Dompéridone et troubles du rythme cardiaque

Dans les Folia de novembre 2012 , on attirait l’attention sur le risque d’allongement de l’intervalle QT et sur le risque de torsades de pointes avec des médicaments. La dompéridone (Motilium® et génériques; en association avec la cinnarizine: Touristil®) est l’un des médicaments pouvant provoquer un allongement de l’intervalle QT. Sur base d’études épidémiologiques et de rapports de cas, il y a des indices d’un risque accru d’arythmies ventriculaires et de mort subite avec la dompéridone [voir Folia de novembre 2011 et communiqué du 14/03/13 dans la rubrique " Bon à savoir " du site internet du CBIP]. Dans cet article, on discute 3 cas d’arythmies graves chez des patients ayant pris de la dompéridone, rapportés récemment au Centre belge de pharmacovigilance.

  • Le premier cas concerne une femme de 20 ans souffrant de malformation cardiaque congénitale (malformation du septum ventriculaire) et portant depuis longtemps un pacemaker avec holter permanent. La femme a été traitée pendant 4 jours par la moxifloxacine (400 mg p.j.) et par la dompéridone (7 comprimés pendant les 4 jours). La patiente a développé une arythmie ventriculaire et est décédée suite à un arrêt cardiaque. Une analyse du holter a montré un intervalle QT allongé. Il est possible qu’une interaction pharmacodynamique entre la dompéridone et la moxifloxacine, qui peut aussi allonger l’intervalle QT, ait pu conduire à l’arythmie chez cette patiente à risque.
  • Le second cas concerne une patiente de 91 ans qui, au cours d’un traitement par la dompéridone (1 à 2 comprimés, 3 à 4 fois par jour pendant 10 jours), a développé des troubles du rythme cardiaque. Elle prenait aussi e.a. de la clarithromycine depuis 8 jours, du donépézil et de la méthylprednisolone. Il est possible qu’une interaction pharmacocinétique et pharmacodynamique de la dompéridone avec la clarithromycine qui freine la métabolisation de la dompéridone (via l’inhibition du CYP3A4) et qui peut aussi allonger l’intervalle QT, ait conduit à l’arythmie cardiaque. De plus, le donépézil est bradycardisant, ce qui constitue aussi un facteur de risque de torsades de pointes.
  • Le troisième cas concerne une patiente de 81 ans, hypertendue et ayant des antécédents d’attaque ischémique transitoire. Elle est décédée brutalement. Un mois avant le décès, on a constaté un intervalle QT allongé, par un ECG réalisé à l’occasion d’une intervention chirurgicale. Elle avait débuté un traitement par la dompéridone (10 mg 3 fois par jour) la veille de son décès.

Plusieurs facteurs rendent difficile la détermination du lien de causalité entre les problèmes cardiaques et la prise de dompéridone. Il s’agissait de 3 patientes à risque. De plus, chez les personnes âgées, une ischémie coronaire se manifeste parfois de manière atypique par une douleur épigastrique, des nausées ou vomissements; un syndrome coronaire aigu peut donc aussi être interprété comme un problème gastrique pour lequel la prise de dompéridone a débuté. Néanmoins, on ne peut pas exclure que la dompéridone ait pu jouer un rôle dans la survenue des arythmies et de la mort subite.

L’Agence Européenne des Médicaments (EMA) revoit actuellement la balance bénéfice- risque de la dompéridone [voir communiqué du 14/03/13 à la rubrique " Bon à savoir " du site internet du CBIP]. Dans l’attente de l’avis de l’EMA, on peut donner les recommandations suivantes.

  • La dompéridone (et bien entendu l’association fixe avec la cinnarizine) ne doit pas être utilisée sans limite pour tout désagrément.
  • Les mesures de précaution visant à limiter au maximum le risque d’allongement du QT, mentionnées dans les Folia de novembre 2012 , doivent être prises en compte. La domperidone ne doit p.ex. pas être utilisée chez des patients présentant une prolongation des intervalles de conduction cardiaque (particulièrement QTc) et la présence de facteurs de risque d’allongement de l’intervalle QT ou de torsades de pointes doit être vérifiée; il s’agit p.ex. de troubles électrolytiques, d’affections cardiaques telles que décompensation cardiaque, ou de la prise concomitante d’autres médicaments qui allongent l’intervalle QT ou d’inhibiteurs du CYP3A4 [voir tableau Ib dans le Répertoire].
  • La dompéridone doit être utilisée avec prudence chez les enfants et les adolescents, et il est préférable d’éviter les doses supérieures à 30 mg par jour.

L’agence fédérale des médicaments et des produits de santé (afmps) a récemment décidé de soumettre à prescription la délivrance de tous les médicaments contenant de la dompéridone, afin de limiter la non-détection de facteurs de risque d’effets indésirables cardiaques [voir communiqué du 07/05/2013 de l’afmps via www.fagg-afmps.be/fr/news/news_domperidone_ 2013_05.jsp ]. Il est à noter que la dompéridone est déjà sur prescription médicale dans la majorité des pays européens.

Afin de mieux connaître le profil de sécurité d’un médicament, il est important de notifier au Centre belge de Pharmacovigilance les suspicions d’effets indésirables. Ceci peut se faire de préférence en ligne via le site internet www.fichejaune.be ou via la fiche jaune papier.