Ostéoporose postménopausique: données récentes


Abstract

Cet article attire l’attention sur des données récentes à propos de médicaments utilisés dans l’ostéoporose postménopausique: augmentation possible du risque cardio-vasculaire avec des suppléments en calcium, l’enregistrement d’une spécialité à base d’acide zolédronique pour administration intraveineuse une fois par an, et le risque possible de fibrillation auriculaire associé aux diphosphonates. Ces données sur la suspicion d’effets indésirables incitent à la prudence, mais elles ne modifient pas les recommandations sur la prise en charge de l’ostéoporose [voir julliet 2007].

Sur base de publications récentes, cet article apporte quelques données complémentaires à l’article paru dans les Folia de juillet 2007 sur la prévention et le traitement de l’ostéoporose postménopausique. Pour un aperçu général de la prise en charge de l’ostéoporose, nous renvoyons à la Fiche de transparence " Traitement médicamenteux de l’ostéoporose " annexée à ce numéro des Folia.


Calcium et risque cardio-vasculaire

Des données suggèrent que la prise de calcium augmenterait le risque cardio-vasculaire. L’apport de suppléments en calcium (en moyenne 1 g par jour) et/ou en vitamine D (800 UI par jour) est recommandé chez les femmes dont l’apport alimentaire en calcium est insuffisant ou dont l’exposition au soleil est insuffisante, en particulier chez les femmes vivant en institution et les femmes âgées de plus de 75 ans en général, ainsi que chez les femmes de peau foncée, surtout si elles sont voilées. Des suppléments en calcium et en vitamine D sont également indiqués en association à d’autres médicaments contre l’ostéoporose.

En ce qui concerne l’effet du calcium sur le risque cardio-vasculaire, il a été suggéré sur base d’études d’observation que des suppléments en calcium auraient également un rôle protecteur contre les maladies cardio-vasculaires. Dans une étude randomisée récente contrôlée par placebo, portant sue 1.500 femmes ménopausées (âge moyen de 70 ans) en bonne santé, un effet défavorable sur le risque d’infarctus du myocarde, d’accident vasculaire cérébral et de mort subite a par contre été observé chez les femmes ayant pris un supplément de 1 g de calcium par jour par rapport aux femmes ayant pris un placebo: un infarctus du myocarde supplémentaire a été observé sur 44 femmes traitées pendant 5 ans par du calcium (Number Needed to Harm ou NNH de 44), et un accident vasculaire cérébral supplémentaire sur 56 femmes traitées pendant 5 ans par du calcium (NNH de 56). Il s’agit toutefois de critères d’évaluation secondaires dans une étude dont l’objectif primaire n’était pas d’évaluer les risques cardio-vasculaires. De plus, après validation des accidents cardio-vasculaires et correction de la sous-notification, la différence entre les deux groupes n’était plus statistiquement significative. Dans d’autres études randomisées à large échelle, comme la Women’s Health Initiative , aucune augmentation du risque cardio-vasculaire n’a été observée avec des suppléments en calcium. Cette étude ne permet donc pas de tirer des conclusions, et ne modifie finalement en rien la recommandation sur les suppléments en calcium chez les femmes ménopausées.


Diphosphonates

La spécialité à base d' acide zolédronique Aclasta® a été récemment enregistrée, pour administration intraveineuse à raison d’une fois par an (5 mg), pour le " traitement de l' ostéoporose chez les femmes ménopausées présentant un risque accru de fracture" (une intervention de l’INAMI dans cette indication est prévue sous certaines conditions à partir du 1er juillet 2008 (catégorie b, chapitre IV); cette indication ne figure pas dans la notice de l' autre spécialité à base d' acide zolédronique Zometa®, situation au 1er juin 2008). L’approbation de cette indication repose sur les résultats de deux études randomisées en double aveugle, contrôlées par placebo, dans lesquelles un effet favorable sur le risque de fractures a été démontré avec l’acide zolédronique administré une fois par an par voie intraveineuse.

  • L’étude HORIZON pivotal fracture , chez des femmes ostéoporotiques et/ou avec des antécédents de fractures vertébrales, a montré après une période de 3 ans, une diminution statistiquement significative du risque de fracture vertébrale symptomatique (Number Needed to treat ou NNT de 47, c.-à-d. que 47 femmes devaient être traitées pendant 3 ans par l’acide zolédronique par rapport au placebo pour prévenir une fracture vertébrale symptomatique supplémentaire), de fracture de la hanche (NNT de 91) et d’autres fractures.
  • L’étude HORIZON recurrent fracture , chez des femmes avec des antécédants de chirurgie en raison d’une fracture de la hanche dans les 3 mois précédant le début de l’étude, a montré après une période de 1,9 an une diminution statistiquement significative du risque de fracture vertébrale symptomatique (NNT de 47), de fracture de la hanche (NNT de 66) et de la mortalité (NNT de 27).

En l’absence d’études comparatives, il est difficile de situer avec précision la place de l’acide zolédronique par rapport aux autres diphosphonates (par voie orale ou intraveineuse) dans la prise en charge de l’ostéoporose. L’administration d’acide zolédronique une fois par an peut améliorer l’observance du traitement.

Les effets indésirables les plus fréquemment rapportés dans les études HORIZON consistaient en des réactions à la perfusion, le plus souvent lors de la première perfusion, caractérisées par de la fièvre, des céphalées, des douleurs musculaires et articulaires.

Les études HORIZON n’ont pas apporté d’arguments en faveur d’une augmentation du risque d’ostéonécrose de la mâchoire. Ces études ne permettent cependant pas de détecter des effets indésirables rares. Bien que les cas d’ostéonécrose de la machoire aient surtout été observés chez des patients cancéreux traités par l’acide zolédronique et/ou le pamidronate à des doses beaucoup plus élevées que celles utilisées dans l’ostéoporose, la prudence reste également de rigueur dans le traitement de l’ostéoporose, et l’instauration d’un traitement par un diphosphonate est une bonne occasion pour accorder une attention préalable à l’hygiène buccale et dentaire. Un traitement par un diphosphonate dans le cadre de l’ostéoporose n’est toutefois pas une raison pour postposer un traitement dentaire courant, et une interruption de courte durée (quelques jours ou semaines) du traitement n’a pas de sens étant donné la longue durée de rétention des diphosphonates dans le squelette [voir aussi janvier 2006].

Dans une des études HORIZON, l’étude HORIZON pivotal fracture , une incidence accrue de fibrillation auriculaire " grave " (sans précision du terme " grave ") a été observée dans le groupe traité par l’acide zolédronique par rapport au groupe placebo (1,3% versus 0,5%); celle-ci est apparue dans la plupart des cas plus d’un mois après la perfusion. Une augmentation du risque de fibrillation auriculaire avait déjà été suggérée avec l’acide alendronique (administré par voie orale). D’autre part, une étude cas-témoins récente n’a pas montré d’augmentation du risque de fibrillation auriculaire ou de flutter avec l’acide alendronique et l’acide étidronique (administrés par voie orale). D’après l’auteur d’un éditorial se rapportant à cette étude, le risque de fibrillation auriculaire dû aux diphosphonates, du moins en cas d’administration par voie orale, reste faible, et ce risque potentiel ne contrebalance pas l’intérêt de ces médicaments dans la prévention des fractures ostéoporotiques; les données concernant le risque de fibrillation auriculaire en cas d’administration intraveineuse incitent à la prudence et nécessitent des études supplémentaires.


Conclusion

Ces données récentes ne modifient en rien les recommandations sur la prise en charge de l’ostéoporose, comme détaillé dans les juillet 2007 et dans la Fiche de transparence " Traitement médicamenteux de l’ostéoporose ". Les médicaments ne représentent qu’un seul aspect de la prise en charge multifactorielle (prévention et traitement) des fractures. D’autres facteurs de risque de fractures, comme la prise de médicaments à effet sédatif, l’hypotension orthostatique, des problèmes visuels, auditifs, neurologiques, la faiblesse musculaire liée à l’âge et des facteurs environnementaux, doivent également être pris en considération. Le bénéfice d’un traitement médicamenteux en terme de diminution du risque de fracture est en tout cas le plus marqué dans les formes graves d’ostéoporose, p. ex. en cas d’antécédents de fractures.


Notes

Un supplément alimentaire Calx-Plus®, contenant par comprimé 600 mg de calcium, 300 UI de vitamine D et 65 μg de vitamine K (phytoménadione) est disponible depuis peu. Ce produit est proposé " en cas de besoin accru en calcium lié à la ménopause ou à la croissance ". L’utilité de suppléments en vitamine K, dans le cadre p. ex. de la prévention de l’ostéoporose, n’est pas suffisamment prouvée actuellement, et l’apport systématique de suppléments n’est pas recommandé [entre autres 2006; 166: 1256-61]. De plus, le Centre Belge de Pharmacovigilance a reçu récemment une notification de tests de coagulation perturbés (diminution de l’anticoagulation) après l’instauration d’un traitement par Calx-Plus® chez une femme âgée qui était déjà traitée depuis longtemps par l’ antagoniste de la vitamine K acénocoumarol (Sintrom®).


D' après

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