L’étude JUPITER reste sujet à controverse

L’étude JUPITER traite de l’usage de la rosuvastatine (Crestor®) en prévention primaire des accidents cardio-vasculaires. Cette étude a été interrompue prématurément en raison de la diminution marquée du nombre d’accidents cardio-vasculaires avec la rosuvastatine, comparé au placebo [voir Folia de janvier 2009 et de Folia juillet 2010 ]. L’étude JUPITER fait toujours l’objet de discussions, comme le rapportent récemment les auteurs de deux articles parus dans les Arch Intern Med [2010; 170: 1032-36 et : 1073-7].

  • Il existe des indices selon lesquels certaines personnes impliquées dans l’étude JUPITER présentent des conflits d’intérêts: l’étude a été financée par le fabricant de Crestor®, et neuf des quatorze auteurs de la publication de l’étude JUPITER avaient des liens financiers avec la firme. L’investigateur principal est en outre copropriétaire du brevet sur le test de la protéine C réactive ultrasensible ("high sensitivity C-reactive protein" ou hsCRP). Pour rappel, l’un des principaux critères d’inclusion dans l’étude JUPITER était un taux accru de hsCRP. L’hypothèse avancée est que, chez les patients présentant un taux accru de hsCRP, un traitement par une statine présente un intérêt, même en l’absence de taux de cholestérol nettement accrus. L’étude JUPITER ne permet pas de confirmer cette hypothèse.
  • L’arrêt prématuré de l’étude a probablement conduit à surestimer l’effet de la rosuvastatine et n’a pas permis de récolter des informations importantes sur l’innocuité à long terme.
  • L’effet sur le critère d’évaluation primaire cardio-vasculaire composé était important en chiffres relatifs (diminution du risque de 44%), mais il était moins impressionnant en chiffres absolus (le NNT sur une période de 1,9 ans était de 82, c.-à-d. que 82 patients devaient être traités pendant 1,9 ans par la rosuvastatine, comparé au placebo, pour prévenir un seul accident cardio-vasculaire supplémentaire).
  • Dans l’étude JUPITER, la mortalité cardio-vasculaire était étonnament basse par rapport au nombre d’accidents cardio-vasculaires non fatals. La mortalité cardio-vasculaire était aussi faible, vu ce à quoi l’on pouvait s’attendre à partir d’études épidémiologiques. On suppose l’existence de biais, et l’arrêt prématuré de l’étude y joue probablement un rôle.

Les auteurs de l’étude JUPITER ont répondu à un certain nombre de critiques dans un article paru dans The American Journal of Cardiology [Am J Cardiol 2010; 106: 1351-6] . Il est évident que l’interprétation de données identiques peut déboucher sur des conclusions différentes.

Une méta-analyse récente sur les statines en prévention primaire chez des patients à risque élevé (donc sans antécédents d’accidents cardio-vasculaires) apporte des informations supplémentaires importantes pour la pratique. Cette méta-analyse – avec l’étude JUPITER comme principale étude incluse- ne révèle pas de bénéfice au niveau de la mortalité totale sur une période de 4 ans en moyenne [ Arch Intern Med 2010; 170: 1024-32 , avec un éditorial : 1007-8 ]. Ceci confirme encore une fois que les statines ne doivent pas être utilisées de manière systématique en prévention primaire, notamment chez les patients ayant un risque cardio-vasculaire plutôt faible.