Génériques: quelques commentaires


Abstract

Cet article attire l’attention sur un certain nombre d’aspects concernant les génériques, en particulier leur coût, l’observance du traitement, la bioéquivalence et l’équivalence clinique. Lors de l’enregistrement d’un générique, on veille à ce que sa biodisponibilté soit équivalente à celle du médicament de référence, la spécialité originale par rapport à laquelle se positionne le générique (" bioéquivalence "). La bioéquivalence signifie en principe qu’il y a une équivalence clinique, ce que renforcent des données récentes. Certains problèmes signalés lors du passage d’une spécialité originale à un générique ne s’expliquent pas toujours. Au moment de prescrire un générique ou de passer d’une spécialité à une autre, il est essentiel de le faire en concertation avec le patient afin d’éviter toute confusion ou méfiance. Il est préférable de ne pas changer de spécialité pour les médicaments qui ont une marge thérapeutique-toxique étroite.


Génériques: moindre coût

Les génériques sont presque toujours moins onéreux que les spécialités originales, ce qui constitue un avantage pour les patients, en particulier ceux à faible revenu.

Dès que le remboursement est approuvé, un médicament générique doit être au moins 30% moins cher que le médicament de référence, la spécialité originale par rapport à laquelle se positionne le générique. Les génériques remboursés sont par définition des "médicaments bon marché", signalés par le symbole sur notre site Web. Cette différence de prix par rapport au médicament de référence peut fluctuer avec le temps, suite aux diminutions de prix volontaires et/ou aux mesures imposées par les autorités. Il se peut ainsi qu’en raison de dispositions légales, la spécialité originale devienne aussi " bon marché " voire même moins onéreuse que le générique, sans que le symbole ne lui soit pour autant attribué.


Génériques: meilleure observance du traitement ?

Il ressort d’une étude nord-américaine que la prescription de médicaments moins onéreux pour le patient améliore l’observance du traitement par rapport aux alternatives plus coûteuses pour le patient [ Arch Intern Med 2006; 166: 332-7]. Il faut toutefois être conscient du fait que ce constat fait aux Etats-Unis ne reflète pas nécessairement l’usage des médicaments dans notre pays.


Bioéquivalence

Le terme "médicament générique" a un cadre légal bien défini en Belgique. Un médicament générique doit (1) contenir le même principe actif et le même dosage par unité que le médicament de référence (c.-à-d. être chimiquement équivalent), (2) avoir la même forme pharmaceutique et la même voie d’administration, et (3) avoir une biodisponibilité identique (c.-à-d. le même profil de concentration plasmatique en fonction du temps) que le médicament de référence (c.-à-d. être bioéquivalent).

Pour vérifier la bioéquivalence, on compare les moyennes géométriques* de certains paramètres pharmacocinétiques (e.a. Area Under the Curve ou AUC, et concentration plasmatique maximale ou Cmax) des deux médicaments. Lorsque la biodisponibilité est identique, le rapport AUCgénérique /AUCréférence et Cmaxgénérique /Cmaxréférence est égal à 1 (donc 100%). Deux médicaments sont bioéquivalents lorsque les intervalles de confiance à 90% pour ces rapports se situent entre 80 et 125% (exceptionnellement entre 75 et 133%). Pour les médicaments dont la marge thérapeutique-toxique est étroite (c.-à-d. que la dose toxique est proche de la dose efficace), l’Agence européenne des médicaments exige généralement une marge plus étroite des intervalles de confiance à 90% (généralement entre 90 et 111%). Pour plus d’informations sur la bioéquivalence, voir Guideline on the investigation of bioequivalence (CHMP) www.emea.europa.eu/pdfs/human/qwp/140198enrev1.pdf ]. Ces données sont contrôlées lors de l’enregistrement du médicament. [Voir aussi le site Web de l’Agence Fédérale des Médicaments et des Produits de Santé www.afmps.be , cliquer à droite sur "Médicaments originaux et génériques"].

* La moyenne géométrique de n nombres se calcule en multipliant les nombres entre eux, et en prenant ensuite la racine carrée n-ième du produit calculé.

Il faut toutefois remarquer que le générique peut se distinguer du médicament de référence sur un certain nombre de points, par exemple en ce qui concerne la couleur, la forme, les excipients ou le procédé de fabrication. Il est recommandé de contrôler les excipients (p.ex. les colorants) en cas d’utilisation chez les (rares) patients ayant des antécédents d’allergie à de tels produits. Si l’on souhaite passer d’une spécialité originale à un générique (ou inversement), ou d’un générique à un autre, il convient de tenir compte de tous ces éléments [voir Folia de février 2006 ].


Equivalence clinique

Lorsque deux médicaments sont bioéquivalents, autrement dit lorsque leur profil de concentration plasmatique en fonction du temps est équivalent, ils sont en principe cliniquement équivalents. Certains se posent cependant encore la question de savoir dans quelle mesure la bioéquivalence signifie nécessairement équivalence clinique. Ceci a été étudié dans une méta-analyse de 47 études (38 études étaient randomisées; les études étaient généralement de petite taille et avaient rarement des critères d’évaluation majeurs) ayant comparé les effets et l’innocuité des génériques par rapport aux spécialités originales, dans le domaine cardiovasculaire [ JAMA 2008; 300: 2514-26 , avec une discussion dans EBM 2009; 14: 81]. Une équivalence clinique a été constatée entre les génériques et les spécialités originales pour les β-bloquants, les diurétiques, les antagonistes du calcium (avec parfois une certaine différence, au niveau de l’intervalle PR à l’ECG p.ex., mais celle-ci était considérée comme peu significative), les antiagrégants, les statines, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) et les α-bloquants.


Méfiance de plusieurs éditorialistes

Les auteurs de l’étude JAMA mentionnée ci-dessus ont également comparé la conclusion de leur méta-analyse, à savoir que les génériques ne sont pas inférieurs aux spécialités originales, avec ce qui a été écrit à ce sujet dans des éditoriaux. Dans 53% des 43 éditoriaux analysés, un commentaire négatif était donné concernant la prescription de génériques.

Cette critique négative n’était cependant jamais clairement argumentée, et des facteurs tels que l’expérience clinique personnelle ou d’éventuels "conflits d’intérêts" (qui n’étaient pratiquement jamais mentionnés dans les éditoriaux) peuvent avoir un rôle.


Quelques commentaires en guise de conclusion

Des problèmes sont signalés sporadiquement en cas de passage d’une spécialité originale à un générique (p.ex. réapparition des symptômes de la maladie pour laquelle le médicament a été administré, ou apparition d’effets indésirables). Ceci ne s’explique pas toujours. Certains facteurs, tels que la couleur ou la forme du médicament, peuvent avoir un impact psychologique sur la façon dont le patient accepte le traitement par un générique. Au moment de prescrire un générique, il est donc essentiel de le faire en concertation avec le patient afin d’éviter toute confusion ou méfiance qui pourraient entraver la bonne observance du traitement.

Dans le cas des médicaments qui ont une marge thérapeutique-toxique étroite, il est préférable de ne pas changer de spécialité (passage d’une spécialité originale à un générique ou inversement). Si un tel changement a quand même lieu, il doit se faire avec prudence. Il est en tout cas recommandé de suivre le patient plus régulièrement afin de déceler à temps une éventuelle différence individuelle dans la réponse au traitement [voir Folia de février 2006 ].


Référence utile

Bogaert M et Chevalier P.: De klinische equivalentie de generieken. Minerva 2008; 8: 41