Risque de thromboembolie veineuse avec les contraceptifs estroprogestatifs contenant du désogestrel, de la drospirénone ou du gestodène: aucune raison de paniquer? 16 janvier 2013

 

En France, la pilule contraceptive a récemment suscité pas mal d’émoi, et plus particulièrement la pilule de troisième génération (éthinylestradiol + désogestrel ou gestodène comme progestatif) ainsi que la pilule contenant de l’éthinylestradiol + drospirénone, parfois aussi classée comme “pilule de quatrième génération”,. Le ministre français de la Santé a décidé de ne plus rembourser ces contraceptifs et l’Agence française des médicaments (ANSM) a recommandé à tous les médecins français, lorsque qu’une contraception orale s’avère nécessaire, de prescrire une pilule contraceptive de deuxième génération contenant de l’éthinylestradiol + lévonorgestrel. Cette agitation ne provient pas de nouvelles données scientifiques mais fait suite à une affaire judiciaire. Etant donné que cette problématique suscite également des questions en Belgique, il nous paraît utile de passer brièvement en revue les preuves scientifiques existantes.

 

  • Toutes les associations estroprogestativessont associées à un risque accru de thromboembolie veineuse; ce risque est le plus prononcé pendant les trois premiers mois d’utilisation. Les estroprogestatifs peuvent également provoquer une augmentation de la pression artérielle, augmentant ainsi légèrement le risque d’accident vasculaire cérébral et d’infarctus du myocarde.
  • Les associations estroprogestativescontenant 50 μg d’éthinylestradiol (les contraceptifs dits de première génération) ont un risque plus élevé d’effets indésirables (surtout des effets indésirables cardio-vasculaires et des maladies thromboemboliques veineuses) que les associations estroprogestativescontenant de faibles doses d’estrogènes (< 50 μg d’éthinylestradiol), quel que soit le type de progestatif. Les associations estroprogestatives à faibles doses d’estrogènes (< 50 µg d’éthinylestradiol) sont donc toujours à privilégier. Il n’est pas prouvé que les associations contenant de l’estradiol au lieu d’éthinylestradiol, soient associées à un plus faible risque cardio-vasculaire et thromboembolique.
  • Les associations estroprogestatives à faibles doses d’estrogènes et contenant comme progestatif du lévonorgestrel, de la noréthistérone ou du norgestimate (les contraceptifs de deuxième génération) sont à préférer aux associations estroprogestatives à faibles doses d’estrogènes et contenant comme progestatif du désogestrel ou du gestodène (les contraceptifs de troisième génération). Le risque de thromboembolie veineuse et d’accident vasculaire cérébral est en effet deux fois plus élevé avec les contraceptifs de troisième génération qu’avec les contraceptifs de deuxième génération. Cette augmentation du risque thromboembolique - limitée en chiffres absolus - est connue depuis de nombreuses années. Les avantages suggérés avec les contraceptifs de troisième génération sur les paramètres métaboliques ou sur la qualité de vie n’ont jamais été  démontrés d’un point de vue clinique.
  • Le risque de thromboembolie veineuse avec les associations estroprogestatives contenant de l’acétate de cyprotérone (un anti-androgène utilisé dans l’acné) ou de la drospirénone, est comparable à celui des contraceptifs contenant du désogestrel ou du gestodène.
  • La possibilité d’un risque thromboembolique accru avec les associations estroprogestatives contenant un progestatif plus récent (chlormadinone, diénogest, nomégestrol) n’est pas établie.
  • Le risque thromboembolique  avec les estroprogestatifs à usage transdermique ou vaginal est comparable à celui des contraceptifs de troisième génération.

 

Le groupe de travail “Pharmacovigilance” de l’Agence européenne des médicaments (EMA) a réalisé une étude de la littérature en 2011-2012 sur le risque de thromboembolie veineuse chez les utilisatrices d’associations estroprogestatives à usage oral. Les risques absolus suivants ont été calculés, ils sont exprimés en nombre d’accidents thromboemboliques veineux sur 100.000 femmes par an:

  • 5-10 sur 100.000 femmes non enceintes ne prenant pas d’associations estroprogestatives.
  • 20 sur 100.000 utilisatrices d’associations estroprogestatives contenant du lévonorgestrel (contraceptifs de deuxième génération).
  • 40 sur 100.000 utilisatrices d’associations estroprogestatives contenant du désogestrel ou du gestodène (contraceptifs de troisième génération), ou de la drospirénone.
  • 60 sur 100.000 femmes enceintes.

Le groupe de travail concluait que le rapport bénéfices/risques des estroprogestatifs oraux, quelle que soit leur composition, est quand même positif, à condition que les contre-indications et les mesures de précaution décrites dans le Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP) soient respectées.

 

En résumé, le point de vue adopté dans le Répertoire et les Folia reste le même : lorsqu’une contraception hormonale est souhaitée et en l’absence de contre-indication, une association estroprogestative monophasique contenant une faible dose d’éthinylestradiol et un progestatif de deuxième génération (lévonorgestrel, noréthistérone ou norgestimate) constitue le premier choix chez la plupart des femmes. Lorsque les associations estroprogestatives sont contre-indiquées, p. ex. en présence de facteurs de risque ou d’antécédents de thromboembolie veineuse, un progestatif à faibles doses par voie orale en monothérapie (minipilule) ou sous forme de dispositif intra-utérin constitue le meilleur choix lorsqu’une contraception hormonale est souhaitée.

 

Estroprogestatifs oraux à usage contraceptif: spécialités disponibles (situation au 15 janvier 2013).

 

Première génération

Monophasique: Microgynon 50

Deuxième génération

Contenant du lévonorgestrel:

  • Monophasique: Eleonor, Lowette, Microgynon 20, Microgynon 30, Nora-30, Noranelle, Stediril-30
  • Triphasique: Triaselle, Trigynon, Trinordiol

Contenant de la noréthistérone:

  • Monophasique: Ovysmen
  • Triphasique: Trinovum

Contenant du norgestimate: monophasique: Cilest

Troisième génération

Contenant du désogestrel:

  • Monophasique: Deso 20, Deso 30, Marvelon, Mercilon
  • Biphasique: Gracial

Contenant du gestodène:

  • Monophasique: Femodene, Gestodelle, Gestofeme, Harmonet, Liosanne, Meliane, Minulet, Mirelle
  • Triphasique: Tri-Minulet, Triodene

Autres

Contenant de la drospirénone (dits “de quatrième génération”): monophasique: Annabelle, Annais, Armunia 20, Armunia 30, Drospibel, Rhonya 20, Rhonya 30, Yasmin, Yasminelle, Yaz

Contenant de la chlormadinone: monophasique:Helen

Contenant du nomégestrol: monophasique:Zoely

Contenant du diénogest: séquentielle Qlaira

Contenant du cyprotérone: monophasique: Claudia, Daphne, Diane, Elisamylan, Gratiella