Usage rationnel des antibiotiques dans les infections aiguës des voies respiratoires en première ligne: mise à jour


Abstract

Un numéro thématique sur l’usage rationnel des antibiotiques dans les infections aiguës des voies respiratoires en première ligne a été publié dans les Folia d’octobre 2004, avec une mise à jour dans les Folia de septembre 2005. Sur base de données récentes, il est rappelé ici que les antibiotiques ne sont en principe pas indiqués dans le traitement en première ligne des infections des voies respiratoires supérieures, de la conjonctivite bactérienne et de la toux. En ce qui concerne le choix de l’antibiotique dans le traitement de la pneumonie acquise en communauté (CAP), les recommandations pour la situation en Belgique n’ont pas changé: l’amoxicilline à doses élevées (3 g p.j. pendant 8 jours) reste en principe le premier choix.

Comme le rappelait aussi la dernière campagne de sensibilisation sur les antibiotiques réalisée en 2004-2005 par la Commission Belge de Coordination de la Politique Antibiotique (BAPCOC), les antibiotiques sont inefficaces dans le traitement des rhumes, des bronchites aiguës et des grippes, et l’usage rationnel des antibiotiques reste une priorité dans la lutte contre leur résistance croissante. Cet article est une mise à jour de notre numéro thématique paru dans les Folia d’ octobre 2004 et de notre article dans les Folia de septembre 2005.


Antibiotiques dans les infections des voies respiratoires supérieures

Plusieurs études randomisées contrôlées et méta-analyses avaient déjà montré que, dans des affections bénignes des voies respiratoires supérieures, telles la rhinosinusite aiguë et l’otite moyenne aiguë (sauf chez les très jeunes enfants), les antibiotiques n’entraînent qu’un faible bénéfice ne justifiant pas leur utilisation systématique. Une méta-analyse [ Brit Med J 2006; 333: 279-81 ] et une étude randomisée contrôlée [ Brit Med J 2006; 333: 321-4 confirment une fois encore la place limitée des antibiotiques dans le traitement en première ligne de la rhinite purulente aiguë ainsi que de la conjonctivite bactérienne aiguë. D’après l’auteur d’un éditorial s’y rapportant [ Brit Med J 2006; 333: 311-2 ; la prescription différée d’antibiotiques [n.d.l.r.: c.-à-d. la remise d’une prescription à n’utiliser qu’en l’absence d’amélioration après quelques jours] est une manière de lutter contre l’utilisation inutile d’antibiotiques. C’est également la conclusion d’une étude sur la prescription différée dans l’otite moyenne aiguë parue récemment dans la JAMA [2006; 296: 1235-41] , avec un éditorial JAMA 2006; 296: 1290-1 ]. Certains préfèrent cependant informer correctement le patient des symptômes d’alarme, et l’encourager à reprendre contact en cas d’aggravation ou de doute après 48 heures.


Antibiotiques dans le traitement de la toux

Comme déjà mentionné précédemment dans les Folia, l’administration d’antibiotiques n’apporte aucun bénéfice et ne se justifie donc pas dans le traitement de la toux due à une bronchite aiguë, sauf chez les patients à risque (p. ex. les immunodéprimés). De même, les antibiotiques ne sont en principe jamais indiqués dans la trachéite aiguë, sauf en cas de diphtérie. Il ressort d’une étude de cohorte réalisée au Royaume-Uni et publiée récemment dans le Brit Med J 2006; 333: 174- 7 ], que chez des enfants en âge scolaire (n = 172) présentant une toux tenace depuis au moins 14 jours, 37,2% d’entre eux présentaient une infection récente à Bordetella pertussis, et ce, malgré que la plupart d’entre eux étaient vaccinés contre la coqueluche. Bien que certains antibiotiques (azithromycine ou clarithromycine) soient efficaces pour éradiquer le Bordetella pertussis, il n’est certainement pas prouvé qu’une antibiothérapie instaurée deux semaines après le début de l’infection diminue la sévérité et la durée des symptômes, ni la transmission de la maladie. Devant une toux tenace, il paraît toutefois utile d’envisager le diagnostic de coqueluche afin d’éviter d’autres investigations et des traitements inutiles. [En ce qui concerne le traitement de la toux, nous renvoyons au Répertoire 2006, p. 133 et aux Folia de décembre 2002 ].


Antibiotiques dans la pneumonie acquise en communauté (CAP)

Bien qu’on ne dispose pas d’études randomisées contrôlées par placebo sur le traitement de la CAP, le consensus est qu’un traitement antibiotique doit être instauré dès que ce diagnostic est posé. Il existe très peu d’études compa-ratives entre les différents antibiotiques et il est difficile de se prononcer quant à la supériorité d’un antibiotique par rapport à un autre. Le choix de l’antibiotique se fera dès lors le plus souvent de manière empirique. Sur base des données épidémiologiques concernant la résistance des germes en Belgique, les recommandations concernant le choix de l’antibiotique pour le traitement de la CAP en première ligne n’ont pas changé.

  • L’amoxicilline à raison de 3 g par jour en 3 prises reste l’antibiotique de premier choix, le pneumocoque étant le germe le plus souvent en cause et parfois à l’origine d’une infection invasive grave.
  • L’association d’acide clavulanique à l’amoxicilline n’est d’aucune utilité pour lutter contre la résistance du pneumocoque, et le risque d’infection par un H. influenzae résistant aux antibiotiques β lactames est très faible chez l’adulte ne présentant pas de comorbidité. L’utilisation de cette association dans la CAP ne se justifie dès lors que chez les personnes âgées ou présentant une comorbidité (p. ex. les patients BPCO).
  • Les macrolides et les tétracyclines ne sont pas des premiers choix vu la résistance croissante des pneumocoques à ces antibiotiques. Un néoma-crolide doit toutefois être associé à l’amoxicilline en cas de suspicion d’une pneumonie atypique.
  • Les antibiotiques plus récents tels les nouvelles quinolones (lévofloxacine et moxifloxacine) et les kétolides ne sont pas non plus recommandés en première ligne; ces quinolones peuvent être données en cas d’allergie (médiée par des IgE) aux antibiotiques β lactames.
  • Le céfuroxime axétil n’est certainement pas un premier choix mais peut être une alternative en cas d’allergie aux pénicillines non médiée par des IgE.

Bien qu’il n’existe pas d’études randomisées concernant la durée optimale de l’antibiothérapie dans la CAP, celle-ci est classiquement de 8 jours,en tout cas, au moins 3 jours après disparition de la fièvre.

Les recommandations de BAPCOC concernant les infections aiguës des voies respiratoires inférieures chez l’adulte viennent d’être publiées et pourront être consultées via www.health.fgov.be/antibiotics .