Prise en charge en première ligne de la diarrhée aiguë chez l’enfant


Abstract

La plupart des cas de diarrhée aiguë chez l’enfant évoluent spontanément de manière favorable et ne nécessitent pas de traitement médicamenteux. En première ligne, une réhydratation s’avère toutefois nécessaire en cas de risque de déshydratation ou en présence de signes de déshydratation. Dans ce cas, on optera de préférence pour une solution orale de réhydratation de faible osmolalité. Une antibiothérapie ne se justifie qu’exceptionnellement. Les antidiarrhéiques tels que le lopéramide et les adsorbants ne sont pas recommandés.

La diarrhée aiguë chez l’enfant est un problème pour lequel les médecins et les pharmaciens sont très fréquemment consultés en première ligne, et dont la prise en charge repose parfois sur des croyances et des mesures traditionnelles non fondées. La diarrhée aiguë se caractérise par l’apparition brutale de selles plus molles et plus fréquentes (au moins 3x/ jour pendant plus de 24 heures). La plupart des cas de diarrhée aiguë sont d’origine virale, et leur évolution est le plus souvent spontanément favorable à condition de veiller à éviter l’apparition d’un état de déshydratation. Il convient également d’être attentif à la présence de symptômes tels que la présence de sang dans les selles pouvant être le signe d’une affection plus sévère. La prise en charge de la diarrhée aiguë a déjà fait l’objet d’un article dans les Folia d' août 2005 . Cet article traite ici spécifiquement de la prise en charge en première ligne de la diarrhée aiguë chez l’enfant, sur base entre autres des recommandations du National Institute for Health and Clinical Excellence (avril 2009) [via www.nice.org.uk/guidance/CG84 ] et des recommandations de BAPCOC sur la gastro-entérite aiguë (en préparation). La prise en charge de la diarrhée du voyageur n’est pas discutée ici.


Evaluation de l’état d’hydratation chez l’enfant

Les nourrissons et les jeunes enfants font partie des groupes à risque de déshydratation. Celle-ci peut être une complication grave de la diarrhée aiguë, et il est dès lors important de ne pas sous-estimer les signes cliniques d’une déshydratation.

  • Une déshydratation modérée chez l’enfant se caractérise entre autres par un état irritable, de l’agitation, un enfoncement des yeux, l’absence de larmes, une sécheresse de la bouche et de la langue, une sensation de soif, une oligurie (langes secs), la disparition lente du pli cutané et un temps de remplissage capillaire de 2 à 3 secondes.
  • Une déshydratation grave chez l’enfant se caractérise entre autres par un état léthargique, un pli cutané persistant, une tachycardie, un temps de remplissage capillaire de plus de 3 secondes.

Conseils diététiques

De manière générale, il est recommandé de boire davantage afin de compenser les pertes liquidiennes, et en cas de vomissements et de crampes abdominales, de prendre plus fréquemment de plus petits repas. Il n’y a en principe pas de raison d’appliquer des mesures de restriction alimentaire, sauf pendant la période de réhydratation en cas de déshydratation. Dans ce cas, l’alimentation habituelle sera interrompue pendant la période de réhydratation de 4 à 6 heures, et sera reprise normalement après correction de la déshydratation. Chez les enfants nourris au sein, l’allaitement peut être poursuivi, même en cas d’administration de solutions orales de réhydratation. L’intolérance au lactose secondaire (c.-à-d. suivant une gastro-entérite) ne se rencontre pratiquement plus dans les pays occidentaux et il n’y a donc aucune raison de diluer le lait.


Solutions orales de réhydratation

L’administration d’une solution orale de réhydratation s’avère nécessaire en présence de signes de déshydratation (voir ci-dessus) ainsi qu’en prévention de la déshydratation chez les enfants avec un risque accru de déshydratation (en cas de diarrhée aqueuse avec plus de 6 défécations/jour associée à des vomissements, ainsi qu’en cas de diarrhée chez les enfants avec un poids < 7 kg). Dans la plupart des cas, la réhydratation par voie orale est aussi efficace et provoque moins d’effets indésirables (troubles électrolytiques, phlébite…) que la réhydratation parentérale. Les solutions orales de réhydratation de faible osmolalité commercialisées dans nos régions (p. ex. Alhydrate®, ORS®, Soparyx®) dont la composition correspond bien à la composition actuelle de solution orale de réhydratation, proposée par l'Organisation Mondiale de la Santé, peuvent être utilisées [texte mis à jour le 01/10/11]. L’ajout de sucre ou de sirop dans le but de modifier le goût augmente fortement l’osmolalité et est à déconseiller. Les solutions de réhydratation ne peuvent pas servir à la préparation du lait artificiel. Les boissons énergétiques pour le sport, les limonades (coca…) et les jus de fruits ne peuvent pas être utilisés en remplacement de solutions de réhydratation; pris en grande quantité, ils peuvent en effet prolonger la diarrhée en raison de leur osmolalité élevée.

La posologie recommandée pour les solutions de réhydratation est la suivante:

  • en prévention (chez les patients à risque de déshydratation): 10 ml/kg par épisode de défécation liquide;
  • en présence de signes de déshydratation: 50 à 75 ml/kg à administrer sur une période de 4 à 6 heures, et ceci par petites quantités (cuiller par cuiller), surtout en cas de vomissements.

Traitement médicamenteux

Les médicaments ne sont généralement pas nécessaires dans la prise en charge en première ligne de la diarrhée aiguë chez l’enfant. Pour aucun d’entre eux, il n’existe de preuves tangibles d’un effet significatif sur l’évolution de la diarrhée aiguë, ni sur la prévention de la déshydratation.

  • La prescription d’ antibiotiques en cas de gastro-entérite ne se justifie en principe pas en pratique ambulatoire, sauf chez les patients à risque (p. ex. les immunodéprimés). En cas de dysenterie (diarrhée sanglante et glaireuse), une analyse des selles avec coproculture est indispensable. Même en cas d’infection bactérienne, l’intérêt d’une antibiothérapie est limité (voir ci-dessous).
  • L’utilisation de lopéramide est en principe déconseillée chez l’enfant. Dans les études, un effet limité sur la durée de la diarrhée a été observé, mais avec des doses de lopéramide supérieures aux doses journalières recommandées. Il convient en outre de tenir compte des effets indésirables parfois graves du lopéramide tels que iléus paralytique, rétention urinaire, léthargie, troubles neurologiques, dépression respiratoire [voir Folia de mai 2005 ]. Le lopéramide est contre-indiqué chez les enfants de moins de 6 ans, et ne sera utilisé qu’avec la plus grande prudence chez les enfants plus âgés.
  • On ne dispose pas de preuves quant à l’efficacité des adsorbants dans la diarrhée aiguë. De plus, ces médicaments sont souvent difficiles à administrer chez l’enfant.
  • La place des probiotiques dans le traitement de la diarrhée aiguë est difficile à établir en raison de l’hétérogénéité importante entre les études en ce qui concerne le probiotique utilisé, la dose administrée et la méthodologie de l’étude. Pour Saccharomyces boulardii, certaines études indiquent toutefois un effet favorable limité en ce qui concerne le nombre d’épisodes de défécation et la durée de la diarrhée, ainsi qu’en prévention de la diarrhée associée à la prise d’antibiotiques à large spectre. Les probiotiques entraînent peu d’effets indésirables, mais des cas de septicémie ont été décrits chez des enfants immunodéprimés.

Prise en charge de la diarrhée sanglante en première ligne

En cas de diarrhée aiguë chez l’enfant, il est important de s’informer de la présence éventuelle de sang dans les selles. Bien que la diarrhée sanglante soit peu fréquente chez l’enfant, elle peut être le signe d’une maladie plus sévère nécessitant généralement une prise en charge spécifique. Les principales causes de diarrhée sanglante chez l’enfant dans les pays développés sont les infections bactériennes intestinales, les maladies inflammatoires de l’intestin (surtout > 1 an) et les colites aspécifiques (surtout < 1 an). Même en cas de gastro-entérite bactérienne, l’administration systématique d’antibiotiques ne se justifie pas, sauf dans les infections à Shigella (rares en Belgique) ainsi que chez les enfants immunodéprimés ou en cas de septicémie. Dans ces cas, une hospitalisation s’impose. Dans les infections à Salmonella, l’utilisation d’antibiotiques peut prolonger le portage. [ Brit Med J 2008; 336: 1010-15 ]