Avertissement à propos de certains antidépresseurs utilisés chez l’enfant

Il ressort de plusieurs études que beaucoup de médicaments sont utilisés chez l’enfant en l’absence de données adéquates quant à leur efficacité, leurs effets indésirables et la dose optimale pour ce groupe d’âge. Il est établi par ailleurs que l’efficacité et les effets indésirables des médicaments chez l’enfant peuvent différer de ceux chez l’adulte. Ces dernières années, diverses initiatives ont été prises afin de promouvoir la réalisation d’études cliniques rigoureuses chez l’enfant. C’est dans ce contexte que sont apparus les avertissements suivants provenant de Grande-Bretagne, du Canada et des Etats-Unis qui concernent les antidépresseurs paroxétine et venlafaxine*.

Dans ces pays (ainsi qu’en Belgique), la paroxétine et la venlafaxine ne sont pas enregistrées pour l’utilisation chez l’enfant, mais elles sont quand même parfois utilisées "off-label", c’est-à-dire en dehors des indications mentionnées dans la notice. L’analyse d’études récentes avec la paroxétine et la venlafaxine effectuées chez des enfants et adolescents, entre autres dans le traitement de la dépression, montre que, dans ce groupe d’âge, ces substances n’étaient pas plus efficaces qu’un placebo mais qu’elles entraînaient plus fréquemment des automutilations ("self-harm") et des tendances suicidaires.

Les instances de la santé mentionnées ci-dessus ont dès lors décidé de déconseiller l’usage de paroxétine et de venlafaxine en dessous de l’âge de 18 ans. Ils insistent aussi sur la nécessité, après avoir décidé d’interrompre le traitement par la paroxétine et la venlafaxine, de diminuer progressivement la dose étant donné le risque de manifestations de sevrage en cas d’arrêt brutal [voir aussi Folia de décembre 1996].

Dans les notices belges des spécialités à base de paroxétine et de venlafaxine, il est seulement mentionné que l’usage chez l’enfant n’est pas recommandé; aucune autre mesure n’est actuellement prise en Belgique.

La question se pose de savoir si d’autres antidépresseurs que la paroxétine et la venlafaxine peuvent également donner lieu à des problèmes semblables chez l’enfant. Les données de la littérature sont rares. Un rapport récent (27 octobre 2003) de la Food and Drug Administration (FDA) américaine annonce les résultats préliminaires d’une analyse qu’elle a effectuée d’études réalisées chez des enfants avec 8 antidépresseurs différents (citalopram, fluoxétine, fluvoxamine, mirtazapine, néfazodone, paroxétine, sertraline et venlafaxine): bien qu’un lien causal n’ait pas été clairement établi, un risque accru de tendances suicidaires liées à la prise d’antidépresseurs chez l’enfant ne peut être exclu pour le moment**.

Un expert que nous avons consulté fait remarquer que l’augmentation éventuelle des tendances suicidaires ou des comportements d’automutilation n’est probablement pas un effet direct des antidépresseurs, mais plutôt un effet indirect: l’amélioration de la dépression peut avoir comme conséquence que la personne éprouve son désespoir de manière encore plus intense, ou revit encore plus intensément un traumatisme psychique déjà vécu. C’est pour cette raison que les psychotropes, y compris les antidépresseurs, ne devraient être utilisés chez les enfants et adolescents que sous surveillance et évaluation continues, et en association à une thérapie comportementale cognitive.

Il a également été suggéré antérieurement que les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine pouvaient augmenter les tendances suicidaires chez l’adulte, surtout avec la fluoxétine. Les données concernant un lien causal sont toutefois contradictoires. Dans Clinical Evidence [9ème édition juillet 2003], la conclusion est que le doute persiste quant à un lien entre la fluoxétine et le suicide, et que l’augmentation absolue du risque est probablement faible.