Usage rationnel des antibiotiques dans les infections aiguës des voies respiratoires en première ligne


Abstract

Des publications récentes soulignent une fois encore l’importance de limiter l’usage des antibiotiques dans les infections aiguës des voies respiratoires en première ligne. Dans la rhinosinusite aiguë, une antibiothérapie immédiate ne se justifie qu’en présence de facteurs de risque de complications ou lorsqu’il existe des indices qu’il s’agit d’une forme grave. Un traitement de 5 jours paraît aussi efficace qu’un traitement de 10 jours. En présence d’une exacerbation aiguë de BPCO, il n’est pas justifié de prescrire systématiquement des antibiotiques (voir « Prise en charge des exacerbations de BPCO en pratique ambulatoire » dans ce même numéro). La pneumonie acquise en communauté est une des seules infections aiguës des voies respiratoires pour lesquelles il est admis qu’une antibiothérapie se justifie d’emblée.

Lorsqu’une antibiothérapie est indiquée, il est important de prescrire l’antibiotique le plus adéquat pour une durée adaptée. Dans la plupart des cas, l’amoxicilline à doses élevées reste l’antibiotique de premier choix.

Comme chaque année, le numéro d’octobre des Folia rapporte quelques publications récentes au sujet de l’usage rationnel des antibiotiques dans les infections aiguës des voies respiratoires en première ligne. Cet article discute de la place des antibiotiques dans la rhinosinusite aiguë et dans la pneumonie acquise en communauté. La place des antibiotiques dans les exacerbations aiguës de BPCO est discutée dans l’article « Prise en charge des exacerbations de BPCO en pratique ambulatoire » dans ce même numéro des Folia.

Il reste primordial de limiter l’usage des antibiotiques dans les infections aiguës des voies respiratoires en première ligne. Il ressort en effet d’une revue systématique parue récemment [ Brit Med J 2010; 240: c2096 ] que l’utilisation prolongée ou répétée d’antibiotiques pour une infection respiratoire ou urinaire en pratique ambulatoire peut aussi avoir un impact sur la résistance bactérienne individuelle. Cet effet est surtout marqué dans le premier mois suivant le traitement mais il peut persister pendant 12 mois. En outre, l’utilisation abusive d’antibiotiques peut également avoir des conséquences sur le développement de résistance aux antibiotiques au niveau de la communauté.


Rhinosinusite aiguë

Une revue systématique réalisée récemment par La Revue Prescrire [2010; 30: 203-6] rappelle que la plupart des cas de rhinosinusite aiguë chez l’adulte guérissent spontanément sans antibiotiques en 1 à 2 semaines. Les résultats de trois méta-analyses indiquent que chez les patients ne présentant pas de risque de complications ou de signes de gravité, une antibiothérapie apporte tout au plus une guérison à peine plus rapide qu’avec un placebo, mais avec un risque d’effets indésirables, notamment des troubles digestifs. Les données actuellement disponibles ne permettent pas d’évaluer l’effet de l’antibiothérapie en prévention des complications (telles que infections orbitaires ou intracrâniennes).Vu le bénéfice minime d’une antibiothérapie et la rareté des complications, une antibiothérapie ne se justifie pas systématiquement en cas de rhinosinusite sans gravité.

Par rapport aux recommandations de BAPCOC1 , les indications d’une antibiothérapie et le choix de l’antibiotique en cas de rhinosinusite aiguë n’ont pas changé, mais sur base des résultats d’une méta-analyse, une durée de traitement de 5 jours paraît aussi efficace que 10 jours de traitement.

Une antibiothérapie est recommandée en cas de rhinosinusite aiguë dans les situations suivantes:

  • chez les patients avec un risque de complications ou d’infection grave (p. ex. en cas de troubles de l’immunité liés à un diabète ou une immunosuppression),
  • en présence de signes de gravité (douleurs importantes, fièvre élevée, état général fortement altéré) ou de complications (rougeur et gonflement du visage, symptômes visuels, méningés ou cérébraux),
  • en cas de plaintes persistantes, les antibiotiques peuvent avoir une efficacité limitée.

L’amoxicilline reste le premier choix (3 g p.j. en 3 prises). L’ajout d’acide clavulanique n’est à envisager qu’en l’absence d’amélioration après 48 heures (pour les aspects pratiques, voir Note). Le céfuroxime axétil (1,5 g p.j. en 3 prises) est une alternative en cas d’allergie aux pénicillines non médiée par des IgE. La moxifloxacine n’a qu’une place très limitée, à savoir en cas d’allergie aux pénicillines médiée par des IgE (antécédents de choc anaphylactique ou de symptômes tels que urticaire, oedème angioneurotique, oedème laryngé et/ou bronchospasme dans les 72 heures suivant la prise).


Pneumonie acquise en communauté

Il est admis qu’en présence d’une suspicion de pneumonie acquise en communauté, une antibiothérapie immédiate s’impose. La majorité (70-80%) des pneumonies acquises en communauté sont d’origine bactérienne (le pathogène principal étant le pneumocoque); 10 à 20% sont causées par des bactéries atypiques, et 5 à 10% par des virus.

En ce qui concerne le choix de l’antibiotique, les recommandations formulées dans un article paru récemment dans le Tijdschr voor Geneeskd [2010; 66: 194-7] ne diffèrent pas des recommandations de BAPCOC1.

1 via www.health.fgov.be/antibiotics www.health.fgov.be/antibiotics ; cliquer successivement sur « Pratique ambulatoire », « Recommandations »

De manière générale en pratique ambulatoire, l’amoxicilline à doses élevées (3 g p.j. en 3 prises pendant 8 jours) reste l’antibiotique de premier choix. L’association d’acide clavulanique à l’amoxicilline ne se justifie que chez les patients de plus de 60 ans et/ou présentant une co-morbidité (pour les aspects pratiques, voir Note). En Belgique, la résistance du pneumocoque aux macrolides et aux tétracyclines est élevée, et il n’est pas nécessaire par ailleurs de couvrir de façon systématique les germes atypiques en pratique ambulatoire. En cas d’allergie aux pénicillines non médiée par des IgE, le céfuroxime axétil (1,5 g p.j. en 3 prises pendant 8 jours) est une alternative. La moxifloxacine n’est pas recommandée dans le traitement de la pneumonie acquise en communauté en pratique ambulatoire, sauf dans les rares cas d’allergie aux pénicillines médiée par des IgE (voir ci-dessus), ou en cas d’échec thérapeutique après 48 heures de traitement par un antibiotique ß lactame. Un usage restrictif des quinolones dans les infections des voies respiratoires est primordial pour limiter l’apparition de résistances notamment des pneumocoques mais aussi d’autres germes tels que les Staphylococcus aureus méticillino-résistants (MRSA).


Note

Lorsqu’il est nécessaire d’administrer de l’acide clavulanique avec des doses élevées d’amoxicilline, il convient de remplacer la moitié de la dose d’amoxicilline par une préparation à base de l’association amoxicilline + acide clavulanique, ce qui correspond donc à 3 fois par jour 500 mg d’amoxicilline et 500 mg d’amoxicilline en association à l’acide clavulanique. Pour des raisons pratiques, on peut opter pour l’association amoxicilline + acide clavulanique (875 mg/125 mg) à raison de 3 fois par jour pendant 8 jours, à condition que les 3 prises soient espacées de manière suffisamment régulière sur les 24 heures. L’administration 2 fois par jour de 2 comprimés Retard (amoxicilline 1 g + acide clavulanique 62,5 mg) peut être une alternative plus pratique [voir aussi Folia de septembre 2008 et Folia janvier 2009 ].