Pharmacovigilance: hépatotoxicité du paracétamol à dose thérapeutique chez des patients à risque

Le paracétamol est bien toléré aux doses recommandées et constitue généralement le traitement de premier choix de la douleur et de la fièvre. Un surdosage important (à partir de 10 g chez l’adulte et de 150 mg/kg chez l’enfant), peut donner lieu à une hépatotoxicité grave avec ictère et parfois nécrose fatale. Cette hépatotoxicité ne survient souvent que 24 à 48h après l’ingestion. Le seuil d’hépatotoxicité diminue chez les patients à risque: en cas d’alcoolisme, de malnutrition chronique, d’insuffisance hépatique ou rénale et chez les adultes dénutris (< 50 kg). Il a été suggéré que le risque de toxicité hépatique du paracétamol est également accru en cas d’utilisation d’inducteurs enzymatiques tels que la carbamazépine, le phénobarbital ou la phénytoïne. L’importance clinique de cette interaction n’est cependant pas prouvée.

D’autre part, il est possible que le paracétamol soit moins efficace chez les patients sous inducteur enzymatique, et il semble prudent de ne certainement pas dépasser la dose maximale chez ces patients.

Le Brit Med J [2010; 341: c6764 , avec courriers de lecteurs Brit Med J 2011; 342: d625 et : d628] a récemment attiré l’attention sur la survenue de deux cas d’hépatotoxicité grave suite à l’utilisation de paracétamol à la dose journalière maximale recommandée (4 g p.j.) chez des patients à risque.

  • Le premier cas concernait un homme de 43 ans atteint de la maladie de Crohn qui a reçu une dose de 4 g par jour de paracétamol per os. Quatre jours après le début du traitement, le patient a présenté une insuffisance hépatique aiguë. Malgré une prise en charge rapide, le patient est décédé 8 jours plus tard. Il est probable que cette hépatotoxicité ait été favorisée par le poids extrêmement faible du patient (30 kg).
  • Dans le second cas, il s’agit d’une femme de 32 ans, pesant 44 kg et ayant des antécédents d’alcoolisme. Trois jours après le début du traitement par le paracétamol (4 g p.j. per os) pour traiter une douleur abdominale due à une gastrite, la patiente a présenté une insuffisance hépatique grave. Un traitement par la N-acétylcystéine a permis une évolution favorable de la fonction hépatique.

L’article du British Medical Journal ne remet pas en cause la recommandation d’utiliser de préférence le paracétamol pour le traitement symptomatique de la douleur et de la fièvre, si nécessaire à des doses importantes (jusqu’à 4 g p.j.) pour obtenir une efficacité suffisante. On évitera néanmoins d’administrer une dose journalière supérieure à 3 g chez des adultes présentant des facteurs de risque tels que l’alcoolisme ou un poids inférieur à 50 kg.