Deux médicaments hypolipémiants d’une nouvelle classe (les "inhibiteurs de PCSK9") autorisés au niveau européen 6 août 2015

 

L’EMA (Agence européenne des médicaments) vient d’autoriser deux nouveaux médicaments hypolipémiants: l’alirocumab et l’évolocumab. Ils appartiennent à une nouvelle classe de médicaments hypolipémiants, à savoir les inhibiteurs de PCSK9: des anticorps monoclonaux qui induisaient dans les études une diminution du LDL-cholestérol d’environ 60 %, en comparaison avec le placebo. Aucun effet sur la morbidité ou la mortalité cardio-vasculaire n’a toutefois été démontré, et on ignore le profil d’innocuité de ces médicaments à long terme. Les inhibiteurs de PCSK9 ne sont pas encore disponibles en Belgique.

 

 

L’autorisation récente, au niveau européen, de deux nouveaux médicaments hypolipémiants a suscité un intérêt médiatique. Il s’agit de médicaments administrés par voie injectable: l’alirocumab (Praluent®) et l’évolocumab (Repatha®). Tous deux sont des anticorps monoclonaux appartenant à une nouvelle classe de médicaments appelés « inhibiteurs de PCSK9 ». Ils se lient de manière sélective à la proprotéine convertase subtilisine/kexine de type 9 (PCSK9), laquelle est une protéine qui se lie à son tour aux récepteurs du LDL-cholestérol dont elle accélère la dégradation. En neutralisant l’action de la PCSK9, les nouveaux anticorps monoclonaux augmentent le nombre de récepteurs du LDL et provoquent donc une diminution des taux de LDL-cholestérol.

 

L’alirocumab1 et l’évolocumab2 ont été évalués dans des études contrôlées par placebo menées à grande échelle auprès de populations hétérogènes, incluant aussi bien des personnes présentant une hypercholestérolémie primaire (éventuellement familiale) que des personnes atteintes de dyslipidémie mixte. La plupart d’entre eux présentaient un risque cardio-vasculaire accru et recevaient déjà un traitement par statine qui a également été poursuivi pendant l’étude. En comparaison avec le placebo, les inhibiteurs de PCSK9 étaient associés à des diminutions supplémentaires du taux de LDL-cholestérol d’environ 60 %.

 

Quelques commentaires

  • Les études dont on dispose actuellement sont de courte durée (maximum 1,5 ans) et n’utilisaient que des paramètres intermédiaires tels que la diminution du LDL-cholestérol comme critère d’évaluation primaire. Ces études ne permettent pas d’évaluer le profil d’innocuité et d’efficacité de médicaments destinés à un usage chronique.

  • Les deux médicaments ont seulement été comparés à un placebo, principalement chez des patients qui recevaient en outre un traitement par statine. Il n’y a pas d’études comparatives entre les inhibiteurs de PCSK9 et les statines, les seuls médicaments hypolipémiants dont il a été clairement prouvé jusqu’à présent qu’ils avaient un impact positif sur la morbidité et la mortalité.

  • Bien que la diminution du LDL-cholestérol obtenue avec l’alirocumab et l’évolocumab soit spectaculaire, on ignore pour l’instant comment l’impact sur ce paramètre intermédiaire se traduira en termes de risque cardio-vasculaire. Une affection cardio-vasculaire est une maladie multifactorielle évoluant à long terme et on n’a jamais démontré de lien causal entre une diminution du taux de cholestérol LDL et une diminution du risque cardio-vasculaire. Les résultats d’études avec critères d’évaluation forts (mortalité et morbidité cardio-vasculaires) seront disponibles au plus tôt fin 2017.

  • Un certain nombre de médicaments développés antérieurement, tels que le torcétrapib3 ou l’association d’acide nicotinique + laropiprant [voir Folia mars 2013] ont été associés par la suite, malgré un effet favorable sur les taux de cholestérol, à des problèmes d’innocuité graves voire même à une surmortalité.

  • Chez un certain nombre de patients, un taux extrêmement bas de LDL-cholestérol < 25 mg/dl a été atteint. On en ignore pour l’instant les conséquences potentielles à long terme.

  • Dans les études disponibles, parmi les patients traités par des inhibiteurs de PCSK9, on observait plus fréquemment, en comparaison avec le placebo, des cas de myalgie et de troubles neurocognitifs, tels que des troubles de la mémoire. On ne dispose toutefois pas de données à long terme concernant le profil d’innocuité.

  • Plusieurs anticorps monoclonaux sont déjà disponibles pour le traitement de maladies graves telles que le cancer. Certains de ces médicaments se sont avérés associés à des effets indésirables graves tels que des troubles hématologiques ou une neurotoxicité.

  • Le coût de ces nouveaux médicaments hypolipémiants n’est pas encore clair pour l’instant. Aux Etats-Unis, le producteur d’alirocumab (Praluent®) a obtenu un prix de 13.300 euro par an. Ceci revient à environ 40 euro par jour, alors qu’une statine générique coûte plus ou moins 25 centimes par jour.

 

Conclusion

 

L’autorisation européenne de ces inhibiteurs de PSCK9 signifie que pour la première fois, des anticorps monoclonaux non destinés à la prise en charge d’une maladie grave telle que le cancer mais à la prise en charge d’un facteur de risque survenant très fréquemment. Dans ce contexte, il est important que nous disposions de davantage de données en termes d’efficacité (critères d’évaluation forts) et d’innocuité de ces médicaments à long terme, avant d’envisager un usage généralisé. Dans l’attente de ces données, provenant d’études de longue durée avec critères d’évaluation forts ou des données de la pharmacovigilance, la place des inhibiteurs de PSCK9 semble très limitée, et ils seront principalement envisagés chez les sujets présentant un risque cardio-vasculaire très élevé tels que les patients présentant une hypercholestérolémie familiale.

 

1N Engl J Med 2015 ;372 :1489-99 (doi : 10.1056/NEJMoa1501031)

2N Engl J Med 2015 ;372 :1500-9 (doi : 10.1056/NEJMoa1500858)

3N Engl J Med 2007;357:2109-22 (doi: 10.1056/NEJMoa0706628)