Les études GISSI-HF sur l’emploi d’acides gras essentiels et de la rosuvastatine chez des patients atteints d’insuffisance cardiaque chronique 21 octobre 2008

 

Les résultats des études GISSI-HF portant respectivement sur l’effet des acides gras essentiels et sur l’effet de la rosuvastatine chez des patients atteints d’insuffisance cardiaque chronique ont été publiés récemment ; ces médicaments étaient ajoutés au traitement cardio-vasculaire déjà en cours.  La durée de ces études contrôlées par placebo était de 4 ans.  Les critères d’évaluation primaires étaient (1) décès quelle qu’en soit la cause et (2) décès quelle qu’en soit la cause ou hospitalisation pour des raisons cardio-vasculaires.

- Les acides gras essentiels avaient un effet favorable limité sur la survenue des critères d’évaluation primaires.

- La rosuvastatine n’avait aucun effet sur la survenue des critères d’évaluation primaires.  

Chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque, la priorité doit être donnée aux médicaments ayant un effet prouvé sur la mortalité (p.ex. IECA, ß-bloquants); leur effet sur la mortalité est manifestement plus important que ce qui a été constaté dans l’étude GISSI-HF avec les acides gras essentiels. Le choix de débuter un traitement par des acides gras essentiels ou par une statine chez des patients atteints d’insuffisance cardiaque doit être évalué individuellement, en tenant compte entre autres de la polymédication déjà souvent contraignante ainsi que de l’observance du traitement.  

 

La place des statines dans la prévention cardio-vasculaire chez des patients présentant un risque cardio-vasculaire élevé est établie.  Les données concernant l’utilité des statines chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque chronique sont toutefois limitées, et proviennent surtout d’études d’observation et d’analyses de sous-groupes d’études randomisées desquelles les patients présentant une insuffisance cardiaque étaient généralement exclus. Les acides gras essentiels sont proposés entre autres comme traitement adjuvant dans la prévention secondaire de l’infarctus du myocarde ; il n’existe aucune donnée sur l’effet des acides gras essentiels chez des patients atteints d’insuffisance cardiaque.

 

Les résultats de deux études ayant analysé respectivement l’effet de la statine rosuvastatine et l’effet des acides gras essentiels chez des patients atteints d’insuffisance cardiaque ont été publiés early on-line  sur le site Web de The Lancet [http://www.thelancet.com/journals/lancet, avec un éditorial]. Il s’agit des études GISSI-HF, deux études randomisées contrôlées par placebo en double aveugle, chez des patients atteints d’insuffisance cardiaque chronique quelle qu’en soit la cause (classe NYHA II-IV; plus de 90 % des patients avaient une fraction d’éjection < 40%). Les traitements suivants ont été comparés pendant une période d’environ 4 ans.

-          Dans la première étude: 1 g d’acides gras essentiels par jour (850 – 882 mg d’acide eicosapentaénoïque et d’acide docosahexaénoïque sous forme d’esters éthyliques dans un rapport de 1/1,2[1]; n=3.494) versus placebo (n=3.481).

-          Dans l’autre étude: 10 mg de rosuvastatine par jour (n=2.285) versus placebo (n=2.289).

Les critères d’évaluation primaires dans les deux études étaient les suivants :

(1) décès quelle qu’en soit la cause, et (2) décès quelle qu’en soit la cause ou hospitalisation pour des raisons cardio-vasculaires.

Les médicaments étudiés étaient ajoutés au traitement cardio-vasculaire déjà en cours (surtout IECA/sartans,  ß-bloquants, diurétiques, spironolactone, acide acétylsalicylique et/ou digoxine).

 

1. Etude sur les acides gras essentiels

Une différence minime, statistiquement à peine significative, en ce qui concerne la survenue des critères d’évaluation primaires a été constatée entre le groupe qui prenait des acides gras essentiels et le groupe placebo, en faveur des acides gras essentiels (analyse « intention to treat »).

-          Décès quelle qu’en soit la cause:  27% (sous acides gras essentiels) versus 29% (sous placebo).

-          Décès quelle qu’en soit la cause ou hospitalisation pour des raisons cardio-vasculaires : 57 % (sous acides gras essentiels) versus 59 % (sous placebo).

Il a été calculé dans cette étude que 56 patients devaient être traités par acides gras essentiels pendant 4 ans pour prévenir un seul décès.

 

2. Etude sur la rosuvastatine

Aucune différence statistiquement significative en ce qui concerne la survenue de critères d’évaluation primaires n’a été retrouvée entre le groupe qui recevait la rosuvastatine et le groupe placebo (analyse “intention to treat”).

-          Décès quelle qu’en soit la cause: 29 % (sous rosuvastatine) versus 28 % (sous placebo).

-          Décès quelle qu’en soit la cause ou hospitalisation pour des raisons cardio-vasculaires : 57 % (sous rosuvastatine) versus 56 % (sous placebo).

Ces résultats rejoignent ceux de l’étude CORONA, publiée l’an dernier au sujet de la rosuvastatine chez des patients (> 60 ans) atteints d’insuffisance cardiaque systolique ischémique chronique: dans l’étude CORONA aussi, aucun avantage n’a pu être observé avec la rosuvastatine (10 mg p.j.) par rapport au placebo  en ce qui concerne le critère d’évaluation primaire (combinaison de mortalité cardio-vasculaire, infarctus du myocarde non fatal et accident cérébro-vasculaire non fatal) [New Engl J Med 2007357:2248-61, avec un éditorial 2301-4].

Il semblerait donc que l’ajout d’une statine n’offre aucun avantage chez des patients atteints d’insuffisance cardiaque chronique, déjà traités de manière optimale,.

D’après les investigateurs, les conclusions sont les suivantes.

(1) Chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque non ischémique, l’administration d’une statine ne se justifie pas.

(2)  Chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque ischémique, l’avantage d’une statine doit être mis en balance avec p.ex.  la polymédication déjà contraignante et l’observance du traitement; la priorité doit être donnée ici aux médicaments ayant un effet prouvé sur la mortalité chez des patients atteints d’insuffisance cardiaque, tels que des IECA et des ß-bloquants.



[1] La composition est comparable, mais pas identique à la composition de  Omacor®