Diphosphonates et risque d’ostéonécrose de la mâchoire

Les diphosphonates alendronate (Fosamax®), acide ibandronique (Bondronat®), pamidronate (Aredia®, Merck-Pamidronate®, Pamidronaat-Mayne®), clodronate (Bonefos®, Ostac®), étidronate (Osteodidronel®), risédronate (Actonel®), tiludronate (Skelid®) et acide zolédronique (Aclasta®, Zometa®) sont de puissants inhibiteurs de la résorption osseuse ostéoclastique. Ils sont utilisés entre autres dans l’ostéoporose post-ménopausique et pour le traitement de l’hypercalcémie grave dans certaines affections hématologiques et dans des processus tumoraux; les indications mentionnées dans les notices des différents diphosphonates sont variables.

Au cours des dernières années, le Centre Belge de Pharmacovigilance a reçu plus de 100 notifications d’ostéonécrose de la mâchoire (maxilliaire inférieur ou supérieur) chez des patients traités par voie intraveineuse par les diphosphonates acide zolédronique et pamidronate. Dans la moitié des cas environ, le patient n’avait été traité que par un seul diphosphonate: le plus souvent l’acide zolédronique, rarement le pamidronate. Dans l’autre moitié des cas, le patient avait été traité successivement par le pamidronate et ensuite par l’acide zolédronique. Un patient était traité pour ostéoporose; tous les autres étaient des patients cancéreux qui, outre le diphosphonate, étaient aussi traités par chimiothérapie et éventuellement par des corticostéroïdes ou de la radiothérapie. Le délai entre le début du traitement et l’apparition de l’ostéonécrose de la mâchoire était très variable (de quelques mois à quelques années).

Des cas d’ostéonécrose de la mâchoire (surtout au niveau du maxillaire inférieur) chez des patients traités par des diphosphonates ont aussi été rapportés dans d’autres pays, ou décrits dans la littérature [e.a. J Clin Oncol 2005; 23: 8580-7 ; N Engl J Med 2005; 353: 99-102 ]. La plupart des cas rapportés ailleurs concernent l’acide zolédronique et le pamidronate (parfois utilisés de manière séquentielle), mais exceptionnellement aussi l’alendronate (par voie orale), l’étidronate (par voie orale), le risédronate (par voie orale) ou l’acide ibandronique (par voie orale ou intraveineuse).

Il s’agit presque toujours de patients atteints d’un cancer, et d’autres facteurs de risque de survenue d’une ostéonécrose de la mâchoire sont présents: chimiothérapie, corticothérapie, radiothérapie au niveau de la mâchoire, hygiène buccale insuffisante, intervention dentaire (p. ex. extraction dentaire).

Bien que le lien de causalité entre l’utilisation de diphosphonates et la survenue d’une ostéonécrose de la mâchoire ne soit pas clairement établi, il est recommandé, avant d’instaurer un traitement par des diphosphonates chez des patients cancéreux, d’effectuer un examen dentaire approfondi et, si nécessaire, des soins dentaires préventifs, et dans la mesure du possible d’éviter toute intervention dentaire pendant le traitement. En cas de suspicion d’ostéonécrose de la mâchoire, il est important que le patient soit examiné par un spécialiste en soins dentaires.

Les données actuelles n’indiquent pas un risque accru d’ostéonécrose de la mâchoire chez les patients traités par un diphosphonate pour ostéoporose. La prudence est toutefois de rigueur vu que, jusqu’à présent, les diphosphonates n’ont que très peu été utilisés par voie intraveineuse dans l’ostéoporose.

L’ostéonécrose de la mâchoire est très difficile à traiter, de sorte que toutes les mesures visant à prévenir cette affection sont extrêmement importantes.