.
  • En prévention secondaire, c.-à-d. chez des patients ayant déjà fait un accident vasculaire cérébral, un traitement anticoagulant oral (INR entre 2,0 et 3,0) est certainement justifié.

Accident vasculaire cérébral ischémique aigu


Abstract

Dans le traitement de l’accident vasculaire cérébral ischémique aigu, l’administration le plus rapidement possible d’acide acétylsalicylique et d’une héparine de faible poids moléculaire à faibles doses est recommandée. L’acide acétylsalicylique joue également un rôle important en prévention secondaire. En cas de récidive sous acide acétylsalicylique, ou d’intolérance ou de contre-indication à celui-ci, le clopidogrel est une alternative.


Traitement

Le traitement de l’accident vasculaire cérébral a déjà été discuté dans les Folia de mars 2001 . L’administration d’acide acétylsalicylique (160 à 300 mg p.j.) est recommandée le plus rapidement possible, certainement dans les 48 heures, après exclusion d’une hémorragie intracrânienne. L’administration d’une héparine de faible poids moléculaire est également recommandée pendant 14 jours en prévention des récidives et des complications thrombo-emboliques veineuses. L’administration de doses élevées d’héparine n’est par contre pas recommandée étant donné le risque de ramolissement hémorragique. L’utilisation de thrombolytiques dans l’accident vasculaire cérébral ischémique est toujours controversée: il n’est pas encore établi que l’éventuel bénéfice d’un tel traitement contrebalance les risques et le coût de celui-ci.


Prévention secondaire

En l’absence de cardiopathie emboligène, l’administration d’acide acétylsalicylique (75 à 160 mg p.j.) est l’approche de premier choix. Dans une étude, l’association de dipyridamole et d’acide acétylsalicylique a été plus efficace que l’acide acétylsalicylique seul sur l’incidence des récidives, mais elle est plus coûteuse et ne s’est pas montrée plus efficace en terme de mortalité. Le clopidogrel est une alternative en cas d’intolérance ou d’efficacité insuffisante avec l’acide acétylsalicylique (étude CAPRIE). Les anticoagulants oraux (avec un INR entre 2,0 et 3,0) ne sont indiqués qu’en présence d’une fibrillation auriculaire ou d’une autre cardiopathie emboligène. [Voir aussi Folia d’ août 2000 et de Folia juin 2003 ].


PROBLEMES PRATIQUES AVEC LES ANTICOAGULANTS ORAUX

Tous les antithrombotiques peuvent donner lieu à des effets indésirables, notamment à des hémorragies, et à des thrombopénies avec les héparines. L’objectif n’est pas de reprendre ici les effets indésirables propres à chaque médicament (à cette fin, voir par ex. le Répertoire Commenté des Médicaments), mais de discuter de certains problèmes pratiques fréquemment rencontrés avec les antagonistes de la vitamine K.


Instauration des anticoagulants oraux


Abstract

Les anticoagulants oraux sont le plus souvent déjà débutés pendant l’héparinothérapie. L’administration d’une dose de charge élevée n’est plus recommandée, et même la dose de charge modérée fait l’objet de discussions. La dose d’entretien est adaptée en fonction de l’INR.

Les anticoagulants oraux disponibles en Belgique sont l’acénocoumarol (SINTROM, avec une durée de demi-vie de 8 h), la warfarine (MAREVAN, avec une durée de demi-vie de 20 à 60 h) et la phenprocoumone (MARCOUMAR, avec une durée de demi-vie de 140-160 h). La warfarine et la phenprocoumone offrent, en raison de leur plus longue durée de demi-vie, une anticoagulation plus stable. Les anticoagulants oraux sont le plus souvent déjà débutés pendant l’héparinothérapie. Celle-ci est prolongée pendant au moins 4 à 5 jours, jusqu’à ce que l’INR souhaité soit atteint. L’administration d’une dose de charge unique élevée n’est plus recommandée étant donné l’hypercoagulabilité transitoire pouvant survenir suite à l’abaissement des taux de protéines C et S. Même l’emploi d’une dose de charge modérée (par ex. sur plusieurs jours) fait l’objet de discussions. On a tendance à commencer sans dose de charge, par ex. par 5 mg p.j. de warfarine ou 2,5 à 3,5 mg p.j. d’acénocoumarol. La warfarine est l’antagoniste de la vitamine K qui a été le plus étudié. Vu la durée de demi-vie très longue de la phenprocoumone, il faut attendre beaucoup plus longtemps avant d’atteindre un état d’équilibre plasmatique. Une fois le niveau d’anticoagulation souhaité atteint, l’INR est en principe contrôlé toutes les semaines jusqu’à atteindre une valeur stable, puis au moins toutes les 6 semaines. Différents facteurs, notamment des problèmes d’observance du traitement et d’interactions avec d’autres médicaments, peuvent entraîner des fluctuations de l’INR et nécessiter un contrôle plus fréquent de celui-ci. Une liste des principaux médicaments qui influencent l’effet des anticoagulants oraux est reprise dans le Répertoire Commenté des Médicaments (éd. 2003, p. 50).


Grossesse


Abstract

Les anticoagulants oraux sont contre-indiqués pendant le premier trimestre et les deux dernières semaines de la grossesse. Ils doivent, lorsqu’une anticoagulation s’avère nécessaire, être remplacés par une héparine de faible poids moléculaire. Dans tous les cas, l’héparinothérapie sera interrompue 24 heures avant l’accouchement afin de diminuer le risque de complications hémorragiques. Dans le post-partum, l’héparine est ensuite reprise et suivie éventuellement d’un traitement par des anticoagulants oraux.


Interventions chirurgicales et dentaires


Abstract

Lors d’interventions avec un faible risque d’hémorragie, les anticoagulants oraux ne doivent en principe pas être interrompus. Lors d’interventions avec un risque élevé d’hémorragie, chez des patients avec un faible risque thrombo-embolique, les anticoagulants oraux peuvent être poursuivis mais à moindre dose; chez les patients avec un risque thrombo-embolique élevé, les anticoagulants oraux doivent être arrêtés et remplacés temporairement par l’héparine. Les antiagrégants doivent être interrompus une semaine avant l’intervention.

Chez les patients traités par des anticoagulants oraux et devant subir une intervention chirurgicale ou dentaire, il convient d’évaluer si le traitement doit être poursuivi, et de mettre en balance le risque d’une hémorragie locale et le risque thrombo-embolique.

  • Lors d’interventions présentant un faible risque d’hémorragie, telles les interventions dentaires, les injections au niveau des tissus mous, l’arthrocentèse, le traitement chirurgical de la cataracte et l’endoscopie, les anticoagulants oraux peuvent en principe être poursuivis. La prudence est toutefois de rigueur en cas d’endoscopie avec biopsie. Dans tous les cas, on veillera cependant à vérifier l’INR avant l’intervention et à adapter la dose si nécessaire.
  • Lors d’interventions invasives présentant un risque élevé d’hémorragie, la stratégie dépendra du risque thrombo-embolique.
    • Chez des patients avec un faible risque thrombo-embolique, la dose d’anticoagulants sera réduite 4 à 5 jours avant l’intervention de façon à atteindre un INR entre 1,5 et 2,0.
    • Chez les patients avec un risque thrombo-embolique élevé, les anticoagulants oraux seront interrompus temporairement avant l’intervention. Il n’est pas prouvé que l’arrêt progressif des anticoagulants oraux soit préférable à leur arrêt brutal. Les anticoagulants doivent être remplacés par de l’héparine non fractionnée par voie intraveineuse ou par une héparine de faible poids moléculaire par voie sous-cutanée; le nombre de jours d’interruption des anticoagulants oraux avant l’intervention dépend de la durée de demi-vie de l’anticoagulant oral utilisé. L’héparine sera arrêtée 4 à 6 heures avant l’intervention et sera réinstaurée dès que possible après l’intervention. Les anticoagulants oraux ne seront repris que 24 heures au moins après l’intervention. Quant aux antiagrégants, ils doivent être interrompus une semaine avant l’intervention et repris quelques jours après celle-ci.

Traitement anticoagulant oral chez la personne âgée


Abstract

La prescription d’anticoagulants oraux aux personnes âgées, surtout de plus de 75 ans, exige une attention particulière étant donné la diminution de la fonction rénale, l’existence fréquente d’une co-morbidité, le risque d’interactions et les problèmes d’observance d’un tel traitement. Les personnes âgées auront besoin en général de doses plus faibles par rapport aux personnes plus jeunes pour obtenir un même INR.


Que faire en cas d’anticoagulation excessive ?


Abstract

En cas d’anticoagulation excessive, outre l’arrêt temporaire du traitement, l’administration de vitamine K peut être envisagée chez les patients avec un INR > 5, et ce, en cas d’hémorragie ou de risque élevé d’hémorragie.

Les hémorragies sont les principales complications des anticoagulants oraux. Les facteurs favorisants sont l’âge avancé, l’intensité de l’anticoagulation, certaines pathologies associées (par ex. insuffisance rénale, antécédents d’hémorragie digestive, insuffisance cardiaque sévère, infarctus du myocarde récent, fibrillation auriculaire, hypertension artérielle non traitée, antécédents d’accident vasculaire cérébral) et la prise concomitante d’autres médicaments pouvant interférer avec l’hémostase (par ex. acide acétylsalicylique, AINS) ou le métabolisme des anticoagulants oraux (voir Répertoire Commenté des Médicaments 2003, p. 50).

La conduite à tenir en cas d’anticoagulation excessive dépend de la présence et/ou de la gravité de l’hémorragie, de l’INR et du risque thrombo-embolique. Etant donné la courte demi-vie de la vitamine K, il peut être nécessaire de répéter l’administration.

  • En l’absence d’hémorragie, l’interruption du traitement anticoagulant est la seule mesure à prendre chez la plupart des patients avec un INR > 5, et l’administration d’une faible dose de vitamine K (1 mg) par voie orale ne devrait être réservée qu’aux patients avec un risque élevé d’hémorragie [voir aussi Folia d’ août 2001 ].
  • En présence d’une hémorragie mineure:
    • si INR < 5, l’interruption temporaire du traitement est le plus souvent suffisante;
    • si INR entre 5 et 9, l’administration d’une faible dose de vitamine K (1 à 2 mg) par voie orale peut être recommandée;
    • si INR > 9, la vitamine K sera administrée à une dose plus élevée (3 à 5 mg).

    Les anticoagulants oraux seront ensuite repris à une dose plus faible.

  • En présence d’une hémorragie majeure, les anticoagulants oraux seront arrêtés et une dose de 10 mg de vitamine K sera administrée par voie intraveineuse lente. L’administration d’un concentré en facteurs de coagulation (PPSB) peut être nécessaire pour restaurer rapidement une hémostase normale. Après traitement par de fortes doses de vitamine K, les anticoagulants oraux peuvent être inefficaces pendant plusieurs jours, et il peut être nécessaire dans certains cas de passer temporairement à l’héparine.

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