Hépatotoxicité et troubles visuels avec la télithromycine

La télithromycine (Ketek®) est un antibiotique apparenté aux macrolides. Dans nos articles sur l’usage rationnel des antibiotiques dans les infections aiguës des voies respiratoires, nous avons attiré l’attention sur la place limitée de la télithromycine [voir Folia d’ octobre 2004 et septembre 2005 ]. Les effets indésirables les plus fréquents selon la notice sont: troubles gastro-intestinaux (surtout diarrhée), élévation des enzymes hépatiques, vertiges, céphalées, troubles du goût et candidose vaginale. Comme d’autres macrolides, la télithromycine peut allonger l’intervalle QT [voir Folia de décembre 2003 ].


Hépatotoxicité

Le 27 janvier 2006, l’Agence Européenne des Médicaments (European Medicines Agency ou EMEA) a diffusé un communiqué concernant l’hépatotoxicité de la télithromycine (via www.emea.eu.int/pdfs/human/press/pr/2938606en.pdf ; voir aussi communiqué de la DG Médicaments du 1er février 2006, via www.health.fgov.be cliquez sur "Médicaments"). Ce communiqué fait suite à la survenue de cas d’hépatite aiguë grave et d’insuffisance hépatique grave, dont certains ont eu une issue fatale. Trois de ces cas ont été publiés récemment [ Ann Intern Med 2006; 144: 415-20 ]: les patients ont développé une hépatite aiguë avec un ictère et une augmentation importante des enzymes hépatiques après la prise de télithromycine pendant une courte période (3 à 5 jours). Les tests de sérologie virale étaient négatifs dans les 3 cas. Un des patients s’est rétabli, le deuxième patient est décédé, et le troisième a dû subir une transplantation hépatique. Deux des trois patients avaient des antécédents de consommation d’alcool. Dans l’attente des résultats de l’évaluation au niveau européen, l’EMEA recommande l’arrêt immédiat de la télithromycine dès l’apparition de signes évocateurs d’une hépatite (manque d’appétit, ictère, coloration foncée de l’urine, démangeaisons,).

Des cas d’hépatite ont aussi été décrits avec les autres macrolides, mais les données actuelles ne permettent pas d’estimer si l’hépatotoxicité est plus fréquente avec la télithomycine qu’avec les autres macrolides.

Le Centre Belge de Pharmacovigilance a enregistré un cas bien documenté d’hépatite avec la télithromycine. Il s’agissait d’une patiente de 52 ans traitée pendant 10 jours par la télithromycine (400 mg p.j.) en raison d’une bronchite. Une hépatite d’origine virale a été exclue. L’évolution fut favorable à l’arrêt du traitement. Le Centre a reçu encore d’autres cas d’hépatotoxicité avec la télithromycine, mais ces cas sont mal documentés (évolution inconnue, hépatite virale non exclue).


Troubles visuels

Le Centre Belge de Pharmacovigilance a enregistré 11 cas de troubles visuels apparus lors d’un traitement par la télithromycine. Les symptômes sont parfois survenus dès la première prise du médicament. Chez les patients chez qui l’évolution est connue (9 des 11 patients), celle-ci a été favorable à l’arrêt du traitement. D’après la notice, des troubles visuels sont possibles chez 0,1 à 1% des patients traités; ceux-ci consistent surtout en une vision trouble, des troubles de l’accommodation et, rarement, en une diplopie. Les patients doivent être avertis de ce risque étant donné les conséquences possibles en cas de conduite d’un véhicule. Pour autant que l’on sache, des troubles visuels n’ont pas été décrits avec les autres macrolides. Le mécanisme de cet effet indésirable n’est pas connu.