Prévention de l'endocardite infectieuse


Abstract

Sur base des recommandations révisées de l' American Heart Association, publiées en 2007 concernant la prévention de l' endocardite infectieuse, le Belgian Antibiotic Policy Coordination Committee (BAPCOC), en collaboration avec le Antibioticatherapiebeleidsgroep UZ Leuven, a rédigé de nouvelles recommandations pour la Belgique. Ces recommandations sont résumées ici. Il existe un consensus international croissant selon lequel les interventions et les procédures ont un rôle moins important dans l' apparition d' une endocardite infectieuse que les gestes quotidiens comme se brosser les dents, les nettoyer avec du fil dentaire ou mâcher, particulièrement en cas de mauvaise hygiène buccale. De plus, les preuves qu'une antibiothérapie prophylactique diminue le risque d'endocardite sont très faibles, et il est possible que les avantages d'une antibiothérapie prophylactique ne contrebalancent pas les effets indésirables. Les interventions et les procédures pour lesquelles une antibiothérapie prophylactique est recommandée sont donc limitées; de plus, la prophylaxie n' est plus recommandée que chez les patients présentant des malformations cardiaques associées à un risque élevé d' endocardite infectieuse à pronostic défavorable. En prévention de l'endocardite, les meilleures mesures à prendre consistent en une hygiène buccale journalière optimale ainsi que des contrôles et des traitements dentaires réguliers.

La prévention de l' endocardite infectieuse a été discutée dans les Folia de mars 2000 . Les indications et les schémas d' antibiothérapie prophylactique mentionnés étaient basés sur les recommandations de l' American Heart Association publiées en 1997. En mars 2007, l' American Heart Association a publié des recommandations révisées. Sur base de ces recommandations révisées, le Belgian Antibiotic Policy Coordination Committee (BAPCOC), en collaboration avec le Antibioticatherapiebeleidsgroep UZ Leuven , a rédigé de nouvelles recommandations pour la Belgique; celles-ci paraîtront dans la prochaine édition du Guide des Antibiotiques (2008) [celle-ci sera disponible via www.health. fgov.be/antibiotics/ , cliquer successivement à gauche sur " Pratique ambulatoire " et à droite sur " Recommandations (HTML) "].

Malgré les progrès en matière de diagnostic et de traitement de l'endocardite infectieuse, la morbidité et la mortalité liées à cette affection restent élevées, ce qui reflète entre autres des changements importants en ce qui concerne l'étiologie de l' affection. Dans les pays occidentaux (ce n'est pas le cas des pays en voie de développement), la cardiopathie rhumatismale est devenue un facteur de risque rare, mais d' autres facteurs de risque tels que les valvulopathies dégénératives chez les personnes âgées, l'emploi de drogues par voie intraveineuse, les prothèses valvulaires ou les interventions vasculaires sont devenus de plus en plus fréquents. Le Staphylococcus aureus, souvent dû à une infection nosocomiale, semble être devenu le pathogène le plus fréquent.


Points principaux

  • Une bactériémie répétée due à des gestes quotidiens (p.ex. se brosser les dents, les nettoyer avec du fil dentaire, mâcher), associée à une mauvaise hygiène buccale, a probablement un rôle plus important dans l' apparition d' une endocardite infectieuse que des interventions au niveau des dents ou de la cavité buccale, du système gastro-intestinal ou uro-génital. On estime que l'exposition totale à une bactériémie sur une période d' un an par des gestes quotidiens de routine peut être mille à un million de fois plus importante que celle liée à une seule extraction dentaire. Une hygiène buccale optimale continue, par exemple le brossage régulier des dents et un contrôle dentaire régulier (au moins une fois par an), est dès lors très importante pour diminuer le degré de bactériémie due à des gestes quotidiens. Une antibiothérapie prophylactique avant une intervention, même chez des patients à risque, ne préviendra en tout cas qu' un nombre très limité de cas d'endocardite.
  • Les preuves quant à l' efficacité des antibiotiques dans la prévention de l'endocardite bactérienne due à certaines interventions sont très faibles, et il est peu probable d'obtenir des études qui renforceront ces données en raison entre autres de la faible incidence de l' affection et des objections d'ordre éthique à la réalisation d' une étude contrôlée par placebo. On admet cependant que dans un certain nombre d'interventions et dans certaines situations, une antibiothérapie prophylactique est recommandée ou peut être envisagée; ces situations sont toutefois très limitées par rapport aux recommandations antérieures. Une explication plus détaillée en est donnée ci-dessous. De plus, une prophylaxie n' est plus recommandée que chez les patients présentant des malformations cardiaques associées à un risque élevé d' endocardite infectieuse à pronostic défavorable: les "patients à risque", voir Tableau 1.
  • Sur base des données actuelles, il semble peu probable que les antiseptiques locaux (p.ex. sous forme de bains de bouche) soient efficaces pour diminuer de manière appréciable la fréquence, la gravité ou la durée de la bactériémie due à une intervention dentaire.

Indications et schémas d'antibiothérapie prophylactique

Une antibiothérapie prophylactique est indiquée chez les patients à risque lors de certaines interventions dentaires, et peut être envisagée lors de certaines interventions au niveau des voies respiratoires, du système gastro-intestinal ou uro-génital, ou d'interventions dans un contexte d'infection de la peau, des tissus mous ou musculo-squelettiques.


Interventions dentaires

Une prophylaxie est indiquée chez les patients à risque lors de toute intervention dentaire s'accompagnant d'une manipulation de la gencive ou des tissus de la région périapicale, ou d'une perforation de la muqueuse buccale. Le choix et la posologie de l' antibiotique sont mentionnés dans le Tableau 2.

Les interventions ne justifiant pas d'antibiothérapie prophylactique sont: injection pour anesthésie dans une muqueuse non infectée; réalisation d' examens radiologiques; mise en place d' un appareil orthodontique ou d'une prothèse amovible; adaptation d' appareils orthodontiques; mise en place de brackets orthodontiques; perte des dents de lait et saignement après traumatisme de la lèvre ou de la muqueuse buccale.


Interventions au niveau des voies respiratoires

  • Une prophylaxie peut être envisagée chez les patients à risque lors d'une intervention ou d'une procédure invasive au niveau des voies respiratoires s'accompagnant d'une incision ou d'une biopsie des muqueuses respiratoires (y compris une bronchoscopie rigide). Le choix et la posologie de l' antibiotique sont mentionnés dans le Tableau 2
  • Une prophylaxie peut aussi être envisagée chez les patients à risque qui subissent une intervention au niveau des voies respiratoires dans le but de traiter une infection telle que le drainage d' un abcès ou d'un empyème. Le choix et la posologie de l' antibiotique sont mentionnés dans le Tableau 2. Lorsque l'on sait ou suspecte que l'infection est causée par S. aureus, le schéma antibiotique doit comporter un médicament tel que la flucloxacilline, la céfazoline ou la ceftriaxone; lorsqu' il s' agit d' une infection par S. aureus méticillino- résistant (MRSA) ou en cas d' allergie ou d'intolérance aux antibiotiques β-lactames, la vancomycine constitue le premier choix.

Interventions au niveau du système gastro- intestinal ou uro-génital

  • Une prophylaxie peut être envisagée chez les patients à risque lors des interventions suivantes: cystoscopie ou examen urodynamique en cas d'infection urinaire, biopsie de la prostate ou des voies urinaires, chirurgie prostatique, dilatation uréthrale, dilatation oesophagienne, sclérose de varices oesophagiennes, interventions (endoscopiques ou chirurgicales) pour obstruction des voies biliaires, interventions gynécologiques en cas d' infection, chirurgie avec incision de la muqueuse intestinale, y compris une intervention pour une cholécystite ou l'ouverture d'un trajet de fistules anales. Le choix et la posologie de l'antibiotique sont mentionnés dans le Tableau 3.

C'est à ce niveau que les recommandations belges diffèrent le plus de celles de l' American Heart Association: l'American Heart Association ne recommande plus de prophylaxie pour les interventions mentionnées ci-dessus, sauf si les patients présentent une infection du système uro-génital ou gastro-intestinal; les recommandations belges adoptent donc une attitude plus prudente.

  • En présence d'une infection au niveau du système gastro-intestinal ou uro-génital chez un patient à risque qui subit une intervention invasive et qui reçoit des antibiotiques en prévention d'une infection de plaie ou d'une septicémie, il est recommandé d'inclure dans le schéma antibiotique une substance active contre les entérocoques. Si la voie urinaire est infectée ou colonisée par des entérocoques, une éradication des entérocoques est conseillée avant une cystoscopie ou une autre manipulation au niveau du système uro-génital. Si la procédure ne peut pas s'effectuer de manière élective, il est recommandé d'inclure dans le schéma antibiotique empirique ou orienté une substance active contre les entérocoques (voir Tableau 3).

  • Interventions dans un contexte d'infection de la peau, des tissus mous ou musculo-squelettiques

    • Une prophylaxie peut être envisagée chez les patients à risque qui subissent une intervention dans un contexte d'infection de la peau, des tissus mous ou musculo-squelettiques. Il est recommandé d'inclure dans le schéma antimicrobien un antibiotique actif contre les staphylocoques et les streptocoques β-hémolytiques tels que la flucloxacilline, la céfazoline ou la ceftriaxone; la vancomycine ou la clindamycine constitue un bon choix en cas d'intolérance ou d'allergie aux antibiotiques β-lactames; la vancomycine est le premier choix lorsqu'il s'agit de MRSA.

    Tableau 1. Malformations cardiaques associées à un risque élevé d'endocardite bactérienne à pronostic défavorable

    • Prothèses valvulaires, tant biologiques que mécaniques (y compris les greffes homologues), et après rétablissement chirurgical de la valve.
    • Antécédents d'endocardite infectieuse.
    • Les malformations congénitales suivantes:
      • malformation cardiaque cyanogène congénitale non rétablie, y compris shunts palliatifs et communications;
      • malformations congénitales complètement rétablies au moyen de matériel ou d'appareil prothétique, mis en place soit par chirurgie soit par intervention endovasculaire: seulement dans les 6 premiers mois suivant la procédure;
      • malformation congénitale rétablie avec défaut résiduel à proximité du volet ou de l'appareil prothétique.
    • Valvulopathie après transplantation cardiaque.

    Tableau 2. Schéma d'antibiothérapie prophylactique lors d'interventions dentaires et d'interventions au niveau des voies respiratoires

    • Schéma oral (dose unique 30 à 60 minutes avant l'intervention (1))
      • Patients non allergiques aux pénicillines
        • Amoxicilline
          • Adultes: 2 g
          • Enfants: 50 mg/kg
      • Patients allergiques aux pénicillines
        • Cefalexine (2,3)
          • Adultes: 2 g
          • Enfants: 50 mg/kg
        • ou Clindamycine
          • Adultes: 600 mg
          • Enfants: 20 mg/kg
        • ou Clarithromycine
          • Adultes: 500 mg
          • Enfants: 15 mg/kg
    • Schéma parentéral (administration unique 30 à 60 minutes avant l'intervention (1))
      • Patients non allergiques aux pénicillines
        • Ampicilline
          • Adultes: 2 g i.m. (4) ou i.v.
          • Enfants: 50 mg/kg i.m. (4) ou i.v.
      • Patients allergiques aux pénicillines
        • Céfazoline (3) ou ceftriaxone (3)
          • Adultes: 1 g i.m. (4) ou i.v.
          • Enfants: 50 mg/kg i.m. (4) ou i.v.
        • ou Clindamycine
          • Adultes: 600 mg i.m. (4) ou i.v.
          • Enfants: 20 mg/kg i.m.(4) ou i.v.

    (1) Si pour une raison ou une autre, la dose n'a pas été administrée, l'antibiotique peut être administré jusqu'à 2 heures après l'intervention.

    (2) Ou une autre céphalosporine de première génération, à dose équivalente.

    (3) Une céphalosporine ne peut pas être administrée aux patients ayant des antécédents d'anaphylaxie, d'angioedème ou d'urticaire après administration de pénicillines [n.d.l.r.: à moins qu'il ne s'agisse d'une céphalosporine du 3ème groupe, telle la ceftriaxone].

    (4) L'administration intramusculaire doit être évitée chez les patients sous anticoagulants.


    Tableau 3. Schéma d'antibiothérapie prophylactique lors d'interventions au niveau du système gastro-intestinal ou uro-génital

    • Patients non allergiques aux pénicillines:
      • ampicilline 2 g i.v. (enfant: 50 mg/kg) plus gentamicine 1,5 mg/kg i.v. 30 à 60 minutes avant la procédure (1)
    • Patients allergiques aux pénicillines:
      • vancomycine 1 g i.v. (enfant: 20 mg/kg) administrée sur une durée de 60 minutes plus gentamicine 1,5 mg/kg i.v. (1)

    (1) Si pour une raison ou une autre, la dose n'a pas été administrée, l'antibiotique peut être administré jusqu'à 2 heures après l'intervention.


    D'après

    De Munter P, Peetermans W, au nom du groupe de travail "infectieuze endocarditis profylaxe" du "Antibioticatherapiebeleidsgroep UZ Leuven".: Wijzigingen in de richtlijnen voor endocarditisprofylaxe. Tijdschr voor Geneeskd 2008; 64: 219-24

    Harrison JL, Hoen B et Prendergast BD.: Antibiotic prophylaxis for infective endocarditis (Commentaire). Lancet 2008; 371: 1317-9

    Wilson W, Taubert KA, Gewitz M, Lockhart PB, Baddour LM, Levison M et al.: Prevention of infective endocarditis. Guidelines from the American Heart Association. A guideline from the American Heart Association Rheumatic Fever, Endocarditis, and Kawasaki Disease Committee, Council on Cardiovascular Disease in the Young, and the C Circulation 2007; 115

    [la partie de la directive concernant la dentisterie a également été publiée dans le J Am Dent Assoc 2007; 138: 739–60 ]