Avis du Conseil Supérieur de la Santé en matière de vaccination

Le Conseil Supérieur de la Santé (CSS) a publié récemment deux avis en matière de vaccination. Ces deux avis sont commentés ici.

Publication n° 8802 "Prévention et prise en charge du choc anaphylactique après vaccination des enfants" (http://tinyurl.com/CSS-8802-anaphylaxie

Le choc anaphylactique est une complication connue mais extrêmement rare pouvant survenir à la suite d’une vaccination. Sur l’ensemble des vaccinations, l’incidence est estimée à 0,65 cas par million de doses administrées; en ce qui concerne la vaccination rougeole-rubéole-oreillons (RRO) en particulier, elle est estimée à 10 cas par million de doses.


Allergènes présents dans les vaccins susceptibles de provoquer un choc anaphylactique

Il s’agit des allergènes suivants (les vaccins contenant les allergènes concernés sont mentionnés entre parenthèses, situation au 01/01/13). En ce qui concerne le thiomersal et les sels d’aluminium, seules des réactions allergiques locales ont été rapportées, et pas de réactions systémiques.

  • Antibiotiques
    • Néomycine (Boostrix Polio®, FSME Immun®, Havrix®, Imovax Polio®, Infanrix Hexa®, Infanrix-IPV®, Inflexal V®, Intanza®, MMR VaxPro®, Priorix®, Priorix Tetra®, Provarivax®, Rabipur®, Revaxis®, Tetravac®, Twinrix®, Vaccin Rabique Mérieux HDCV®, Varilrix®, Vaxigrip®);
    • Polymyxine B (Boostrix Polio®, Imovax Polio®, Infanrix Hexa®, Infanrix-IPV®, Inflexal V®, Revaxis®, Tetravac®);
    • Streptomycine (Imovax Polio®, Revaxis®, Tetravac®).
  • Gélatine (Provarivax®, MMR Vax pro®).
  • Levure (Engerix B®, Fendrix®, Gardasil®, HBVaxPro®, Infanrix Hexa®, Twinrix®).
  • Latex dans les protecteurs d’aiguilles et les pistons (FSME Immun®, Menjugate®, Menveo®).
  • Protéines d’oeuf de poulet (vaccins contre la grippe α-Rix®, Inflexal V®, Influvac S®, Intanza® et Vaxigrip®, Epaxal®, Stamaril®).

La quantité de protéines d’oeuf de poulet dans ces vaccins peut provoquer des problèmes chez les personnes allergiques aux oeufs. En revanche, le CSS affirme que le vaccin RRO peut être administré à des personnes allergiques aux oeufs de poule sans précautions particulières, même si elles ont présenté antérieurement une réaction anaphylactique suite à la consommation d’oeufs. En effet, les composants des vaccins contre la rougeole et les oreillons sont actuellement fabriqués à partir de cultures de fibroblastes d’embryons de poulet et la concentration en protéines d’oeuf de poulet est trop faible pour pouvoir provoquer des allergies. Le vaccin contre la rage Rabipur® et le vaccin contre l'encéphalite à tiques FSME Immun® sont eux aussi fabriqués à partir de cultures de fibroblastes d’embryons de poulet, et l’on peut donc déduire que ces vaccins peuvent aussi être administrés de manière sûre chez les personnes allergiques aux oeufs de poule. Il faut souligner que dans le Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP) des vaccins RRO (MMR VaxPro®, Priorix®, Priorix Tetra®), ainsi que dans le RCP de Rabipur® et de FSME Immun®, figure encore une mise en garde concernant la possibilité de réactions d’hypersensibilité chez les personnes ayant des antécédents d’allergie aux oeufs.


Précautions

  • Le CSS insiste sur la nécessité, avant toute vaccination, de vérifier systématiquement s’il y a des antécédents de choc anaphylactique lié à une dose précédente du vaccin ou d’hypersensibilité potentielle à des allergènes pouvant provoquer un choc anaphylactique.
  • Lorsque rien n’indique un risque accru de choc anaphylactique, la vaccination peut être effectuée en ambulatoire. Le CSS conseille toutefois de garder les enfants sous surveillance pendant 15 minutes après la vaccination, d’avoir de l’épinéphrine (adrénaline) sous la main afin de pouvoir administrer les premiers soins le cas échéant, et d’avoir à disposition un moyen de communication pour pouvoir appeler les services de secours.
  • En cas de risque accru de choc anaphylactique, on s’efforcera d’obtenir une anamnèse plus approfondie. La vaccination peut éventuellement être envisagée en milieu hospitalier. La vaccination est contre-indiquée chez les patients ayant présenté un choc anaphylactique suite à l’administration d’une dose précédente du vaccin, ou ayant des antécédents de choc anaphylactique lié aux allergènes précités.

Prise en charge du choc anaphylactique

  • Le traitement du choc anaphylactique est décrit dans le Répertoire, chapitre Intro.7.3.
  • L’épinéphrine (adrénaline) constitue la pierre angulaire du traitement du choc anaphylactique. Dans la pratique ambulatoire, l’administration intramusculaire dans la partie antérolatérale de la cuisse est préférable; l’administration intraveineuse ne peut être réalisée que par une équipe spécialisée, sous monitoring cardiaque. Le CSS conseille d’utiliser de l’épinéphrine sous forme d’ampoules à 1 mg/ml (Adrenaline Tartrate Sterop®). Il existe également des auto-injecteurs à usage unique contenant 0,15 ou 0,3 mg d’épinéphrine par dose, mais selon le CSS, l’utilisation de tels auto-injecteurs peut être préjudiciable dans le cadre du choc anaphylactique après vaccination vu la dose fixe d’épinéphrine, l’aiguille courte et la durée de conservation limitée.

La dose d’épinéphrine est de 0,01 mg/kg (maximum 0,5 mg) d’une solution 1/1.000 (c.-à-d. une solution à 1 mg/ml), ce qui correspond aux posologies spécifiques suivantes en fonction de l’âge:

< 1 an

0,05- 0,1 ml

1 – 2 ans (± 10 kg)

0,1 ml

2 – 3 ans (± 15 kg)

0,15 ml

4 – 6 ans (± 20 kg)

0,2 ml

7 – 10 ans (± 30 kg)

0,3 ml

11 – 12 ans (± 40 kg)

0,4 ml

13 ans et plus

0,4 – 0,5 ml

En l’absence d’amélioration clinique, la dose peut être répétée après 5 minutes.

Publication n° 8561 "Vaccination d’enfants et d’adultes immunodéficients et malades chroniques " ( http://tinyurl.com/CSS-8561-vacc-immuno )

  • Chez les patients immunodéprimés suite à une maladie ou à un traitement immunosuppresseur, il convient en cas de vaccination de mettre en balance le bénéfice escompté et le risque d’effets indésirables. Chez ces patients, la réponse immunitaire aux vaccins vivants et non-vivants peut être diminuée. De plus, en cas d’administration de vaccins vivants, il existe un risque d’infection disséminée due au virus vaccinal. La publication du CSS donne des recommandations concernant l’administration de vaccins vivants et non-vivants dans un certain nombre de situations spécifiques telles que l’infection par le VIH, la transplantation d’organes solides, la transplantation de moelle osseuse et de cellules souches et les maladies chroniques associées à une immunosuppression limitée (telles que le diabète, l’insuffisance rénale).
  • La vaccination chez les patients immunodéprimés a été discutée dans les Folia de mai 2010 ; la vaccination chez les patients immunodéprimés suite à une infection par le VIH a été abordée dans les Folia de mai 2008 . Les recommandations mentionnées dans ces articles restent d’actualité et correspondent à l’avis formulé par le CSS.
  • Il est difficile de tirer des conclusions univoques sur l’efficacité de la vaccination chez les patients immunodéprimés. Ceci a rarement été étudié de manière directe (c.-à-d. en mesurant le nombre de cas de maladies). Dans un nombre limité de situations, la réponse à la vaccination a été évaluée par la détermination des anticorps, mais ce n’est pas toujours la manière optimale d’évaluer la protection réelle conférée par la vaccination.
  • La publication du CSS donne aussi des recommandations concernant la vaccination des personnes de l’entourage immédiat d’un patient immunodéprimé.
    • Une vaccination annuelle contre l’influenza est conseillée chez les personnes de l’entourage immédiat.
    • Chez les cohabitants, on conseille également la vaccination contre la rougeole, la rubéole, les oreillons et contre la varicelle si ceux-ci ne sont pas encore immunisés contre ces infections.
    • Les personnes de l’entourage immédiat qui reçoivent un vaccin vivant tel que le vaccin RRO, le vaccin contre la varicelle, le vaccin contre la fièvre jaune, le vaccin oral contre la fièvre typhoïde ou le vaccin contre le rotavirus, ne doivent en principe pas éviter le contact avec un patient immunodéprimé, sauf si elles développent un rash après la vaccination RRO ou la vaccination contre la varicelle; après une vaccination contre le rotavirus, il est recommandé de renforcer les mesures d’hygiène pendant au moins une semaine (éviter le contact avec les selles de l’enfant vacciné).