Antiviraux dans les infections par le virus Herpes simplex


Abstract

Cet article discute des données disponibles à propos de l’efficacité des antiviraux aciclovir1 , ganciclovir2 , penciclovir3 et valaciclovir4 , administrés par voie orale ou locale, dans les infections suivantes par le virus Herpes simplex: herpès labial, herpès génital et herpès oculaire. Le traitement des infections souvent graves par le virus Herpes simplex chez les patients immunodéprimés (p.ex. patients atteints du SIDA, patients sous chimiothérapie antitumorale) ne fait pas l’objet de cet article. Quelques conclusions.

  • Un traitement au moment de l’accès aigu d’herpès labial ou d’herpès génital n’a qu’un intérêt limité, même lorsqu’il est instauré à un stade précoce, et n’influence pas l’incidence de récidives ultérieures. Dans l’herpès labial, l’efficacité d’un traitement local est encore plus limitée que celle d’un traitement oral. Dans l’herpès génital, un traitement local n’est pas recommandé. En cas d’herpès génital grave récidivant, on peut opter pour un traitement préventif chronique par voie orale.
  • Dans certaines formes d’herpès oculaire, un traitement antiviral local peut être utile; dans des cas exceptionnels, on administre un traitement préventif par voie orale.
  • Les doses proposées divergent en fonction des sources consultées.

1 Usage oral: Aciclovir EG®, Aciclovir Kela®, Aciclovir Mayne®, Aciclovir Sandoz®, Docaciclo®, Viratop®, Zovirax®; usage cutané: Aciclomed®, Aciclovir EG®, Aciclovir-Ratiopharm®, Aciclovir Teva®, Viratop®, Zovirax®; usage ophtalmique: Zovirax®

2 Usage ophtalmique: Virgan®

3 Usage cutané: Vectavir®

4 Usage oral: Zelitrex®

(Situation au 01/07/08)

L’herpès labial et l’herpès oculaire sont le plus souvent provoqués par le virus Herpes simplex de type 1 (HSV-1), l’herpès génital par le virus Herpes simplex de type II (HSV- 2) mais aussi de plus en plus par le HSV-1. Le portage est très fréquent. Dès qu’il y eu contamination, le virus persiste dans l’organisme pendant toute la vie, et il n’existe pour le moment aucun traitement permettant d’éliminer le virus de l’organisme.

Une primo-infection (c.-à-d. une infection survenant chez un patient n’ayant pas été exposé auparavant au HSV-1 ou HSV2) est presque toujours subclinique ou asymptomatique. Le premier épisode clinique d’herpès génital (lors d’une primo-infection ou après une primo-infection asymptomatique antérieure) est souvent plus grave que les récidives ultérieures. L’évolution après le premier épisode clinique est difficilement prévisible. Certains patients ne présentent jamais de deuxième épisode; d’autres présentent des récidives, plus ou moins fréquentes, avec des facteurs déclenchants tels que stress, fatigue, menstruations ou, pour l’herpès labial et l’herpès oculaire, l’exposition aux rayons UV. Le nombre d’épisodes semble diminuer avec les années. En ce qui concerne l’herpès génital, les récidives sont nettement plus fréquentes en cas d’infection par le HSV-2 que par le HSV-1.

Les doses mentionnées ci-dessous sont celles qui ont été utilisées dans les études ou celles retrouvées dans les références; les doses recommandées dans les notices belges sont également mentionnées.


1. Herpès labial

Une primo-infection se manifeste par des lésions intra-orales (gingivostomatite) avec possibilité de pharyngite et d’autres symptômes tels que fièvre et adénopathie; une guérison spontanée survient généralement après 10 à 14 jours. Une récidive se manifeste par des lésions au niveau des lèvres (les boutons de fièvre typiques); une guérison spontanée survient généralement dans les 6 à 8 jours.


Primo-infection

Les primo-infections ne sont généralement pas traitées, sauf en cas de symptômes très sévères, d’immunosuppression ou en présence de signes d’une encéphalite herpétique [n.d.l.r.: le traitement se fait alors en milieu spécialisé]. Les antiviraux ne diminuent pas l’incidence des récidives ultérieures.


Récidives

Un traitement antiviral n’est à envisager que dans les récidives graves. A cette fin, on peut opter pour un traitement au moment de l’accès aigu ou, en cas de récidives fréquentes (p. ex. 6 ou plus par an) ayant un impact psychologique, pour un traitement préventif. En pratique, ce dernier n’est que rarement utilisé, entre autres en raison du coût élevé et du bénéfice relativement faible.


Traitement au moment de l’accès aigu

  • Traitement oral. Des données indiquent que l’aciclovir et le valaciclovir diminuent la durée des symptômes et de la douleur, mais le bénéfice reste limité. La durée des symptômes, et l’effet du traitement sur les symptômes variaient selon les études (traitement antiviral versus placebo): 8 jours versus 12 jours, 4 jours versus 5 jours, 5 jours versus 5,5 jours. L’incidence des récidives ultérieures n’est pas influencée.

    Les doses suivantes sont proposées.

    • Aciclovir per os: 400 mg 5 x p.j. pendant 5 jours. Dans la notice belge, des doses plus faibles sont mentionnées, à savoir 200 mg 5 x p.j. pendant 5 jours.
    • Valaciclovir per os: 2 x 2 g pendant 1 jour (dans les études, aucune différence d’efficacité n’a été observée entre un traitement d’un jour ou de 2 jours). La notice belge mentionne une dose de 500 mg 2 x p. j. pendant 5 jours.

    Le traitement doit en tout cas être débuté le plus rapidement possible, c.-à-d. dès le stade prodromal (douleur, sensation de picotements et de brûlure et/ou démangeaisons) ou en tout cas dans les 24 à 48 heures suivant l’apparition des lésions.

  • Traitement local. Les données concernant l’efficacité des antiviraux par voie locale (aciclovir, penciclovir) sont contradictoires: selon certaines études, la durée de la douleur et des lésions est raccourcie d’un jour, d’autres études n’ont montré aucune différence statistiquement significative. Il est généralement admis que l’efficacité du traitement local est encore plus limitée que celle du traitement oral.

Traitement préventif

Un traitement préventif n’est que très rarement utilisé dans l’herpès labial. Chez les patients ayant des facteurs déclenchants connus, p.ex. une forte exposition aux rayons UV (p.ex. lors du ski), une intervention dentaire ou une intervention au niveau du visage, un traitement préventif de courte durée diminuerait la fréquence des accès ainsi que leur durée, mais les données ne sont pas univoques.


2. Herpès génital

[voir aussi Folia de juin 2001 ]

L’herpès génital, une des infections sexuellement transmissibles les plus fréquentes, se caractérise par des vésicules anogénitales douloureuses, des érosions ou des ulcères. D’autres symptômes surviennent parfois en cas de primo-infection, tels qu’un syndrome grippal, des paresthésies au niveau des jambes ou du périnée, une lymphadénopathie inguinale localisée et, surtout chez la femme, une méningite aseptique, une dysurie et une rétention urinaire. En l’absence de traitement, la primo-infection guérit après 2 à 4 semaines; lors des récidives, la guérison survient plus rapidement, après 1 à 2 semaines. Une excrétion virale peut également survenir lors d’épisodes subcliniques ou asymptomatiques, avec un risque de transmission du virus à des personnes non infectées.


Primo-infection

Traitement oral. Un traitement par l’aciclovir ou le valaciclovir diminue la gravité et la durée des symptômes, la durée de la douleur (4 à 5 jours sous traitement antiviral versus 7 à 8 jours sous placebo), la durée de l’excrétion virale (1 à 5 jours sous traitement antiviral jours versus 9 à 17 sous placebo) et l’apparition de nouvelles lésions; l’incidence des épisodes ultérieurs n’est pas influencée par le traitement de la primo-infection. Les doses suivantes sont proposées.

  • Aciclovir per os: 200 mg 5 x p.j. pendant 5 à 10 jours (c’est également la dose mentionnée dans la notice belge), ou 400 mg 3 x p.j. pendant 5 à 10 jours.
  • Valaciclovir per os: 500 mg jusqu’à 1 g 2 x p.j. pendant 5 à 10 jours. La notice belge mentionne une dose de 500 mg 2 x p.j. pendant 10 jours.

Le patient doit être réévalué après environ 5 jours, et le traitement ne doit être poursuivi que lorsque de nouvelles lésions apparaissent, que des complications surviennent ou que des symptômes généraux persistent.

Traitement local. Un traitement local par des antiviraux est beaucoup moins efficace en cas de primo-infection qu’un traitement oral et n’est pas recommandé.


Récidives

En cas d’herpès génital grave récidivant, on peut opter pour un traitement au moment de l’accès aigu, ou pour un traitement préventif. [N.d.l.r.: pour certaines spécialités à base d’aciclovir à usage oral, un remboursement est prévu dans ce cas par l’INAMI en catégorie b, après autorisation du médecin conseil de l’organisme assureur.]


Traitement au moment de l’accès aigu

  • Traitement oral. Un traitement par l’aciclovir ou le valaciclovir diminue la durée des symptômes et des lésions d’environ 1 jour (6 jours sous traitement antiviral versus 7 jours sous placebo), ainsi que la période d’excrétion virale d’environ 2 jours; l’incidence des épisodes ultérieurs n’est pas influencée. Les doses suivantes sont proposées.
    • Aciclovir per os: 200 mg 5 x p.j. pendant 5 jours (c’est également la dose recommandée dans la notice belge), ou 400 mg 3 x p.j. pendant 5 jours, ou 800 mg 2 x p.j. pendant 5 jours, ou 800 mg 3 x p.j. pendant 2 jours.
    • Valaciclovir per os: 500 mg 2 x p.j. pendant 3 à 5 jours (dans la notice belge, cette dose est recommandée pendant 10 jours), ou 1 g 1 x p.j. pendant 5 jours. Le bénéfice est le plus important lorsque le traitement est débuté au stade prodromal (picotements, douleur lancinante au niveau des cuisses, des jambes ou des hanches) ou lors de l’apparition des premières lésions. Le traitement doit en tout cas être débuté dans les 24 heures suivant l’apparition de la récidive (idéalement, dans les 6 heures).

  • Un traitement local n’est pas recommandé.

Traitement préventif

  • Traitement oral. Un traitement préventif chronique par l’aciclovir ou le valaciclovir diminue la fréquence des récidives (dans une étude d’une durée d’un an, la fréquence des récidives était de 2 % sous aciclovir versus 13 % sous placebo), ainsi que le nombre de jours d’excrétion virale (diminution de 80 à 90 %). Le risque de transmission du virus à des partenaires sexuels non infectés est ainsi diminué mais ne disparaît pas complètement. Les doses suivantes sont proposées.
    • Aciclovir per os: 400 mg 2 x p.j. La notice belge mentionne cette dose ainsi que les doses suivantes: 200 mg 4 x p.j., ou 200 mg 3 x p.j. ou 200 mg 2 x p.j.
    • Valaciclovir per os: 250 mg 2 x p.j., ou 500 mg 1 x p.j., ou 1 g 1 x p.j. (cette dernière dose chez des patients présentant 10 récidives ou plus par an). Les doses figurant dans la notice belge sont de 500 mg 1 x p.j. ou 250 mg 2 x p.j.

    Après 12 mois, le traitement doit être interrompu afin d’évaluer l’incidence des récidives, et s’il est encore nécessaire de poursuivre le traitement préventif. Il est souvent nécessaire de prolonger ce traitement préventif pendant plusieurs années; il n’y a pas d’indices d’effets toxiques à long terme.

  • Un traitement antiviral local n’est pas recommandé.

Herpès génital pendant la grossesse

L’aciclovir ou le valaciclovir peut être utilisé pour le traitement de l’herpès génital chez la femme enceinte. Il n’existe aucune preuve d’un effet tératogène ou d’une toxicité foetale.

Lorsqu’un herpès génital survient chez une femme enceinte aux alentours de l’accouchement, certainement lorsqu’il s’agit d’une primo-infection, le risque de transmission de l’infection à l’enfant lors de l’accouchement est important, et peut avoir des conséquences graves (herpès néonatal).

Chez une femme présentant des lésions génitales ou des signes prodromaux aux alentours de l’accouchement, il est dès lors conseillé de pratiquer une césarienne, mais ceci n’élimine pas complètement le risque d’herpès néonatal. [N.d.l.r.: un traitement antiviral est instauré chez la mère et chez l’enfant.] Chez les femmes qui ont des antécédents d’herpès génital, l’administration orale d’aciclovir ou de valaciclovir pendant les 4 dernières semaines de la grossesse diminue le risque de récidives aux alentours de l’accouchement et dès lors aussi la nécessité de devoir pratiquer une césarienne; l’excrétion virale n’est toutefois pas complètement inhibée de sorte qu’une infection néonatale est toujours possible. Les données quant à l’intérêt d’un traitement antiviral préventif systématique aux alentours de l’accouchement chez les femmes ayant des antécédents d’herpès génital sont limitées et ne sont pas univoques.


3. Herpès oculaire

Un infection oculaire par le virus Herpes simplex peut entraîner une inflammation des paupières, des conjonctives, de l’iris, de la rétine et de la cornée. Les complications au niveau de la cornée sont les plus fréquentes (kératite). Alors que la kératite épithéliale guérit généralement en 1 à 2 semaines, le risque de lésions persistantes est beaucoup plus élevé en cas de kératite stromale, avec entre autres risque de perte visuelle (et parfois même cécité). Pour l’herpès oculaire, nous n’avons retrouvé dans nos sources d’information aucune distinction entre primo-infection et récidives.

Traitement au moment de l’accès aigu. L’administration locale dans l’oeil d’aciclovir ou de ganciclovir est recommandée dans la kératite épithéliale (onguent ou gel ophtalmique 5 x p.j. pendant 7 à 14 jours) et dans certaines formes de kératite stromale [n.d.l.r.: un remboursement est prévu dans ce cas par l’INAMI en catégorie b, après autorisation du médecin conseil de l’organisme assureur]. Les corticostéroïdes sont strictement contre-indiqués dans la kératite épithéliale, mais ils peuvent être indiqués dans certaines formes de kératite stromale. L’ajout au traitement local d’un traitement antiviral oral de courte durée ne semble pas offrir de bénéfice supplémentaire. Le traitement antiviral n’a aucun effet sur l’incidence des récidives ultérieures.

Traitement préventif. Chez les patients présentant une kératite stromale, surtout en cas de récidives fréquentes, un traitement préventif par l’aciclovir par voie orale se justifie. Chez les patients qui ont subi une greffe de cornée en raison d’une kératite herpétique, un traitement prophylactique par l’aciclovir doit être suivi [n.d.l.r.: p. ex. 400 mg 2 x p.j. Un remboursement de l’aciclovir est prévu dans ce cas pendant 6 mois (catégorie b, après autorisation du médecin conseil de l’organisme assureur), possibilité de prolonger la période].


Quelques références

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