Diurétiques thiazidiques et risque d’hyponatrémie

Les diurétiques augmentant la perte de potassium peuvent provoquer une hypokaliémie [voir aussi Folia de février 1999] mais, surtout dans le cas des thiazides et apparentés, ils peuvent aussi provoquer une hyponatrémie. L’hyponatrémie liée à la prise de thiazides survient généralement au cours des deux semaines qui suivent l’instauration du traitement, et les femmes âgées semblent présenter le risque le plus élevé. L’hyponatrémie est cependant généralement peu prononcée et asymptomatique. Elle est plus prononcée en cas d’hypokaliémie. Une hyponatrémie grave (< 120 mEq./l) est rare mais peut s’accompagner d’une importante morbidité (p.ex. paralysie, coma, convulsions) et mortalité.

Le Ned Tijdschr Geneeskd [146 : 1521-1525(2002)] décrit le cas de trois patients âgés ayant présenté une hyponatrémie grave après l’ajout, à un traitement par un thiazide, de médicaments pouvant eux-mêmes causer une hyponatrémie: furosémide chez deux patients, carbamazépine et paroxétine chez le troisième patient. La prise simultanée d’un thiazide et d’un diurétique de l’anse ou d’un autre médicament pouvant provoquer une hyponatrémie constitue en effet un important facteur de risque de survenue d’une hyponatrémie. Outre les thiazides et les diurétiques de l’anse, les médicaments qui augmentent le risque d’hyponatrémie sont: les AINS, certains antidépresseurs (les ISRS, la venlafaxine, certains antidépresseurs tricycliques, les IMAO), certains neuroleptiques (p.ex. les phénothiazines et l’halopéridol), la carbamazépine et l’oxcarbamazépine, certains cytostatiques (p.ex. le cyclophosphamide par voie intraveineuse, la vincristine), les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) ainsi que la desmopressine et l’oxytocine [ Ned Tijdschr Geneeskd 146 : 1521-1525(2002) ; Davies’s Textbook of Adverse Drug Reactions : 5me édition,(1998); La Revue Prescrire 24 : 353(2004)]. Depuis 1990, le Centre Belge de Pharmacovigilance a reçu 17 notifications d’hyponatrémie pour lesquelles un diurétique thiazidique était le médicament suspecté. Il s’agissait surtout de personnes âgées et de sexe féminin. Onze des 17 patients prenaient un thiazide et au moins l’un des médicaments précités: un IECA (n=4), un antidépresseur [citalopram (n=3), réboxétine (n=1), venlafaxine (n=1)], l’AINS nimésulide (n=2) ou la carbamazépine (n=1). Chez 8 de ces 11 patients, la réaction est survenue de quelques jours à quelques semaines après l’ajout au traitement, soit du thiazide, soit du médicament pouvant interagir avec celui-ci.

Lors de la prise simultanée d’un thiazide ou apparenté et d’un diurétique de l’anse ou d’un autre médicament pouvant causer une hyponatrémie, la prudence s’impose, surtout chez les personnes âgées. Au cours des premières semaines d’un tel traitement, il faut contrôler régulièrement les taux de potassium mais aussi de sodium. En cas d’hyponatrémie grave (< 120 mEq./l) symptomatique, la prise des médicaments suspectés sera interrompue; même chez les patients pour qui la prise du thiazide est indispensable (p.ex. en raison d’une insuffisance cardiaque grave), le traitement sera brièvement arrêté et, durant cette période, le patient sera maintenu sous restriction hydrique stricte.