Incidence croissante de la coqueluche: doit-on revoir la stratégie de vaccination ?


Abstract

Partout dans le monde, y compris dans les pays industrialisés, on observe une incidence croissante de la coqueluche. La protection conférée par le vaccin contre la coqueluche ne dure que quelques années. Il en résulte que la bactérie continue à circuler, et que par conséquent, les jeunes nourrissons, chez lesquels l’évolution peut être la plus sévère, courent le risque d’être infectés. Il est important de suivre correctement les recommandations en matière de vaccination contre la coqueluche, et d’accorder une attention particulière à la vaccination des personnes qui sont fréquemment en contact avec des nourrissons (" vaccination cocoon "). On évalue actuellement si la stratégie de vaccination doit être adaptée pour améliorer la protection des jeunes nourrissons qui ne sont pas encore ou que partiellement vaccinés: il est proposé de vacciner les femmes enceintes ou d’anticiper encore la primovaccination du nourrisson.

La vaccination généralisée contre la coqueluche a fortement réduit l’incidence de la coqueluche. On observe cependant depuis les années ’90, dans plusieurs pays industrialisés, une augmentation progressive du nombre de cas de coqueluche (entre autres en Belgique, aux Pays-Bas, aux Etats-Unis, au Royaume-Uni), avec parfois même des poussées épidémiques. Ni le fait d’avoir fait l’infection ni la vaccination ne confèrent une immunité à vie contre la coqueluche, et Bordetella pertussis continue à circuler. L’augmentation de l’incidence de la coqueluche s’explique d’une part par l’attention plus grande accordée à la coqueluche et par l’amélioration des techniques de diagnostic, mais elle pourrait également s’expliquer par l’utilisation depuis les années ’90 des vaccins acellulaires contre la coqueluche. Ces vaccins acellulaires sont un peu moins efficaces que les vaccins contre la coqueluche à germes entiers que l’on utilisait auparavant, mais qui provoquaient plus fréquemment des effets indésirables (par ex. des convulsions). On sait que la protection conférée par le vaccin acellulaire diminue fortement dans les 5 à 10 ans après la dernière vaccination. Les résultats d’une étude menée en Californie (Etats-Unis) suggèrent que dans certains cas, la protection devient déjà insuffisante dès les premières années après la vaccination de rappel à l’âge de 5 à 7 ans.

Les jeunes nourrissons risquent donc fortement d’entrer en contact avec la bactérie. La vaccination contre la coqueluche vise en premier lieu à éviter la coqueluche chez les jeunes nourrissons qui ne sont pas encore ou que partiellement vaccinés: c’est en effet surtout chez ces très jeunes enfants que l’évolution de la coqueluche peut être grave voire fatale. C’est pourquoi il est important de bien suivre les recommandations en matière de vaccination contre la coqueluche: 1 e dose dès l’âge de 8 semaines, puis une dose à l’âge de 12 semaines, 16 semaines et 15 mois, et une vaccination de rappel à l’âge de 5 à 7 ans et à l’âge de 14 à 16 ans (pour plus de détails, voir le tableau 12a dans le Répertoire Commenté des Médicaments). Une attention particulière doit aussi être accordée à la vaccination des adultes qui sont fréquemment en contact avec des nourrissons, tels que les jeunes parents, les grands-parents (" vaccination cocoon ") [à ce sujet, voir aussi les Folia d' avril 2008 et mars 2009 ].

Plusieurs pays, dont la Belgique, évaluent actuellement si la stratégie de vaccination doit être adaptée. Une piste possible pourrait être de vacciner les femmes enceintes. Au Royaume-Uni, il a été décidé en 2012 de vacciner contre la coqueluche les femmes enceintes entre la 28 e et la 38 e semaine de grossesse. Aux Etats-Unis, on recommande depuis 2011 la vaccination des femmes enceintes après la 20 e semaine de grossesse. La vaccination par des vaccins non vivants tels que le vaccin contre la coqueluche est considérée comme inoffensive en période de grossesse, mais les données restent rares et un suivi s’impose. Un transfert placentaire des anticorps contre la coqueluche a été démontré, mais on ignore actuellement dans quelle mesure cela peut diminuer le nombre de complications graves liées à la coqueluche chez les nourrissons âgés de moins de 2 mois.

Une alternative possible serait d’anticiper la primovaccination contre la coqueluche, en administrant une première dose directement après la naissance; des données supplémentaires concernant la réponse immunitaire s’avèrent nécessaires pour évaluer l’efficacité d’une telle stratégie.

L’amélioration du vaccin contre la coqueluche (avec une immunité plus longue) serait certainement utile, mais il n’en est pas encore question pour l’instant.

[ N Engl J Med 2012; 367: 1012-9 (doi:10.1056/NEJMoa1200850) et 2012; 367: 785- 7 (doi:10.1056/NEJMp1209051); JAMA 2012; 308: 1199-201 ; www.dh.gov.uk/health/2012/09/whooping-cough (communiqué du 28/09/12); Brit Med J 2012; 345: e6594 (doi:10.1136/bmj.e6594); https://www.wiv-isp.be/news/Pages/NL-BordetellaPertussis.aspx# (communiqué du 21/09/12); www.cdc.gov/mmwr/preview/mmwrhtml/ mm6041a4.htm et www.cdc.gov/vaccines/recs/provisional/downloads/Tdap-pregnant-Oct-2012.pdf ]